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Un programme saigna nt s'il vous plaît !
Publié dans Le Soir Echos le 21 - 01 - 2011

Dans le cadre du Plan Maroc Vert, le gouvernement a décidé de venir en aide à la filière viande rouge par le biais de contrats-programmes. Le but : développer des modèles productivistes, d'agrégation sociale et de valorisation des viandes ainsi qu'améliorer les conditions sanitaires du marché national. Etat des lieux.
Le gouvernement marocain parviendra-t-il à remettre sur pied un secteur contaminé par le marché informel, une législation contrariée et de douloureux problèmes sanitaires ? Le chantier est de taille, à commencer par la question de l'identification et de la traçabilité des espèces animales, inhérente au sujet. «Le cheptel marocain n'est que partiellement identifié et l'identification est bien souvent mise en place dans l'unique but d'avoir accès à des aides de l'Etat pour certains élevages. Or les producteurs demandent à ce que l'identification soit généralisée. Cela permettrait de régler les problèmes sanitaires, d'assurer une traçabilité aux consommateurs et d'apporter une valeur ajoutée en termes de labellisation», explique Mohamed Karimne, président de l'Association nationale des producteurs de viande rouge (ANPVR). La traçabilité suppose l'identification d'un cheptel entier. Et si aucune réglementation n'a été mise en place jusqu'alors, c'est avant tout parce que les différents partis en charge de la filière ne parviennent pas à trouver un consensus de travail : «On se mêle les pinceaux car on fonctionne à l'envers. Certains disent qu'il faut d'abord s'occuper de l'aspect sanitaire, d'autres de l'identification. Or le sanitaire doit utiliser l'identification, non l'inverse», ajoute M. Karimne. Alors, là où le contrôle manque à l'appel, la clandestinité s'installe. On estime aujourd'hui que 30% du marché de la viande rouge proviennent de l'informel. A Casablanca, Sur les 48.000 tonnes de viande consommées par habitant et par an, seulement 25.000 sortent des abattoirs municipaux. La raison d'une telle marge ? Le niveau de la taxe d'abattage. D'environ 2,6 DH le kg pour les abattoirs de Casablanca, elle n'est que de 1,10 DH le kg pour ceux de Mohammédia, soit moins de la moitié. Les abattoirs périphériques, quant à eux, proposent un forfait de 100 DH par tête, à savoir 50 cts le kg en moyenne. «Pour moi, la taxe des abattoirs de Casablanca n'est pas trop élevée. Les autres abattoirs offrent un niveau de prestation le plus bas possible qui ne correspond à aucune norme. Alors forcément, les tarifs sont inférieurs. Seulement, ce n'est ni plus ni moins de l'abattage quasi clandestin dans des structures officielles», lance Karimne.
Mais alors, pourquoi un tel laxisme ? «Le secteur de la viande implique beaucoup d'intervenants aux priorités différentes et qui ne parviennent pas à établir de consensus. Il y a d'une part le ministère de l'Intérieur par le biais des collectivités locales qui gèrent les abattoirs municipaux ainsi que le transport, le ministère de l'Agriculture à travers l'Agence nationale de sécurité alimentaire, et le ministère du Commerce et de l'industrie, qui joue en quelque sorte le rôle de parrain des boucheries. Trois intervenants qui n'ont pas la même échelle de responsabilité. Par exemple, la filière viande est très importante pour le ministère de l'Agriculture alors que celui de l'Intérieur a d'autres priorités» explique le président de l'ANPVR. Pourtant, le gouvernement ne cesse d'être alerté sur les conditions sanitaires d'abattage des viandes. La plupart des abattoirs étant dépourvus d'espace de stabulation –accueil et maintenance du bétail pendant 48 h en cas de maladies–, de séparation des secteurs assurant une bonne hygiène, et de contrôles sanitaires respectant les normes européennes.
Enfin, ultime faiblesse, la question du transport de la viande vient boucler la chaîne infernale. Egalement géré par les collectivités locales, le transport fonctionne par concessions d'un ou deux ans à des sociétés «qui n'ont de transporteurs que le nom», selon Karimne. «Elles n'ont aucune garantie à investir dans le transport. Sans visibilité économique sur le long terme, elles utilisent donc des camions mal réfrigérés et travaillent dans des conditions à moindres dépenses», ajoute-t-il.
De l'Etat ou du privé :
qui aura le plus gros morceau ?
Dans le cadre du Plan Maroc Vert, le gouvernement a décidé de venir en aide à la filière viande rouge par le biais de contrats-programmes, comptant la mise en place de primes à l'investissement pour les projets d'élevage et d'agrégation, ainsi que l'aménagement des marchés aux bestiaux, la promotion de l'organisation professionnelle ou encore une mise en œuvre de la réglementation régissant la filière. A noter également la création d'un centre de formation dédié aux viandes rouges à Aïn Jamâa (Casablanca), qui permettra, espérons-le, de pallier au manque de professionnalisme. Surtout, le programme ouvre la voie à la privatisation des abattoirs, une première pour un gouvernement qui, jusqu'à présent, refusait de confier le secteur aux fonds privés. D'ailleurs, Hammou Ouhelli, propriétaire de Biobeef (Meknès), les premiers abattoirs privés marocains, explique cette décision : «C'est une évolution obligatoire dans la mesure où les abattoirs actuels sont gérés par les communes. L'Etat s'est retiré de tout ce qui est production. Or les abattoirs sont une activité industrielle et doivent fonctionner comme telle».
La privatisation du marché de la viande est-elle l'avenir de la filière ? Cela signe-t-il la fin des abattoirs municipaux ? Ou celle du marché informel ? Pourquoi le gouvernement céderait-il la gestion de la filière à des investisseurs ? En se faisant signataire de ce programme, et en subventionnant les projets à hauteur de 10%, le gouvernement entend assurer la transition et ne perd jamais de vue le pouvoir économique du développement de la filière. Pour preuve, le Maroc vient d'ouvrir ses frontières à l'international en réduisant les taxes et les douanes pour certaines races à viande. Désormais et dans le cadre d'une convention sanitaire, le pays reçoit des viandes de France, Hollande, Allemagne, Irlande et Autriche, le but étant de baisser le coût de la production nationale en misant sur la qualité. Les petits producteurs locaux, quant à eux, regardent de loin ces avancées. Futures victimes collatérales d'un fonctionnement qui les dépasse ?
Zoom : Biobeef, les premiers abattoirs privés
Si le nom en dit long sur les intentions de son propriétaire, pour l'heure, Biobeef est le premier abattoir à répondre aux normes européennes, à savoir un process d'hygiène rigoureuse –appelé la marche en avant-, le respect de l'environnement avec la mise en place d'une station de traitement des déchets, la récupération du sang et des graisses, les conditions de transport, l'examen du bétail ante mortem ou le contrôle d'hygiène par un vétérinaire après abattage, etc. Or pour le moment, ces abattoirs privés ont pour condition de ne travailler qu'avec leur propre bétail, celui du ranch Adarouch. L'ouverture aux autres éleveurs est possible sous contrat selon lequel les abattoirs suivent l'élevage en question, assurant ainsi une traçabilité. En effet, Biobeef a fait une demande d'agrégation.
INTERVIEW Mohsine Benzakour, psychosociologue
«Au Maroc, la viande est un aliment très valorisé socialement »
En quoi la consommation de viande peut-elle être un marqueur identitaire et social des groupes au Maroc ?
Quand on parle de la consommation de la viande au Maroc il faut dépasser la vision réductionniste d'un être humain qui serait seulement un homo economicus dont l'objectif serait d'optimiser ses dépenses ou un homo sanitens orienté vers la gestion de sa santé. C'est un art de vivre, une croyance et une identité sociale. Au Maroc, la viande est un aliment qui est très valorisé socialement. A l'ordinaire, les ménages la consomment dès qu'ils en ont la possibilité. Toutes les célébrations de la vie collective impliquent sa consommation. A ce titre, la viande de mouton est particulièrement prisée. On estime qu'un ovin est abattu pour chaque cérémonie de naissance et de mariage. Le Maroc est aussi un pays d'élevage des ovins. Celui-ci constitue une activité cruciale pour les foyers ruraux. Mais le fait que la pauvreté touche un nombre important de familles marocaines en parallèle à la cherté de la viande laisse croire que consommer cette dernière peut être un marqueur identitaire et social. Ce qui est absolument faux, car on peut parler dans ce cas aussi des habits, de l'eau potable ou de fruits…
Comment peut-on comparer et analyser la consommation de viande de ces dernières années dans les habitudes alimentaires des Marocains ? Quelles sont les évolutions en ce domaine ? Comment peut-on les expliquer ?
L'Etat marocain essaie par différents moyens d'élever la consommation de la viande mais il ne dépasse pas 3 à 4 kg/an/hab. Le niveau de vie est très élevé par rapport aux revenus (2.000 DH le salaire minimum garanti). Les consommateurs font des choix, ont des préférences et des pratiques alimentaires. A titre indicatif, les thèmes auxquels il peut s'intéresser sont du domaine des modes d'approvisionnement en denrées alimentaires, achats, échanges, chasse, cueillette, production. Viennent ensuite les savoirs et les pratiques de préparation culinaire, transformation, mise en forme des aliments. Puis l'organisation de la consommation proprement dite, son déroulement (définir l'ordre des repas dans la journée et de succession des plats à l'intérieur des repas), sa disposition spatiale (les endroits où elle a lieu, la disposition des convives, des plats), les manières de manger (l'utilisation de couverts ou des mains) et de partager la nourriture. Une autre activité importante des consommateurs consiste à forger les argumentations qui justifient la consommation et les usages des produits alimentaires. A ce titre, il n'est pas exagéré de dire que les individus mangent autant avec leur esprit qu'avec leur bouche :célébrer des événements de la vie sociale (naissances, mariages, anniversaires, des rites de passage, des fêtes ou des rituels religieux), sceller des liens entre individus ou entre groupes et symboliser leurs interdépendances mutuelles. Dans ce sens, la consommation de la viande constitue une ressource symbolique puissante pour exprimer l'identité collective ou encore la volonté de distinction et peut servir à marquer des positions, des statuts, des hiérarchies sociales ou l'appartenance à des groupes.
Peut-on parler d'une «peur»' de la viande face au développement d'un marché informel et du manque de contrôle sanitaire des produits ?
Toute réflexion portant sur l'alimentation doit nécessairement tenir compte des méthodes de production des aliments et de leur impact sur l'homme et la nature, la santé de l'homme étant aussi celle de la terre et du milieu agricole. Il n y a pas que le marché informel qui fait peur mais aussi la surconsommation. Et là, j'aimerais citer le célèbre agronome, écologiste et tiers-mondiste René Dumont qui dit : «L'occidental, avec sa surconsommation de viande et son manque de générosité envers les populations les plus pauvres, se comporte véritablement comme un cannibale, un cannibale indirect ; en consommant de la viande, ce qui gaspille les céréales qui auraient pu les sauver, nous avons mangé l'année dernière les enfants du Sahel, d'Ethiopie et du Bangladesh. Et cette année-ci, nous continuerons à les manger avec le même appétit !…». υ


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