Je ne peux pas le cacher, tellement ça saute aux yeux, je suis un râleur invétéré, et, pis encore, je ne fais aucun effort pour me soigner. Je ne peux pas le cacher, tellement ça saute aux yeux, je suis un râleur invétéré, et, pis encore, je ne fais aucun effort pour me soigner. Et puisque je suis dans la confidence, je vous avoue que je passe mon temps à essayer de contaminer les autres, avec très peu de succès d'ailleurs. Je ne sais pas si c'est un délit condamnable, mais si ça peut faire avancer le schmilblick, je suis prêt à aller au casse-pipe. Non, je n'ai pas le sens de la bravoure, mais tout ce qui m'agace me harasse, et j'en ai vraiment assez d'être harassé. Vous ne pouvez pas imaginer combien ça me fatigue de parler dans le vide, d'écrire dans le néant, de crier dans le désert. Ce qui m'éreinte et esquinte mes méninges, ou ce qu'il en reste, c'est que si je fais tout ce boucan, ce n'est pas juste pour mon confort égoïste personnel, mais pour toute la communauté, pour ne pas dire toute l'humanité. Tenez ! Je vais vous donner un exemple. La rue où j'habite en plein centre de Casablanca, à deux pas du siège d'une grande commune du nom d'un grand Saint protecteur de la ville (pour des raisons de sécurité, je ne vous en dirai pas plus) s'est transformée progressivement en un immense parking payant, et il est pratiquement plus possible d'en sortir comme d'y rentrer à moins de foncer dans le tas et de défoncer votre caisse. Et comme je ne suis ni un casseur de caisses ni très fort dans le décoffrage des coffres forts, je me limite en général à ce que je sais faire de mieux : râler, gueuler, beugler, bref, crier dans le désert. Parce qu'au lieu de susciter un élan de solidarité de la part des badauds bien contents de s'offrir une symphonie gueulante en sol majeur à l'œil, ni même de la part de mes voisins lesquels, bizarrement, se mettent toujours du côté de mes contradicteurs. En effet, ils me sortent à chaque fois deux arguments de poids, présentés presque toujours sous forme de questions pour un champion. La première froide et cynique : où veux-tu qu'ils parquent leurs bagnoles ? La deuxième, encore plus forte et encore plus sournoise : tu veux que ces gardiens aillent voler pour vivre ? Je vous assure que c'est vrai. Sur le coup, je me sens à chaque fois dénué de tout bon sens et, surtout, de tout esprit humaniste. Je me dis, sur le coup, que c'est vrai, ces pauvres automobilistes ont bien le droit de parquer leurs pauvres véhicules, quitte à le faire sur votre propre balcon, et ces pauvres gardiens ont bien le droit de bosser comme tout le monde pour nourrir leurs pauvres gosses, quitte à empoisonner la vie des vôtres qui n'avaient qu'à habiter ailleurs et ne pas enquiquiner le monde ! Ca, vous disais-je, je me le dis sur coup, mais, après, je ne vous dis pas ce que je gueule, tout seul, mais je gueule, jusqu'à en perdre la voix. D'ailleurs, ma voix, toute enrouée qu'elle soit, je ne la donne à personne, et encore moins à tous ceux et celles qui vous vendent du vent durant la saison de pluie, mais qui ne sont jamais là quand vous avez besoin d'un tout petit air de fraîcheur. Belle transition que j'ai là pour vous parler de cette chaleur suffocante qui nous est tombée dessus en plein mai comme une tempête et qui, croyez-moi, n'arrange pas mes soucis, ni, sans doute, les vôtres non plus. A la seule différence, c'est que moi, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, et qu'il tonne, que ça surprenne ou que ça étonne, je râle, et je continuerai de râler jusqu'à… rien du tout. Car, après tout, je sais que ça ne sert à rien, puisqu'en tout cas, malgré tout ça, on vit dans un pays merveilleux. Il vaut le voir pour le croire ! Bon week-end les râleurs, et continuez de fermer les yeux, les autres.