Mea culpa ! Oui, je dois faire mon autocritique. Je n'ai pas fauté, mais j'ai failli le faire. J'ai évité ça, in extremis. Vous savez, nous les chroniqueurs, sommes assoiffés de mauvaises nouvelles et toujours à l'affût de bourdes et de bévues. Contrairement aux journalistes, qui ne sont pas tous des saints, j'en conviens, nous ne vérifions jamais nos infos, et nous ne recoupons jamais nos sources. Après tout, nous disons-nous, n'étant que des billettistes, nous traitons l'information selon nos humeurs, nos amours, et, surtout, nos désamours. Ce n'est pas que nous n'aimons pas les gens, mais nous aimons bien en pincer certains, marcher sur les pieds d'autres, empêcher certains de dormir, mettre les projecteurs sur d'autres obscurs, allumer quelques mèches qui ne veulent pas s'éteindre... Bref, en irresponsables qui nous assumons, nous aimons nous amuser sur le dos des pas toujours responsables qui ont, il faut dire, plutôt bon dos avec nous. Qu'est ce qu'on est vaches avec eux ! Vraiment, on devrait au moins se relire si on ne peut pas se retenir. Justement, c'est à ça que je voulais en venir. Je vous le raconte comme un conte (j'aime bien cette expression que j'ai inventée, même si, en vérité, ce n'est qu'une traduction d'une locution inspirée de notre tradition orale, mais, voyez-vous, parmi les tares des chroniqueurs, il y a celle de vouloir tout s'approprier). Revenons à notre conte, ou plutôt à notre compte. Je vous jure que je ne l'ai cherché, mais il se trouve que ce que je vais vous narrer concerne une question de chiffres, ou plutôt UN chiffre qui est si singulier qu'il est devenu pour nous, fétiche : 10 millions ! Quel beau chiffre ! Je vous avoue que si ce chiffre n'avait pas été avancé par nos responsables toujours prospectifs et créatifs lorsqu'il s'agit de nous les gonfler, on aurait été dans la mouise. C'est simple : personnellement, à chaque fois que je n'ai aucune inspiration, ce qui m'arrive de plus en plus souvent ces derniers temps, je ressors ce chiffre joker. D'ailleurs, c'est ce que j'allais faire, ou plutôt, ce que j'ai failli faire, si je n'avais pas entendu ce que j'ai entendu ce matin à la radio dans ma salle de bain : «Le Maroc va avoir, peut-être, ses 10 millions de touristes, à la fin de l'année». «Dites-moi pas que c'est pas vrai», ai-je failli crier en sautant de joie, ce qui m'aurait valu de me casser la gueule, et ça aurait été bien fait pour la mienne que je ne ferme pas toujours pour ne pas dire jamais. Et dire que, hier encore, j'ai lu de mes yeux dans un canard forcément boiteux que le Maroc n'était classé que 75e destination touristique mondiale ! Le plus beau pays du monde, 75e ! La honte ! Mais, tout ça, c'était de l'intox. La preuve : on va, «peut-être» (vous voyez, ils restent quand même précautionneux), atteindre les 10 millions de visiteurs à l'horizon de fin 2010, c'est-à-dire demain. Comment vont-ils y arriver ? Ah ça, je ne sais pas. Je ne suis pas le ministre du Tourisme, moi ! J'aurais bien voulu. Même si je dis souvent que je n'aimerais pas être à la place des ministres, mais le Tourisme, ça, je ne dirais pas non. Hélas, on a ramené quelqu'un qui est plutôt beau gosse (comme moi) et qui a beaucoup de chance (et pas moi). Ils nous l'ont importé spécialement de Londres. D'ailleurs - comme c'est bizarre ! – c'est de Londres que la bonne nouvelle est arrivée, signée par un mystérieux « BMI » : «Le nombre de personnes ayant visité le Maroc entre janvier et juillet 2009 a atteint 5.083.000». Déduction logique : puisqu'il s'agit de plus ou moins un semestre, il suffit de multiplier par 2, et le chiffre est joué. Ils sont vraiment forts, ces Anglais ! God save the Queen et bon week-end !