Le Liban et la Syrie s'engagent à ouvrir un nouveau chapitre dans leurs relations    Le vol inaugural de la fusée New Glenn de Jeff Bezos reporté    Botola : Les résultats provisoire de cette 18è journée    Programme "Marrakech, Ville Durable": Examen du plan d'action 2025    Les FAR ont récupéré 40 km des «territoires libérés» du Polisario    Manifeste de l'Indépendance : les journalistes istiqlaliens commémorent l'esprit du 11 janvier    À tous les anonymes de l'appel à l'indépendance : Les héros sans signature    Cette nouvelle révolution qu'est l'intelligence artificielle (IA) en matière de gestion de crise sécuritaire.    CHAN / Equipe nationale: Le stage de la semaine prochaine annulé !    LDC / Ce soir, FAR-RCA: Le Match de la saison !    LDC : Le TP Mazembé premier club éliminé    Ligue des Champions CAF : Les FAR et le Raja se neutralisent    Accélérer la Transition Energétique au Maroc : Actions Stratégiques pour un Progrès Concret et Durable    Inauguration de l'Ecole de formation des gardiens de la paix    USA: L'expulsion massive d'immigrés clandestins pourrait avoir un impact « important » sur les prix    Diaspo #371 : Naïma Hadji, une passion pour la coiffure qui «redonne le sourire»    Roman graphique : le Palestinien Mohammad Sabaaneh résiste par le rêve    Festival : un retour de FLAM très alléchant    Canada: Le successeur de Trudeau sera connu le 9 mars    Banques marocaines : une croissance record attendue de 2024 à 2026    Panneaux solaires : le Maroc bien positionné pour intégrer la chaîne de valeur mondiale    Belle semaine pour la Bourse de Casablanca    Réunions des commissions administratives chargées de la révision des listes électorales générales au titre de 2025    Le 11 janvier : Un symbole de souveraineté et d'unité nationale    Ligue des Champions CAF: Mamelodi Sundowns bat AS Maniema Union    Akhannouch se dit fier du bilan de son gouvernement    Manifeste de l'Indépendance : Grâce Royale au profit de 1 304 personnes    Abdellatif Hammouchi visite la nouvelle école de formation policière à Marrakech    Revue de presse de ce samedi 11 janvier 2025    Oriental : Sensibilisation à la gestion durable de l'eau dans les écoles    Marrakech a enregistré un record avec près de quatre millions d'arrivées en 2024    La province de Settat achève les procédures d'expropriation pour la future LGV entre Kénitra et Marrakech    Le ministre de l'Intérieur français : L'Algérie cherche à humilier la France en refusant d'accueillir l'influenceur algérien    Etude : 66 % des Français estiment qu'il faut arrêter toutes les formes d'immigration en provenance d'Algérie    Safi, cité océane : entre sinistre et gaucherie!    Droits humains : Amina Bouayach reçoit le Prix de la Fondation Méditerranée 2025    Kampala: Ahmed El Bouari s'entretient avec des ministres africains de l'Agriculture    Marrakech : Interpellation d'un ressortissant étranger faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international    Marrakech bat un « record historique » avec près de 4 millions d'arrivées en 2024    2024, année la plus chaude et la première à dépasser le seuil de réchauffement de 1,5°C    Partenariat Maroc-Chine, reflet d'une vision commune de la coopération Sud-Sud    Fin de parcours du Maroc dans la King's League après leur défaite face à la Colombie    Moroccan footballer Yahya Attiat-Allah undergoes surgery after facial injury in Cairo    Rabat International Fashion Fair 2025: La mode mondiale débarque à la capitale    Casablanca. La diversité culturelle au cœur des célébrations d'Id Yennayer 2975    Paris. Le caftan à l'honneur    Histoire : Caligula a tué le roi romain de Maurétanie à cause d'un manteau de pourpre    Découverte des épaves de deux navires archéologiques au large d'El Jadida    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



J'ai mangé avec Hendrix
Publié dans La Gazette du Maroc le 09 - 01 - 2006


Paysages humains
À bien y réfléchir après une soirée aussi touffue et riche en anecdotes, j'aurai dû donner comme titre à cette chronique du zinc, celui d'une des chansons les plus reprises au monde. “All Along the Watchtower” que Jimmy Hendrix a immortalisée et que d'autres comme Bob Dylan ou encore Bono de U2 ont servie avec plus ou moins de brio. Mais pourquoi “All Along the Watchtower” et pas “Hey Joe” du même Hendrix ? Dans un sens le Joe en question pourrait être mon acolyte d'hier soir. Un personnage qui a perdu au fil des bouteilles toute la mesure de l'ivresse. Bref, il n'est jamais ivre, ce Joe, malgré les litres qu'il se verse dans le gosier. Une tenue d'alcool qui défie toutes les lois et de la physique et de la chimie. Joe est un vétéran des spiritueux qui a écumé des jours moins glabres sous d'autres cieux, sillonnant le monde comme navigateur avant de jeter l'ancre à Casablanca après avoir vécu quelques mois à Essaouira qui reste pour lui, “la plus belle ville du monde après un patelin que j'ai visité dans le désert et dont j'ai oublié le nom.” Et la suite de l'histoire est un long monologue sur une rencontre fortuite avec Jimmy Hendrix à Essaouira il y a de cela plusieurs décennies. “Je l'ai vu, je l'ai très vite reconnu. Il fumait son joint et moi j'avais mon sebsi. J'étais beau à l'époque et j'avais pas mal bourlingué. Vous savez la mer, ça forge un homme. Ça vous donne du cran et surtout la connaissance des hommes sans les aborder. Comme ça d'un simple regard, je peux vous dire qui vous êtes et si vous êtes un enfoiré ou un type avec qui je pourrais trinquer. Hendrix n'était pas du tout un drogué, c'est moi qui vous le dis. Avec moi, ce soir-là, on a roulé quelques joints, et on a bu un peu de vin au dîner avec des amis qui faisaient de l'artisanat et accessoirement vendaient quelques joints. Hendrix était un type comme ça, simple et très timide sauf quand il mangeait. Là, il pouvait avaler un tajine de poisson sans cligner des yeux. Mais comme je vous ai dit au début, je ne pense pas qu'il se soit esquinté la santé avec la drogue. Je crois aujourd'hui, et je peux l'affirmer, parce que c'est là le d fruit d'une expérience vécue avec un homme de son rang, je peux donc vous dire que son mal était plus subtil et plus secret. Cet homme avait du cœur, c'est moi qui vous le dis”. Joe se racle la gorge. L'émotion l'a un peu desséché. Il faut laisser couler dans cette gorge quelques gouttes de ce breuvage humain pour continuer à parler de cette nuit avec l'homme qui a gratté la guitare avec ses dents. “Je ne lui ai pas demandé une démonstration. Vous pensez bien que quand on est en présence d'un tel calibre, il faut se positionner comme son égal et ne jamais jouer les groupies. C'est une règle que j'ai apprise parce que, comme je l'ai déjà dit, j'ai beaucoup voyagé, mon ami, beaucoup et même plus que vous ne pouvez imaginer. Alors cette question de la guitare et des dents était pour moi secondaire. Le plus important ce soir-là, c'est que Hendrix a pleuré sur mon épaule. Je ne vous raconte pas de salade. Le grand, oui, l'unique Jimmy a chialé sur moi comme un bébé abandonné. Il se sentait seul, m'avait-il dit. Et je me souviens lui avoir proposé de rester avec moi à Essaouira pour quelques mois, mais il a répondu qu'il avait des contrats à honorer. Voilà pourquoi je vous dis que ce type avait du cœur. Et beaucoup de classe. Sans oublier que Jimmy était très beau garçon. Il avait du chien, le bougre, mais les femmes et lui, c'est une longue histoire…”
Joe est triste quand il aborde ce chapitre sur les femmes. Lui aussi en a bavé. Et il ne faut pas croire que parce que les hommes trinquent à la bonne santé du vieux Jimmy que Joe va nous raconter ses malheurs avec ses femmes. Il en avait comme tous les marins une à chaque port, mais il est de ceux qui ne parlent pas de leurs amours après coup : “J'ai aimé tellement de femmes que j'en ai le vertige et un soir dans un port en Grèce, j'ai failli mourir de chagrin, parce que j'avais réalisé que je m'étais attaché à une fille que je voyais depuis quelques jours. Oui, une créature grecque qui m'a jeté un sort olympique. Alors j'ai voulu sauter à l'eau et ne jamais refaire surface. Mes mais ont dû me rosser de coups et j'ai dormi pendant trois jours”.
Alors quand Jimmy en personne s'épanche par une nuit tajinée à Essaouira, il ne faut pas compter sur Joe pour nous raconter comment le bonhomme a escaladé seul son horloge, tout le long de cette tour. Un secret est un secret et jamais il ne faut cafter. Surtout quand c'est un ami que vous n'avez vu qu'une fois et qui vous a confié le fond de son cœur.
Là encore, c'est le marin qui parle et comme aurait pu le dire Jim Morrison, les deux races les plus proches sont les anges et les navigateurs. Et cela, Joe le connaît bien. “Quand on monte les vagues, on n'est plus comme les autres. On retrouve une essence que peu de gens connaissent. Nous sommes d'un coup mués en une espèce de grandeur que personne ne peut décrire s'il n'a pas affronté la nuit dans le large. Et cela, mes mais, il faut le vivre. Vous savez, j'ai un livre que je relis souvent, un grand livre, il faut le souligner d'un homme qui a fait de la mer son terrain de chasse pour décrire l'homme et l'humanité. Oui, je lis souvent des passages de Lord Jim de Conrad, et croyez-moi, ce livre me rappelle mon ami Jimmy. Et ne voyez pas là une résonance de noms. Loin de là, comme le colonel Kurtz, il faut se perdre dans la jungle, changer de visage et d'identité pour ressusciter homme dans ce monde de fous. Le reste n'est que de la mauvaise littérature”.
Joe ne tarit pas quand il se lance dans sa vie de marin rejeté par la mer. Il échafaude des théories sur l'eau et l'humain. Il décrit comment dans la nuit, on peut tous devenir des démons si la houle le décide et que dans certaines contrées connues de lui seul, il a vu des bêtes que l'esprit humain ne peut assimiler. Oui, et là, il fait une distinction nette entre l'esprit et l'âme. “Mon âme est dans une sphère et mon esprit dans une autre. Et jusqu'à ce jour, ils ne se sont jamais rencontrés. Et comme me le disait Jimmy, c'est quand l'esprit se soude à l'âme que l'homme retrouve sa part de feu, sa divinité cachée. Et tant que je baragouine dans ce bar, croyez-moi, je suis loin, très loin du compte. Je suis un fantôme errant au cœur des ténèbres et je ne vois la sortie que par bribes, comme si quelqu'un voulait que je garde en moi ce recul à l'égard du bonheur. Cela aussi, Jimmy me l'avait dit quand le cœur s'était serré et qua son enfance l'avait revisité après quelques joints bien parfumés. Mais tout cela est aujourd'hui loin derrière nous. L'important c'est qu'un jour je vais écrire un livre sur cette nuit avec Jimmy que je brûlerai à la fin comme je me le suis promis chaque matin que je me suis réveillé après une nuit aussi chargée de divorce entre l'esprit et l'âme”. Amen.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.