Je ne suis pas devin, mais je puis vous assurer que le 20 février a encore de beaux jours devant lui. En tout cas, moi, je n'ai pas cessé de m'amuser depuis le moment où j'ai vu tous ces malvoyants crier à qui ne voulait pas les entendre que, vous allez voir, tout ça n'est qu'un nuage d'été. Selon eux, un pays d'exception comme le nôtre ne peut qu'enfreindre toutes les règles, y compris météorologiques. C'est logique. Le «Printemps arabe» ? Ça, c'est juste pour les Arabes. Oui, mais tout ça, c'était avant. Parce qu'après, ils ne savaient plus où donner de la tête, ni même où aller. Certains ont même pensé prendre la fuite, mais ont été très vite attrapés par leurs «affaires», dont, d'ailleurs, quelques grosses affaires de «fuites», qu'ils pensaient avoir canalisées. Les pauvres ! Se retrouver, du jour au lendemain, privés de sortie, eux qui sortaient quand ils voulaient et ce qu'ils voulaient, ce qui, d'ailleurs, leur permettaient d'assurer de sacrées rentrées. Suivez mon regard. Oui, je me marre. Et alors, j'en ai bien le droit ! Marrez-vous aussi, ce n'est pas interdit. En plus, c'est une consolation comme une autre pour nous-je parle de moi et de gens comme moi- nous, qui n'avons jamais su profiter de ce que, pourtant, le système permettait généreusement. Tout le monde me le reprochait tout le temps. «Vas-y, sers-toi, ne te prive pas, si tu ne prends pas, les autres vont prendre, et toi, tu te retrouveras sans rien». Ils avaient bien raison, mes amis. Je n'ai rien pris, parce que, peut-être, je n'ai pas su comment m'y prendre, et je me suis retrouvé sans rien du tout. Aujourd'hui, du moins pour moi, c'est la dèche, certes, mais j'ai l'esprit tranquille, alors qu'eux, je le sais parce que j'ai mes informateurs parmi eux, ils ont une trouille, je ne vous dis pas! Non, ne croyez pas que je suis un petit naïf qui croit que tout le monde va rendre tout ce qu'il a pris. Je suis fauché, mais je ne suis pas bête. La plupart de ces voyous mondains vont garder une bonne partie de leur blé sale, parce qu'ils ont eu largement le temps de le mettre en lieu sûr, bien loin de tous les regards et de tous les contrôles. On m'a même raconté que certains sont allés jusqu'à creuser dans leur jardin ou dans leur ferme des puits de profondeurs inégales -mes sources n'ont pas été assez précises à ce niveaupour cacher leur gros butin. Mais, depuis, ils n'arrivent plus à dormir, craignant toujours que quelqu'un le retrouve. Les pauvres ! Oui, je me marre. Je ne vais quand même pas chialer, alors que pendant des années, ces petits ... s'en sont mis plein les fouilles, sans pudeur et sans vergogne, puisant à tours de bras dans les caisses de l'Etat, c'est-à-dire nos caisses à nous, qui n'encaissons rien du tout, les laissant vraiment dans un sale état. Et comme aujourd'hui, beaucoup d'entre eux sont dans de sales draps, alors ils cherchent des couvertures. «C'est pas moi, monsieur, c'est lui !». J'ai entendu mieux : «c'est lui qui m'a dit de prendre. Un peu pour moi, et beaucoup pour lui». Comme si ce partage, inégal certes, pouvait les déculpabiliser. Cela dit, je voudrais être clair, à ce propos : quoi qu'ils aient fait ou pas fait, seule la justice, une justice indépendante, impartiale et juste, a le droit de les juger. La présomption d'innocence, ce n'est quand même pas pour les chiens. Le lynchage médiatique, tel qu'il est pratiqué par certains plumitifs qui ont parfois bien des choses à se reprocher, doit être dénoncé à haute voix. Je suis rigolo, mais je ne suis ni démago ni populo. Je laisse ça à d'autres, qui savent si bien le faire et qui, même, en tirent profit. Suivez mon regard. Revenons maintenant à nos pauvres fortunés égarés. J'ai un ami quelque peu plaisantin qui m'a récemment rapporté qu'il y en a qui ne font même plus confiance à leur petit personnel de maison. Pour eux, il se peut qu'ils les espionnent pour le compte de... la Cour des comptes. Alors, ils cachent tous leurs papiers, y compris -c'est toujours mon pote plaisantin qui rapporte- les tickets de caisse des achats chez Dior ou Yves- Saint-Laurent, ou les additions du «So» ou du Cabestan. Et comme je les comprends ! En un mot comme en 1.000 euros, il ne fait pas bon d'être riche, depuis le 20 février. Et, croyez-moi mes amis, ça va continuer. Quelqu'un veut parier ? En attendant vos paris, ici, à Genève ou à Paris, je vous souhaite un bon week-end, et je vous dis, vivement le changement et vivement vendredi prochain.