C'est en parcourant un papier d'un excellent confrère arabophone ce lundi, que j'ai eu l'idée d'écrire ce billet. «Quelle opposition au Maroc ? ». C'est sous ce titre interrogatif et néanmoins subversif, que démarre cet article qui m'a laissé un peu sur ma faim, mais, je dois le reconnaître, ce n'est pas simple du tout. Si je peux me permettre une petite critique à mes chers confrères, c'est qu'ils auraient dû mettre un point d'exclamation plutôt qu'un point d'interrogation. «Quelle opposition au Maroc !». Oh non, ce n'est pas de l'admiration, c'est de la perplexité désespérante. Ça fait longtemps que ça me démangeait d'aborder ce thème qui m'intéressait à plus d'un titre. D'abord, en tant que voyeur et enquiquineur public, qui cherche toutes les bonnes occases pour taper sur les nuls ; ensuite en tant que simple citoyen battu et abattu qui essaye tant bien que mal de piger quelque chose dans ce système, ma foi, assez sympathique, mais aussi vachement anachronique, et qu'on appelle, souvent avec tambours et trompettes : «la démocratie spécifique marocaine». Et si je ne l'ai pas fait jusque-là, c'est tout simplement, parce que je n'y arrivais pas. Oui, oui, vous avez bien lu : moi qui, comme chacun sait, sait tout sur tout, je n'arrivais pas – et d'ailleurs je n'arrive toujours pas - à comprendre quoi que ce soit à ce sujet. Ne croyez pas que c'est facile pour moi de faire un tel aveu, en plus, en public. Mais, j'ai quand même une consolation : cette incapacité - j'ai failli dire «impuissance » mais j'avais peur que ce soit mal interprété par certaines mauvaises langues - est relativement récente, et ne date que de quelques semaines, ou de quelques mois tout au plus. Auparavant, malgré les insuffisances, les carences, les déficiences, et même les taux d'absence, nos précédents Parlements avaient toujours en leur sein, d'une part, des majorités plus ou moins majoritaires qui soutenaient des gouvernements qui gouvernaient comme ils le pouvaient, et d'autre part, des oppositions qui s'opposaient presque systématiquement à ces mêmes gouvernements, au point qu'ils arrivaient parfois à les traumatiser. Et nous, on regardait, on admirait, on se marrait, et il nous arrivait même parfois d'applaudir. C'est vous dire... Qui ne se rappelle pas notre grand ténor A.Y. et ses interventions fougueuses et emphatiques qui hérissaient les poils de ceux auxquels elles s'adressaient et qui donnaient la chair de poule à tous ceux qui les écoutaient ? Qui ne se souvient pas des discours impétueux et chaleureux d'un certain F.O. qui donnaient la fièvre aux pauvres ministres pleureurs et les assommaient comme des coups de massue, et qui nous rendaient fiers, nous autres, militants étions-nous, ou simples admirateurs ? Le premier, que Dieu ait son âme, s'est tu brusquement un jour en pleine avenue, et le second, s'est ouvert à ses anciens adversaires tout en décidant de la boucler une fois pour toutes. Oui, c'était la belle époque. Aujourd'hui, après le temps des fleurs et des gueulantes, est venu celui de la torpeur et du thé à la menthe. C'est bon, c'est chaud, c'est parfumé, mais, en même temps, ça donne une grande envie de la fermer. Et maintenant, l'opposition, où est-elle ? Je suis là, et je suis plusieurs, me répond-elle. La première est au gouvernement sans l'être vraiment, la seconde a été tirée par la manche et ne s'est pas fait prier, la troisième, pourtant majeure, a été épousée de force, et enfin, la quatrième, la plus belle, elle, c'est un jour pour et un jour contre. Mais tout le monde le sait, tout le monde est sûr qu'un jour, bientôt, c'est elle, et peut-être rien qu'elle, qui sera LE gouvernement. Quelqu'un s'oppose ?