Le Premier ministre libanais, Omar Karamé, rend sa seconde démission suite à l'échec de son camp et l'opposition, elle, menace de redescendre dans la rue pour « tenter de mettre en échec les manœuvres du pouvoir ». La crise politique s'intensifie au Liban au lendemain du trentième anniversaire du début de la guerre civile en 1975. L'échec des pro-Syriens dans la formation d'un gouvernement a entraîné la démission du Premier ministre, Omar Karamé, pour la deuxième fois en un mois et demi. Le sunnite pro-syrien avait rendu son tablier en rejetant sur son propre camp la responsabilité de l'échec. Il faut préciser que le camp pro-syrien regroupe les deux mouvements chiites Amal et Hezbollah, les partis laïcs pro-syriens et des députés chrétiens sunnites pro-syriens. Le camp a perdu plusieurs grandes personnalités politiques lors de la dernière crise ministérielle. Coup sur coup, le ministre démissionnaire de l'Intérieur, Soleiman Frangié et deux autres ministres chrétiens, celui de l'Agriculture, Elie Skaff et de l'Information Elie Ferzli, ont annoncé leur refus de participer au cabinet censé conduire les élections prochaines. Karamé ne s'est pas contenté de démissionner de son poste, mais il a également porté un coup supplémentaire à son camp, en affirmant qu'il se retirait du bloc pro-syrien. La démission de Karamé, survenue mercredi a rendu de plus en plus improbable la tenue des législatives dans les délais constitutionnels, soit avant le 31 mai, comme l'exigent l'opposition et la communauté internationale. À noter qu'un report des élections entraînerait automatiquement la prorogation du mandat du Parlement actuel, où les pro-Syriens sont majoritaires. «J'avais déjà donné ma lettre de démission au chef de l'Etat lundi soir et le président Emile Lahoud m'a demandé de temporiser pour donner le temps à des tractations de dernière minute, mais comme je ne vois pas de changement, je réaffirme ma décision de démissionner », a annoncé Karamé. Il a affirmé avoir pris cette décision en raison des "divergences qui sont apparues" dans le camp pro-syrien. "Face à la poursuite des divergences, je suis arrivé à une impasse. Je renonce à former un gouvernement", a-t-il avancé. De son côté, l'opposition a menacé de redescendre dans la rue, comme après l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, a déclaré Nayla Moawad, membre du regroupement des députés et partis chrétiens anti-syriens. « Nous allons adopter une position commune et tenter de mettre en échec les manœuvres du pouvoir qui veut saboter l'échéance électorale », a-t-elle ajouté. « Pour faciliter les choses, l'opposition pourrait proposer le nom d'une personnalité sunnite qui succèderait à Karamé, mais en cas de nouvelles tergiversations, nous n'aurons d'autre choix que de recourir à la mobilisation populaire pour forcer ce Parlement à adopter une loi électorale et fixer les dates », a-t-elle prévenu. « Ceux qui continuent de s'accrocher à un pouvoir périmé ne se rendent pas compte qu'une révolution pacifique est en cours et que le peuple libanais ne les laissera mettre en danger la stabilité politique du pays», a affirmé Nayla Moawad. L'un des principaux ténors de l'opposition, le Druze Walid Joumblatt, a qualifié la décision du Premier ministre en titre, Omar Karamé, de se désister de « fuite en avant qui ne sert à rien ». « Si les loyalistes ont une certaine légitimité, qu'ils se présentent aux élections, on verra aux urnes », a déclaré Walid Joumblatt. Alors que la crise libanaise s'exacerbe, le président français, Jacques Chirac et la secrétaire d'Etat américaine Condoleeza Rice ont insisté sur la tenue d'élections dans les délais prévus, en mai prochain.