Il y aurait trop de bateaux hauturiers céphalopodes au Maroc. C'est la conclusion majeure du «Projet de restructuration du segment hauturier de la pêcherie poulpière», élaboré par le département de l'Agriculture et des pêches maritimes. Présenté à la profession, le plan ambitionne de réduire l'effort de pêche pour reconstituer le stock du poulpe (les arrêts biologiques ont montré leurs limites). Le projet se base sur une recommandation de l'Institut national des recherches halieutiques (INRH, datée de l'an 2000 !) qui préconise une réduction de l'ordre de 40% de l'effort de pêche. Un constat qui ne fait que confirmer les premiers travaux d'évaluation, menés durant les années 1980, qui ont justement montré que l'effort de pêche déployé sur les ressources de céphalopodes était relativement excessif. «L'accès à la pêcherie devrait être revu par la réduction de l'effort de pêche global actuellement déployé et l'adoption d'une pêche responsable», lit-on dans un document de la Direction des industries des pêches maritimes et de l'aquaculture. Le plan de restructuration du département de la Pêche (pas encore finalisé) devrait faire valider les hypothèses clés permettant de définir la flotte hauturière cible de la pêcherie poulpière, et ce, sur la base de plusieurs critères : état de la ressource, captures des navires par espèces, prix des espèces et coût d'exploitation. Il s'agira aussi de valider le seuil de rentabilité des navires et le TAC (Total autorisé de capture) cible. «L'objectif de ce travail est de décider du nombre cible de navires hauturiers qui exploiteront durablement la pêcherie céphalopodière», indique-t-on du côté du département de la Pêche. Pour les professionnels, l'initiative est «salutaire», mais son impact reste «limité». «Ce projet devrait avoir une vision globale en intégrant les professionnels de la pêche côtière. Il devrait aussi prendre en considération l'impact de la pêche illicite», explique cet armateur. Les scénarios de sortie En tout cas et avant d'être adopté, le plan de restructuration devrait faire l'objet de plusieurs discussions avec les professionnels. Plusieurs questions «sensibles» devraient en effet être abordées. En premier lieu, la mise en œuvre du plan de sortie. Un sujet qui risque de susciter des remous au sein de la profession. Selon des armateurs, établir les critères de choix des navires à faire sortir «ne sera pas une mince affaire». La plupart des navires étant en redressement judiciaire, l'enjeu est de convaincre leurs propriétaires des scénarios de sortie proposés et des plans sociaux prévus. Concernant les premiers, le département de tutelle parle de «faire sortir les navires les moins performants» et en se basant sur les indicateurs économiques historiques de ces navires. Autre option : utiliser le critère «vétusté et état technique des navires» pour choisir les bateaux cible du plan de sortie. Le troisième scénario porte sur l'application à toutes les entreprises gestionnaires des céphalopodiers d'un «taux pour la sortie». Le choix d'un des trois scénarios se fera incessamment selon des sources du département de la Pêche. On annonce aussi qu'un «fonds d'indemnisation» est à l'ordre du jour, financé probablement par l'enveloppe que perçoit le Maroc grâce à son accord de pêche avec l'Union européenne (144 millions d'euros, soit 36 millions par an). La domiciliation de ce fonds et ses gestionnaires feront l'objet d'une convention en gestation, laquelle devrait aussi aborder, selon nos sources, la procédure d'indemnisation (procédure de radiation des navires sortants), ainsi que le planning d'exécution et la question de la fiscalité/montant de sortie. Que faire de la flotte restante ? Concernant le volet social, le ministère devra négocier avec les propriétaires des navires un «redéploiement des équipages des navires sortants». Un chantier sur lequel on connaît peu de détails, mais qui «ne manquera pas de susciter des inquiétudes dans les rangs des syndicats des officiers et marins pêcheurs», fait remarquer cet observateur. Selon des chiffres officiels, il existe actuellement 265 bateaux de pêche hauturière au Maroc (d'un total de 349, dont 84 navires immobilisés). Ces navires passent en moyenne 200 jours en mer et consomment environ 3.100 litres de gasoil par jour. L'objectif du plan de restructuration est de réduire les navires actifs à 200. Pour ces derniers on parle de la réévaluation de la capacité de pêche globale qui sera déployée sur le stock à l'issue du plan de sortie. Il s'agira aussi de planifier les mesures à entreprendre au niveau des autres segments pour aboutir à l'équilibre entre ressource et capacité de pêche.