Vous n'avez aucune idée de la tourmente dans laquelle je me trouve «présentement», comme disent si bien nos amis africains. Vous ne pouvez pas avoir une idée, pour la simple raison que vous n'êtes pas à ma place. Je devrais dire, pour être honnête, que beaucoup de Marocains et autres damnés de cette terre, seraient prêts à mourir, pour, justement, être à ma place actuelle. Je compatis, mais la vie est ainsi. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais fait venir tous ceux qui voudraient venir avec moi. Ça caille un peu, c'est vrai, mais, comme a dit ce gros chien berger russe (au temps du rideau de fer) à son collègue petit caniche français, rencontré lors d'une nuit glacée, au bord de la Seine : «Là au moins, on peut aboyer sans être inquiété». Mais, bon, tout ça, c'était il y a longtemps, et depuis, beaucoup d'eau a coulé sous le pont Mirabeau et ailleurs. Quant à moi, vous disais-je, je suis très tourmenté, ce n'est pas nouveau, je sais, mais là, c'est encore plus sérieux. Je vous explique : comme je suis un peu loin du bled, et je ne devrais pas trop me plaindre, je suis donc incapable d'écrire quoi que ce soit d'intéressant. Pour tout vous dire, je n'ai rien à vous dire. Je ne vais quand même pas inventer des trucs juste pour vous faire plaisir. Vous allez sûrement me dire que mon boulot c'est précisément d'écrire des choses pour vous faire plaisir. Je suis même, dois-je le répéter à certains qui s'en sont drôlement offusqués hier (si, si, je vous assure), abusivement bien rémunéré. Mais, justement, c'est parce que je suis plutôt bien gâté de ce côté-là (même, si, entre nous, étant donné mon immense talent, n'est-ce pas, je devrais l'être encore plus que je ne le suis aujourd'hui, et à bon entendeur, salut !)... comme, vous racontais-je, je suis pas mal payé pour faire ce que je fais, je devrais être toujours au top niveau. Mais, mon problème - qui est d'ailleurs le problème de tout chroniqueur talentueux et immodeste qui se respecte et respecte ses lecteurs et ses lectrices - c'est de trouver des choses à rapporter, dans mon cas, chaque jour, des choses qui soient à la fois constantes mais légères, pertinentes mais pas pépères, insolentes mais pas sévères, et surtout, surtout, qu'elles soient inspirées d'une actualité qui soit fraîche, et par conséquent, pas réchauffée. Si vous ne saviez pas ce que voulait dire l'expression «la quadrature du cercle», eh bien, c'est bien ça. Alors comme aujourd'hui, et pour quelques jours encore, je ne suis pas là où il faut, mais quand même là où j'aime bien, je tourne un peu en rond. Qu'est-ce que je pourrais bien vous raconter de beau ? Oui, à propos de beau, je pourrais, par exemple, vous parler de moi, mais je vais encore déclencher l'orage et la rage de tous ces envieux qui vont encore me traiter d'imbu de ma grande personne et de prétentieux ! Moi, prétentieux ? Mais, pas du tout ! Je suis réaliste. Je sais ce que je suis, et je connais ma valeur. Alors si je crie sur tous les toits que je suis le plus fort et le plus beau, c'est, tout naturellement, parce que je le vaux bien. Et que ceux qui sont capables de prouver le contraire, osent le faire. Non, mais ! Prétentieux ?!? N'importe quoi ! D'ailleurs, si j'étais vraiment un vrai prétentieux, je ne vous aurais pas avoué si humblement et si singulièrement, au risque de donner un coup de griffe sérieux à mon image, qu'aujourd'hui, je ne trouve rien à vous dire. Qui, de mon gabarit, aurait pu le faire ? Personne ! Il n'y a que moi. Je suis le plus fort, vous dis-je ! La preuve, j'arrive à la fin, et je n'ai rien dit. Il n'y a pas à dire : je suis vraiment le meilleur. Au fait : c'était un poisson d'avril. Pas mal, hein ?