Je ne sais plus si je l'ai déjà écrit ou pas, mais depuis plusieurs semaines, je le dis un peu partout et un peu à tout le monde : nous vivons vraiment une période extraordinaire. J'ai failli écrire «exceptionnelle», mais j'avais peur que certains petits esprits ne le prennent au premier degré et me le renvoient à la figure. Toujours est-il que, personnellement, j'ai le sentiment – et je ne suis sûrement pas le seul – d'être un grand chanceux, puisque j'ai le privilège,comme vous, de vivre ces grands moments historiques. Bien sûr, je parle de ces merveilleux instants qui éclairent nos horizons et parfument nos espoirs : les fameux printemps arabes. Ce pluriel bien singulier se justifie amplement du fait que tous ces pays dont les peuples ont décidé de bouger dans un élan collectif magnifique, tout Arabes qu'ils soient tous, ne sont pas les mêmes, car ils n'ont pas connu les mêmes parcours et n'ont pas vécu la même histoire. Pourtant, ils ont tous aspiré, depuis tout le temps, à une vie plus digne, plus juste, plus libre et, tant qu'à faire, plus prospère. Aujourd'hui, ils ont décidé de passer enfin à l'action tous en chœur et ça, ça fait vraiment chaud au cœur. Bien entendu, chacun le fait à sa manière et à son rythme et chacun selon ses possibilités et ses moyens. Mais le but de tous est unique et invariable : la démocratie, rien que la démocratie, mais toute la démocratie. Bien sûr, tout ça, ça embête pas mal de monde et surtout, tous ceux que la situation antérieure arrangeait bien. Malheureusement pour eux – mais je ne vais quand même pas pleurer sur leur sort – le mouvement est enclenché, il est irréversible et plus rien ne sera plus comme avant. Ils ont beau râler, gesticuler, gueuler et même chialer si ça leur chante, ça ne changera rien. Oui, nous sommes d'accord, nous ne sommes pas la Tunisie, ni l'Egypte, ni le Yemen, ni le Bahrein, ni la Syrie, ni, encore moins – quelle horreur ! – la Libye ! En effet, sur ce point, comme je l'ai écrit plus haut, toute comparaison aveugle serait injuste et malvenue. Cela étant dit, le Maroc, ce n'est pas non plus le paradis. Oui, personne ne le nie, nous avons fait d'immenses avancées, surtout ces dernières années. Mais soyons honnêtes aussi, et avouons que certaines de ces dites avancées ont été contraintes de ralentir affreusement par des courants contraires, ce qui a eu pour conséquence de sacrés reculs qui nous ont fait régresser parfois, sur certains plans, des décennies en arrière. Et c'est la raison pour laquelle, je suis de ceux qui pensent que ça y est, ça ne pourrait plus et ça ne devrait plus marcher comme ça ! Bref, il est temps de donner un bon coup d'accélérateur. Je vous le dis tout de suite : je ne suis pas du tout un amateur de la vitesse et je sais prendre mon temps pour admirer le paysage et surtout pour profiter de la vie. Oui, mais, quand je sens que j'ai perdu trop de temps à faire du surplace en raison de mille et une mauvaises raisons, je décide alors de chercher des raccourcis, de retrouver le bon chemin, et là, j'appuie sur le champignon, dans la limite, bien entendu, de ce que me permettent les règles de conduite universelles et locales. Pour mettre de côté toutes ces périphrases et ces métaphores un peu confuses, je vous dirai plus clairement que, quoi que nous racontent sans trop nous convaincre certains faux agents de la circulation qui ne veulent même plus nous laisser marcher sur la chaussée de peur, nous disent-ils, qu'on dérape et qu'on abîme le décor, le peuple sait très bien se conduire. C'est normal : il sait où il veut aller : plus loin et plus haut, c'est-à-dire, là où il fait le plus beau. Seulement, le problème, c'est que certains, qui se reconnaîtront, ont pris tout ce qu'ils ont pu sans jamais être repus et sont déjà partis très haut, trop haut même, se sont élevés jusqu'à ne plus voir tous ceux qui sont ici bas, parce qu'ils ne les intéressent pas et ils n'ont aucune envie ni de leur céder place ni même de leur libérer le passage. En tout cas, moi aussi, d'ici et comme je l'ai fait dimanche dernier, je vais crier: DEGAGE ! Et, à mon avis, tant qu'ils gardent la main sur tout, il ne faut pas lever le pied. Et en attendant qu'ils déguerpissent, je vous dis bon week-end, vivement le changement et vivement vendredi prochain. Mohamed LAROUSSI