La cinéaste Nicole Garcia, signe Un balcon sur la mer. Film sur le souvenir à fleur de contemplation et d'intrigue avec Oran et le sud de la France comme toile de fond. Sorti en salle le 15 décembre dernier en France, Un balcon sur la mer a été présenté au 10e FIFM et aux 23e Journées Cinématographiques de Carthage. Filmer le souvenir, l'enfance, la réminiscence d'une ville, requiert sensibilité et habileté. Il semblerait que Nicole Garcia, y soit parvenu à travers le regard embué par le passé et le labyrinthe émotionnel de Marc, (Jean Dujardin) personnage central, qu'elle met en scène dans Un balcon sur la mer. Les premières séquences traversent Oran, la nuit, mais on ignore encore de quelle ville il s'agit. On reconnaît les arcades des villes côtières du Sud. Serait-ce Alger ? Casablanca ? C'est l'histoire de Marc et Cathy qui va faire la lumière sur le visage de cette ville, qui se dévoile d'abord dans l'ombre pour ensuite mieux nous inonder de sa lumière diffuse. L'effet révélé par son nouveau film, dont l'intrigue est à mi-chemin entre l'onirisme et la confusion, convainc grâce à l'idée. Qui n'a jamais rêvé de retrouver son amour d'enfance, de s'immerger un temps dans cet univers ouaté par l'innocence des sentiments et l'abandon total de soi, paradis perdu qui n'appartient plus qu'à cette période bénie de notre vie ? L'amour d'enfance de Marc, son amour rêvé et inachevé, flottant toujours dans son inconscient est Cathy. Elle disparaît comme la vie de Marc, adolescent à Oran au début des années 60, contraint de quitter précipitamment l'Algérie, pied noir à jamais déraciné. Le père de Cathy est pour l'Algérie aux Algériens, une bonne raison pour le faire disparaître, lui et sa famille. Marc perd sa jeune voisine, malgré lui, car à côté de leur petite histoire, une grande histoire est en train de s'écrire. « – Cathy ! Je vais revenir ! » on croit à cet amour naissant sur leur balcon, ronde ancestrale et amoureuse des villes arabes… Plusieurs années plus tard, Marc est revenu de sa première vie algérienne, pour en construire une française, située dans le sud de la France. Il est un bel homme, marié et père de famille, agent immobilier à qui la réussite sourit. Au hasard d'une transaction, il reconnaît Cathy (Marie-Josée Croze), l'amour de ses 12 ans aux temps d'Oran en la personne d'une femme séduisante, veuve énigmatique qui souhaite acquérir une maison. Est-ce véritablement Cathy ? C'est ici, que le jeu de l'imposture et du flot du souvenir va se déverser sur cet homme et cette femme. « -Tu me reconnais? C'est toi ? » ; « -Oui, c'est moi. » Ils vont s'aimer en secret et dans l'abandon du souvenir. Jusqu'au doute, émis de concert par la sœur et la mère de Marc : « -Tu te souviens de Cathy, la petite fille qui habitait en face de chez nous ? » ; « -Elle est morte dans une explosion. A l'époque, on n'a pas osé te le dire » Cathy est une autre et quelle autre… La surprise est à la mesure de la complexité des rapports amoureux. Pour dire à demi-mots et du bout des lèvres qui est finalement Marc, perdu entre le présent et le passé, aux prises avec son identité : « Je me suis perdu », conclue-t-il. Père de famille touchant et attentif, rattrapé par son destin et son imaginaire, au milieu d'un désordre affectif. En cherchant qui est véritablement Cathy, peut-être apprendra-t-il finalement qui il est, du haut du balcon des villes qui bordent la Méditerranée, telles deux sœurs jumelles.