Mes amis sympathiques des deux chaînes publiques mais néanmoins étatiques vont sûrement se fâcher avec moi, mais, tant pis, j'en ai trop vu et pas assez dit. Mes amis sympathiques des deux chaînes publiques mais néanmoins étatiques vont sûrement se fâcher avec moi, mais, tant pis, j'en ai trop vu et pas assez dit. D'ailleurs si après ce que j'ai vu mercredi soir, je ne dis rien, je serais taxé de bon-à-rien, et je ne l'aurais pas volé. Que notre chef de gouvernement se rassure, je ne vais pas parler de sa «prestation», du moins pas ici, et pas aujourd'hui. Tout ce que je pourrais affirmer maintenant, c'est qu'il a été très imposant par ses attitudes et presque attendrissant par ses propos. Voilà, c'est dit, et je n'en dirai pas plus. Pour l‘instant. Par contre, l'émission dont il a été l'invité forcé par lui-même – selon ses propres dires – je ne vais pas la rater. Je suis sûr que quelqu'un l'a déjà dit avant moi, mais je vais le répéter quand même : «dis-moi comment est ta télé, et je te dirai qui tu es». Après avoir posé cet axiome, je vais attaquer de front le fond de mon propos. Mercredi dernier donc, un ami, sachant que j'étais un accroc indéfectible de M. Benkirane l'invincible, m'apprend qu'il sera l'invité spécial de 2M. Je ne lui pardonnerai jamais. Non, pas à notre nouveau chef de gouvernement, mais à mon pote que je soupçonne de m'avoir piégé. J'en ai vu des émissions foireuses, mais comme celle-ci, jamais ! C'est une émission historique dans le sens préhistorique du terme. En fait, quand mon vaurien d'ami m'a appelé, je me suis dit : ça y est, nous sommes enfin en train d'entrer dans la modernité. En effet, voilà un haut responsable qui, sentant qu'il a peut-être gaffé ou, en tout cas, qu'il a été perçu comme tel, décide de communiquer directement avec celles et ceux qui l'ont élu, lui et tous ses disciples. C'est nouveau, c'est sain et c'est salutaire et moi, je ne pouvais que saluer tout ça. Hélas, ni lui, ni ses invitants n'étaient à leurs places. D'abord, parlons du décor : il était plus que ringard. A première vue, on se croirait sur une chaîne libyenne du temps de l'ère Kaddafienne : un mélange hasardeux de tapis, d'écrans plasma et de fauteuils de bureau qu'on croirait loués pour la soirée. On a même poussé la folie dépensière jusqu'à ramener une petite table au format excentrique et aux formes folkloriques pour servir à notre vénérable invité de pose-papiers. Et les papiers, ce soir-là, ce n'est pas ça qui manquait. Venons-en maintenant aux intervieweurs. Avec tout le respect que je leur dois et l'affection que je leur loue, ils étaient, lors de cette émission, tout sauf des journalistes. On dirait qu'on les avait pris au saut du lit. Ils n'étaient pas en pyjama, mais guère mieux. En plus, ils semblaient tétanisés. Pourtant, tout impressionnant que peut paraître notre nouveau boss, sa bonhomie légendaire a tout pour plaire et pour détendre. Quand il a commencé à donner les prix des patates et des bananes, moi j'ai fondu. Et bien non! Ni l'une, ni l'autre n'étaient dans leur assiette alors qu'on attendait, au moins de la part de l'un, de mettre les pieds dans le plat, sachant que notre amie de la Une, elle, est plus réservée de part la nature de sa boîte. Oualou ! Mutisme, attentisme et béni-oui-ouisme. C'est quoi ça, mes amis ? Il n'est pas si méchant, le monsieur. Et puis, entre nous, le serait-il, il ne va quand même pas vous bouffer. Ils n'osaient même pas, les pauvres, entamer leurs questions de peur de ne pas pouvoir les terminer. D'ailleurs, à propos de questions, moi je m'en pose plus d'une, mais je vais me contenter d'une seule: Quand allons-nous nous libérer de nos complexes pour être enfin convaincus que la modernité n'est pas simplement un emballage, mais, avant tout, UN CONTENU. Sans cela, on restera à jamais des sous-développés cravatés, certes, mais toujours moyenâgeux. Bon week-end les téléspectateurs, et bonne écoute les entendeurs.