Remaniera ? Ne remaniera pas ? Beaucoup de monde se le demande, mais il n'y a pas grand monde pour nous éclairer. Enfin, oui et non. Pour certains, le remaniement du gouvernement est une nécessité logique, irréfutable et inéluctable en raison du fait que depuis quelque temps, un des partis majeurs de la majorité est passé, non pas tout à fait dans l'opposition, mais très clairement entre les mains d'un «opposant». Et pour d'autres, à commencer par le premier de tous, «aucun remaniement n'est à l'ordre du jour», ce qui voudrait dire, logiquement, que, peut-être, ce serait pour un… autre jour. Certaines mauvaises langues insolentes pourraient rétorquer qu'en tout cas, «ça ne dépend pas que de lui». Je ne sais pas ce qu'elles voudraient dire exactement avec ça, mais, ne voulant pas et ne pouvant pas me contenter de ces simples supputations vaseuses, j'ai pris mon bâton de pèlerin et mes oreilles de voyeur, et je me suis dirigé vers la rue, histoire de demander l'avis des concerné(é)s, c'est-à-dire ce qu'on appelle, ailleurs, des «citoyens» et des «citoyennes». Je vous assure que je ne plaisante pas, mais j'ai été super étonné par l'hyper conscience politique de mes concitoyens et mes concitoyennes. Jugez-en vous-mêmes: sur la presque centaine de badauds et badaudes que j'ai interrogé(e)s, il y a eu un ou deux qui m'ont répondu, très stoïquement: «Un remaniement? C'est quoi, ça ?»; deux ou trois qui m'ont lancé un : «je m'en balance !» rageur, je-m'en-foutiste et néanmoins malin (balance…parti de la balance… pigé ?) ; trois ou quatre m'ont balancé (à mon tour de reprendre ça à mon compte) un truc du genre : «B7al La3mache, b7al la3ma», ce qui est un peu l‘équivalent de «bonnet blanc, blanc bonnet»; et enfin, la majorité, y compris ceux et celles qui sympathisent avec l'opposition, pense – et ça était la grande surprise pour moi – que, je cite, «ce n'est un problème de ministres, mais un problème de méthode». Waouh ! Bravo ! Chapeau! Et moi qui méprisais - et je n'étais sûrement pas le seul - ce bon sens populaire que je trouvais trop naïf pour être opérationnel, cette fois-ci, je me suis dit, comme dirait l'autre, ce n'est vraiment pas bête comme idée: et si on changeait de méthode ! Pour paraphraser le grand Rousseau qui, soit dit en passant, n'est pas tout à fait un Marocain, j'ai envie de dire qu'avant de changer de méthode, on devrait, d'abord et avant tout, changer de discours. Franchement, et s'il vous plaît, il faut qu'on arrête de nous dire que «tout va bien» dès lors que quelque râleur paumé ou quelque nihiliste taré crie que «tout va mal»; et, je vous en supplie, qu'on cesse de nous rabâcher à chaque fois que ça va vraiment mal et que tout le monde le sent ainsi, qu'au fond, «c'est normal, puisque ça va mal partout». Il faut savoir : soit, quoi qu'il arrive, ici ou ailleurs, notre pays béni sera toujours bikhiiiiiir ; soit que le Maroc est comme tout le monde, autrement dit qu'il est vulnérable et qu'il peut souffrir d'une crise propre ou d'une crise plus sale encore, contractée chez les copains d'à côté. C'est facile à dire, et il n'y aurait pas de mal à le dire. A partir de là, et si on est d'accord sur tout ça, on peut alors discuter, et tous ensemble si c'est possible, du comment s'en sortir. D'ailleurs, comme vous voyez, cette histoire de remaniement, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus urgent. Ceci étant dit, si, un jour, il y a quand même un remaniement, je vous en conjure, ne m'oubliez pas parce que, moi, les crises, entre autres, cardiaques, je m'y connais un peu. A bon docteur, salut ! Très bonne santé et très bon week-end à tous et à toutes.