Le week-end de l'Aïd a été remarquable à plus d'un titre. En général, mouton rimait avec ronron : il ne se passait rien. Certains ont la trêve des confiseurs, nous, on a la trêve des bouchers. Tout se met en mode « Mute ». On devrait d'ailleurs appeler cette fête : « la fête du muton » (Oui, c'est facile, mais je n'ai pas pu m'en empêcher). Mais, cette année, c'était exceptionnel : les événements se sont bousculés au portillon. C'est une aubaine pour un pauvre chroniqueur en mal d'inspiration comme moi. Vous ne pouvez pas imaginer notre angoisse, nous autres les billettistes, surtout, ceux qui, comme votre si peu modeste serviteur, ne travaillent pas à la petite semaine, mais chaque jour. À ce propos, je voudrais profiter de cette occasion pour vous assurer que, contrairement à ce que colportent certains esprits malveillants, mes papiers, ce n'est que du frais. Bon, c'est vrai, ce que je vous raconte n'est pas toujours vrai, mais, au moins, ce n'est pas du réchauffé. Pourtant, il y a des jours où, croyez-moi, on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et c'est là où il faut mettre en branle notre moteur à deux temps : intelligence et imagination. Et le résultat, mesdames et messieurs, vous l'avez tous les jours, ici, sous vos yeux, et sous vos applaudissements. Donc, vous disais-je, ce week-end, c'était l'idéal : il n'y a eu ni trop peu, ni trop trop. Juste ce qu'il faut comme infos. On a eu, d'abord, notre si cher mouton qui a été, en quelque sorte, « l'homme de la semaine ». C'est simple : on n'a parlé que de lui. Au début, on évoquait son prix, puis son poids, ensuite son goût, et ce n'est qu'après coup, après avoir fait le plein de tête et de brochettes, qu'on a enfin abordé les problèmes de cholestérol, balayés assez vite d'un revers de la langue : « Oh ! Tu sais, une fois par an... ». Et alors qu'on n'avait pas encore digéré le couscous à l'épaule droite de la veille, voilà que le ciel a commencé à nous arroser de sa pluie si bienfaitrice. Il faut dire qu'on l'attendait de pied ferme et de parapluie ouvert, puisque la météo l'avait annoncé en grande pompe. En tout cas, ça nous a permis de changer de sujet : après le mouton, on a parlé de la pluie et du bon temps qu'on peut passer avec. Pour qui peut, bien sûr. Certains sont même allés jusqu'à prier pour que ce cadeau de la providence anéantisse à jamais ce satané virus A qui n'en finit pas de faire des dégâts. Et, enfin, arriva le grand sujet de débat : le fabuleux match de Barcelone. D'ailleurs, je viens de découvrir que le foot n'est pas seulement le sport le plus populaire, il est aussi le plus démocratique. Ce match a intéressé tout le monde: de mon concierge qui avait eu toutes les peines à réunir le montant du mouton, jusqu'à un pote, PDG d'un grand groupe du monde de la monétique (c'est authentique), en passant par des amis journalistes, avocats, commerçants etc. Tous étaient branchés sur ça : le Real contre le Barça. Mais, si certains se sont contentés de le suivre au café enfumé et bondé du coin et d'autres dans le salon feutré et chauffé du voisin, les privilégiés, eux, ont délaissé le boulfaf pour aller se régaler sur place des joueurs espagnols et de leurs super passes. C'était un vrai moment de bonheur pour tous ! Je pense que c'est notre gouvernement qui doit être le plus heureux, car quand on est pris par le mouton, le Barça et la pluie, au moins, on ne parle pas de lui. La providence, vous dis-je !