La démission du gouvernement libanais a été annoncée lundi soir par le Premier ministre Omar Karamé. Cette annonce est intervenue à la suite de la réunion Parlement consacrée au débat sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri. "Je suis déterminé à ce que le gouvernement ne soit pas un obstacle pour ceux qui veulent le bien de ce pays. J'annonce la démission du gouvernement que j'ai eu l'honneur de diriger. Que Dieu protège le Liban", a déclaré Omar Karamé. C'est en ces termes que le Premier ministre libanais a annoncé, lundi soir, la démission de son gouvernement. Le cabinet Karamé cède ainsi à la pression populaire. Bravant la décision du ministre de l'Intérieur portant sur l'interdiction de tout rassemblement et toute manifestation dans le pays, plusieurs milliers de manifestants hostiles à l'influence syrienne au Liban avaient défilé, lundi matin, dans le centre de Beyrouth. Toutes les activités de la ville ont été interrompues suite à une grève générale lancée à l'appel de l'opposition et coïncidant avec la session extraordinaire du Parlement. La session est destinée à l'examen d'une motion de censure visant le gouvernement pro-syrien, et également à interroger le gouvernement au sujet de l'assassinat de Hariri. La séance parlementaire a été suspendue et devait reprendre dans la même soirée En fin de matinée, la place des Martyrs, ou la "place de la liberté", selon les manifestants, était archi-comble par les manifestants demandant la démission du présent gouvernement et scandant des slogans anti-syriens: "La Syrie dehors", "Liberté, souveraineté, indépendance". Sur la place, des soldats armés de fusils d'assaut étaient déployés, des barrages et des fils barbelés tenant les manifestants à distance de la place des Martyrs et du Parlement. Mais, aussitôt, ces barrages furent détruits par des groupes de manifestants. Des postes de contrôle ont, également, été installés à l'entrée de Beyrouth pour détourner les voitures et les bus transportant des manifestants venus spécialement en réponse à l'appel de grève annoncé par l'opposition. Malgré ce climat tendu et la colère des manifestants, des scènes de fraternité ont eu lieu avec des soldats libanais. Selon les correspondants de la presse internationale, certains manifestants ont offert des fleurs aux militaires, tandis que d'autres leur jetaient des pétales. Des militaires ont été vus entourant une jeune manifestante, tombée à terre lors d'une bousculade, pour empêcher qu'elle ne soit piétinée par la foule. Ils l'ont ensuite aidée à se relever. Un député de l'opposition, Nemetallah Abi Nasr, a déclaré à la foule : "Les soldats sont nos frères et l'armée n'entrave pas notre action". Le principal chef de l'opposition, le leader druze, Walid Joumblatt, a salué les manifestants dans une déclaration diffusée par haut-parleur. "Par votre résistance, vous êtes en train d'écrire une nouvelle page de l'Histoire, celle de l'indépendance retrouvée", a-t-il dit. "Tous ensemble, nous voulons un Liban souverain et indépendant, le départ des services de renseignements syriens et surtout la vérité : qui a tué Rafic Hariri ?", a-t-il proclamé. Depuis 12 jours, des milliers de personnes se rassemblent chaque soir sur la place des Martyrs, pour réclamer la vérité sur l'assassinat de Rafic Hariri et le retrait des troupes syriennes. La séance du Parlement a commencé par une minute de silence à la mémoire de l'ex-Premier ministre assassiné et le débat était diffusé en direct par les chaînes de télévision libanaises. Par ailleurs, le président de l'Assemblée, Nabih Berri, a exhorté "toutes les parties à ne pas lancer des accusations sans fondement qui risquent de diviser le peuple libanais et de porter atteinte aux relations du Liban avec ses voisins". Fort d'une majorité de députés au sein du Parlement, qui compte 128 sièges, le gouvernement du Premier ministre, Omar Karamé, devrait repousser la motion sans difficulté, malgré la crise provoquée au Liban par l'assassinat de l'homme d'affaires et les manifestations massives en cours à Beyrouth. Le Parlement s'est réuni à l'initiative de dirigeants de l'opposition, qui ont imputé à la Syrie et à ses partisans au Liban le décès, le 14 février dans un attentat à la bombe, de Hariri et de 17 autres personnes à Beyrouth. Damas, de son côté, a démenti avoir tenu un quelconque rôle dans le meurtre de Hariri, en qualifiant l'assassinat d'acte terroriste. Entre une opposition qui veut faire tomber le gouvernement pro-syrien et une population qui revendique la liberté et la vérité sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre, le gouvernement d'Omar Karamé réclame toujours la confiance et rejette toute responsabilité dans l'assassinat.