Un taux directeur maintenu à 3,25% et une réserve monétaire qui baisse de 2 points à 6%. L'essentiel des conclusions du conseil de Bank Al-Maghrib a été livré en très peu de temps, Abdellatif Jouahri s'étant montré beaucoup moins loquace que d'habitude. Il faut dire à sa décharge que le gouverneur de la Banque centrale est devenu beaucoup plus occupé, notamment depuis la mise en place de la Commission consultative de la régionalisation. Néanmoins, si le compte-rendu des travaux du conseil a été bref, Jouahri s'est patiemment prêté au jeu des questions-réponses de la presse avec sa verve habituelle. On y apprend notamment que si le taux directeur a été maintenu à 3,25%, c'est que le contexte économique demeure marqué par une orientation légèrement haussière des risques. Par ailleurs, les prévisions centrales de l'inflation s'inscrivent en ligne avec l'objectif de stabilité des prix. Sans oublier que le wali de BAM, dont les appels à la vigilance sont notoires, s'est montré particulièrement optimiste. «La croissance devrait se situer entre 3 et 4% en 2010, tirée principalement par les secteurs non agricoles. Ceux-ci ont déjà affiché une reprise pendant les premiers mois de l'année. Les recettes touristiques ont augmenté de 25%, quant aux crédits bancaires, ils se sont appréciés de 12% en février dernier. Concernant la balance des paiements, les performances des exportations sont notables, grâce à la reprise des ventes de phosphates», indique Jouahri. Garder le contrôle de la politique monétaire S'agissant de la baisse de la réserve monétaire, celle-ci a été dictée par «l'ampleur et le caractère durable du besoin de liquidité sur le marché monétaire et compte tenu des prévisions d'évolution des facteurs de liquidité», selon la version officielle de BAM. De facto, cette baisse de la réserve se traduit par un apport en liquidités pour les banques de près de 8 milliards de DH. «Ce qui permettra d'impacter le coût moyen des ressources du système bancaire, et également amener les banques à être plus regardantes en ce qui concerne les conditions de crédit et la mobilisation de l'épargne», souligne le gouverneur de BAM. Mais pourquoi avoir baissé la réserve seulement de 2% ? A ce sujet, Jouahri s'est montré très clair : «En l'espace d'un an, le taux de la réserve monétaire est passé de 16,5 à 6%, ce qui a permis de dégager des liquidités bancaires entre 30 et 35 milliards de DH. Le fait de ne pas baisser davantage ce taux permet à la Banque centrale de rester maîtresse de ses interventions et de ses orientations sur le marché monétaire». Morceaux choisis Sur l'indexation des taux variables : «Nous avons mis au point l'indexation sur le taux interbancaire marocain. Les banques sont maintenant en train de réviser leurs références, notamment pour ce qui est des contrats à taux variables. Et nous avons demandé aux banques que ce ne soit pas l'occasion de durcir les conditions vis-à-vis de la clientèle. Par conséquent, tout ça a été mis en branle, ça a pris du temps, deux ans. Mais pourquoi nous l'avons fait ? parce que l'interbancaire est quand même une référence aux échéances de renouvellement des crédits. Je pense qu'on a fait du bon travail avec le système bancaire, en attendant d'aller plus loin, vers une cotation qui sera faite par les banques elles-mêmes et non pas suivant les exigences de la Banque centrale». Sur Bâle III : «Bien sûr, il y a des premières conclusions qui ont été dégagées. Je pense que pour nous les adaptations n'exigeront pas des demandes énormes en capital supplémentaire. Là où les choses doivent aller plus loin, c'est que les règles prudentielles d'évaluation des fonds propres, de la bonne gouvernance doivent maintenant être le fait des banques elles-mêmes, au lieu que ce soit toujours le régulateur qui impose et qui exige. C'est une culture qui doit venir de l'intérieur». Sur la réforme des statuts de BAM : «Nous sommes en train de voir quelles améliorations peuvent être apportées pour mieux réguler le secteur bancaire, et surtout défendre les intérêts de la clientèle du secteur bancaire. Ça demandera un peu de temps pour dégager une vision sur les cinq années à venir. D'ailleurs, nous sommes en train de travailler sur les statuts de BAM, pour être au benchmark des missions fondamentales des Banques centrales ». Seize opérations concernées par la gratuité des commissions Le fameux récapitulatif sur les commissions bancaires est toujours à l'ordre du jour, selon Jouahri. BAM suit de près ce dossier. Pour l'heure, la Banque centrale a arrêté les formes de ces commissions avec le système bancaire, et la manière dont les clients doivent être mis au courant à leur sujet. Seize opérations sont concernées par la gratuité des commissions, et dans les extraits de compte, on devrait même trouver des intitulés «normalisés», qui expliqueraient en détail l'opération décrite. BAM est en outre en train d'examiner un indice des services financiers, analogue au récent IPAI. Par ailleurs, la Banque centrale est sur un chantier de formation collective pour les cadres bancaires. Jouahri a également d'autres raisons d'être fier, puisque le lundi 29 une mission de la Banque mondiale est venue examiner la gouvernance au sein du système bancaire. «Je peux vous assurer que selon leurs appréciations, encore une fois, le système bancaire marocain est placé en tête des systèmes financiers et bancaires de la région MENA», souligne le gouverneur de BAM.