Je vais peut-être vous étonner, mais je vais vous le dire sans rougir : aujourd'hui, je suis totalement persuadé que la question de la démocratie au Maroc a été réglée une fois pour toutes. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on persiste à vouloir nous convaincre que nous vivons encore en « transition démocratique ». En général, ils nous sortent cette aberration pour demander notre indulgence et notre magnanimité à chaque fois qu'ils font une bêtise. Mais, entre nous, qui n'en fait pas ? C'est vrai, eux, ils en font presque tous les jours, mais, bon, ce n'est pas une raison pour nous demander tout le temps pardon. Oui, je le répète, nous ne sommes plus dans la phase de «transition démocratique», nous sommes déjà en démocratie. Nous sommes passés, sans nous en rendre compte, directement, de la théocratie – la démocratie de thé-toi ! - à la démocratie, sans transition. Un vrai miracle ! Je vous explique. D'abord, c'est quoi la démocratie ? Voici la réponse que vous trouverez dans tous les manuels scolaires et paramilitaires : c'est le pouvoir du peuple par le suffrage universel. Ça, c'est un peu, comme on dit dans le commerce, « le produit de base ». Après, vous avez d'autres démocraties autrement plus élaborées, et parmi elles se trouve la reine des démocraties : la démocratie populaire. Alors, si vous ne le savez pas encore, le Maroc est une vraie démocratie populaire. Ne sursautez pas, je vais vous éclairer. Vous vous rappelez sûrement des pays de l'Est, vous savez, ces pays fabuleux qui vivaient comme les pays du Sud avec le soleil en moins, mais dès que leur maison-mère a perdu le Nord, ils sont tous passés à l'Ouest. Eh bien, ces pays où il faisait bon vivre tant qu'on ne l'ouvrait jamais, sinon on vous enfermait pour ne pas embêter le reste du peuple qui la fermait sans demander son reste, ces pays-là disais-je, on les appelait, justement, des « démocraties populaires ». En gros et pour faire court, une démocratie populaire, c'est la démocratie du peuple par le peuple sans le peuple. Son fonctionnement est hyper simple : ceux qui dirigent le pays au nom, bien sûr, du peuple ont toujours raison. Et même quand ils ont tort, ils ont leurs raisons qui leur donnent toujours raison. Ils travaillent nuit et jour pour le bien-être permanent du peuple et son bonheur éternel. En contrepartie, ils ne demandent qu'une seule chose : qu'on leur dise, en tout temps et en tout lieu, un mot unique et magique : OUI. Oui, rien que OUI et toujours OUI. « Tu dis OUI, tu manges le méchoui », « Tu dis NON, on te fout au cabanon ». Mais, puisqu'on est en démocratie, on peut dire OUI comme on veut : on peut l'exprimer dans la langue ou le dialecte qui nous chante ; on peut le mimer ; on peut juste hocher la tête de haut en bas et de bas en haut comme des petits chiots. L'important, c'est qu'on leur dise Amen quel que soit leur choix et quel que soit le chemin où ils nous mènent. Et même s'il leur arrive de changer d'avis, nous, on n'a rien à changer : on doit dire simplement OUI au nouvel avis et ça suffit. Ils nous offrent même une possibilité extraordinaire qui nous évite les redites : dire OUI, a priori, avant même qu'ils proposent quelque chose. Cette approche présente un double avantage : 1 – ça fait gagner du temps. 2 – on est sûrs de ne jamais se tromper. En effet, on peut sortir un NON, sans le faire exprès ni même le penser, et là, bonjour les dégâts ! Maintenant, si on est un peu timide et que le OUI n'arrive pas à sortir, on peut alors juste applaudir. C'est simple, non ? Tout le monde est d'accord ? Alors, qu'est ce qu'on dit ? OUIIIIIIIIII ! Non ! On dit : OUI, Monsieur !!! Non, mais...