Evoluant dans un climat tendu, marqué par la démission des ministres de l'opposition, le nouveau gouvernement d'unité nationale multiplie les déclarations pour apaiser la colère de la rue. Des annonces peu convaincantes aux yeux des manifestants. Les aspirations des Tunisiens pour une rupture nette avec l'ancien régime peinent à se refléter dans la formation du nouveau gouvernement. Les membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) tentent, depuis plusieurs jours, de se laver les mains de leur lien avec l'ancien président Ben Ali et de montrer leurs bonnes intentions. «Je m'engage à ce que le gouvernement de transition conduise à une rupture totale avec le passé», à déclaré mercredi le président Foued Mebazaâ Allant dans ce sens, deux jours après la démission du parti de Mebazaâ et Ghannouchi, les ministres du gouvernement national ont annoncé à leur tour leur départ du RCD, sans pour autant renoncer à leurs postes. Les annonces des derniers jours visent à calmer la grogne des manifestants qui défilent dans les rues tunisiennes aux cris de «RCD dégage». Ce message pourtant clair du peuple tunisien peine à trouver un écho au niveau de l'exécutif qui s'accroche à son ancien fonctionnement. Dans le climat de défections en série et de contestation, le gouvernement tunisien devait tenir ce jeudi son premier Conseil des ministres. Au programme de cette réunion : l'examen d'une loi d'amnistie générale, et la séparation entre l'Etat et l'ancien parti au pouvoir, une des revendications majeures des Tunisiens. Le clan Ben-Ali / Trabelsi dans le collimateur de la justice La télévision tunisienne a annoncé mercredi l'arrestation de 33 membres de la famille de l'ex-président, soupçonnés de «crimes contre la Tunisie». La chaîne n'a pas précisé le nom ni le lien de parenté avec le président Ben Ali, réfugié en Arabie Saoudite depuis sa fuite vendredi 14 janvier. Des images de bijoux, d'or et de cartes bancaires, saisis lors de leur interpellation, ont été montrées au moment de la diffusion de cette information. «Des enquêtes vont être menées pour qu'ils soient traduits en justice», selon la télévision publique.Outre l'arrestation de ses 33 membres, la télévision publique fait état mercredi d'une enquête au sujet du général Ali Seriati, responsable de la garde présidentielle, dont les autorités ont annoncé l'arrestation. Ces nouvelles interviennent alors que les fortes sommes d'argent emportées par la famille de Ben Ali sont de plus en plus fréquemment évoquées par les médias. La main-mise économique de la belle-famille de l'ancien président est une des raisons du soulèvement populaire entamé depuis la mi-décembre en Tunisie. Dans cette perspective, une enquête judiciaire pour «acquisition illégale de biens», «placements financiers illicites à l'étranger» et «exportation illégale de devises» a été ouverte mercredi contre le président déchu Zine El Abidine Ben Ali et sa famille. Elle vise nommément l'ancien chef d'Etat, sa femme Leila Trabelsi, ainsi que «les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères». Le clan Ben Ali / Trabelsi est accusé d'avoir mis en coupe réglée le pays depuis 23 ans. Les leaders arabes inquiets Le mouvement de révolte tunisien a été évoqué à de nombreuses reprises lors du sommet de la Ligue Arabe, organisé ce mercredi en Egypte, dans la station de Charm el-Cheikh. «Les citoyens arabes sont dans un état sans précédent de colère et de frustration», a déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Plusieurs pays arabes -Algérie, Egypte, Mauritanie- ont connu ces derniers jours une série d'immolations par le feu, semblables au geste du jeune vendeur ambulant tunisien à la mi-décembre, qui avait marqué le début de la révolte ayant renversé le président Ben Ali. Inquiets de voir dans leur propre pays certains symptômes à l'origine de la révolution tunisienne, les dirigeants se sont engagés à faire de leur lutte contre le chômage une de leur priorité. υ