Le moins que l'on puisse dire, c'est que les relations entre Bank Al-Maghrib (BAM) et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), sont du genre passionné. En effet, interpellé à propos des hausses des taux d'intérêt qui, un temps, avaient défrayé la chronique, Jouahri a clairement indiqué sa position aux professionnels de la banque. «Avant la dernière réunion avec le GPBM, j'avais écrit aux banques pour les interpeller, car la Banque centrale avait fourni toutes les liquidités nécessaires en temps de crise. Donc, je ne voulais pas voir des durcissements de conditions injustifiées». De leur côté, les banques ont expliqué que pour tout ce qui est garanti par l'Etat, les taux n'ont pas bougé, mais que les relèvements opérés l'ont été sur des clients présentant un profil de risque. D'aucuns avaient même manifesté une inquiétude quant à une entente sur les taux. À ce sujet, Jouahri a été très clair:«J'ai indiqué que la Banque centrale veillera à ce qu'il n'y ait pas d'entente sur les taux, et que la concurrence jouera pleinement. Si une banque veut augmenter les taux, ça la regarde. Mais qu'il y ait une entente entre le système bancaire pour diriger les taux, alors là, ça ne marche plus». Les taux étant soumis à la loi du marché, la Banque centrale s'interdit de les administrer. C'est pour cela qu'elle compte suivre de près cet aspect du problème, «de façon à ce que nous ne tombions pas dans des situations de cartel», indique Jouahri. Identifier les risques Autre point important, celui du ratio de solvabilité. Arrêté à 10, la Banque centrale estime que le système bancaire s'y est tenu. Quant au ratio de 12%, ce sera en fonction du profil de risque de la banque. «C'est pour cela que nous allons attendre les chiffres de 2010 pour avoir une vision plus claire, et identifier les banques qui ont besoin d'un renforcement des fonds propres». Le Gouverneur de BAM a insisté sur la coordination entre les différents régulateurs, afin de veiller à une stabilité financière globale. Sur cet aspect du problème, les acteurs concernés ont commencé à travailler de concert, notamment en procédant à un essai de simulation des risques systémiques. Jouahri indique que «globalement, les organisations internationales ont relevé que les mécanismes et fondamentaux pour réagir sont là. Mais l'aspect stabilité mérite maintenant d'être vu dans sa globalité. Cela fait partie des points fondamentaux du Plan stratégique de la Banque centrale pour 2010-2012» La circulation de l'information financière est également un chantier des plus ardus. À cet égard, le Crédit bureau, qui s'est longtemps fait désirer, a démarré depuis fin octobre et commence à atteindre sa vitesse de croisière, selon Jouahri. «La consultation obligatoire du Crédit bureau, et donc la demande du rapport de solvabilité au crédit bureau, seront déterminantes, dans le cadre de l'information financière, mais également pour la décision des banques dans le cadre de l'octroi des crédits». Dans cette optique, les clients qui pourraient présenter des risques systémiques feront l'objet d'un suivi régulier. BAM a annoncé qu'elle allait communiquer à chaque banque sa liste de risques systémiques, et lui demander un suivi très rapproché de ces risques, qui peuvent influer sur le niveau des provisions à constituer par les établissements de crédit. «Coup de bistouri» pour le microcrédit Un autre chantier et non des moindres, est celui du secteur du microcrédit. Pour Jouahri, un long chemin a été parcouru, même s'il reste encore du pain sur la planche. En effet, les régulateurs commencent à avoir une vision plus claire du secteur. BAM est en train de préparer une mise à niveau. Le chambardement a déjà commencé avec la création du champion national, la fondation Zakoura-Chaâbi pour le microcrédit, née de la fusion de Zakoura avec la branche microcrédit de la Banque populaire. Cette opération, interprétée par le secteur comme un grand signal de changement, n'occulte pas forcément tous les problèmes liés au secteur. Il y a bien souvent trop d'associations concentrées dans une seule zone, au détriment d'autres régions, boudées par les opérateurs car moins accessibles. En outre, le taux de créances en souffrance continue d'augmenter, notamment à cause des créances croisées, qui font que des bénéficiaires de microcrédits s'endettent chez une association pour rembourser une autre dette ailleurs. Afin de pallier ces entraves au développement du secteur, Jouahri a annoncé que «dès 2010, nous allons essayer de donner un coup de bistouri, peut-être même au niveau des textes». Paroles de wali Sur les conclusions de la mission du FMI : «Je peux vous assurer que, de par mon expérience avec le FMI, qui date de près de 30 ans, c'est une des meilleures pages de conclusions du Fonds concernant le Maroc, aussi bien sur les politiques budgétaire et monétaire que sur les perspectives de croissance, et sur la maîtrise de l'inflation». Sur la polémique selon laquelle il aurait prôné une baisse des salaires : «Nous avons dit que l'Etat devait réfléchir à la mise en place d'un filet social pour les personnes les plus démunies. Personne ne l'a relevé, et personne au niveau des syndicats n'a daigné nous remercier. Alors que c'était présent dans le rapport annuel de BAM présenté au Souverain en juillet dernier. Je n'avais jamais dit qu'il fallait baisser les salaires, et je n'ai pas le pouvoir d'imposer une telle décision au gouvernement». À propos de la révision de l'indexation des taux variables : «Toutes les études préliminaires sont terminées. Il y aura la possibilité de passer d'un contrat à taux fixe à un autre à taux variable. Nous essayons d'encadrer ce changement avec le GPBM, pour que la prime transitoire soit limitée». Concernant le rapport de stabilité annoncé par BAM : «Nous y travaillons, mais nous voulons également que les autres acteurs soient au diapason, pour 2010, c'est-à-dire le CDVM, le département de l'assurance,... et là, nous avons demandé à ce que les rapports sectoriels de chaque régulateur soient préparés et que l'on revoie ça dans le cadre d'une stabilité financière globale».