Après la tomate, c'est l'orange marocaine qui se trouve dans la ligne de mire des agriculteurs espagnols. L'échec cuisant de leur stratégie pour arracher un aveu de la Commission européenne sur la qualité de nos tomates, les a poussés à changer leur fusil d'épaule. Les producteurs de l'orange de la ville de Palma Del Rio, située dans la province de Cordoue ont ouvert un nouveau front dans cette campagne de dénigrement des produits de notre terroir. Selon eux, c'est tout vu : les exportations d'oranges destinées au marché européen ont chuté, suite à la concurrence marocaine. L'association des producteurs d'agrumes Palmanaranja fait état d'un essoufflement des marchés européens, suite de la chute de la consommation de l'orange espagnole. Comme à l'accoutumée, les producteurs font porter le chapeau au royaume. La dégringolade dont ils prétendent pâtir est provoquée par une entrée massive de l'orange marocaine, commercialisée à un prix moindre que sa rivale espagnole. Ces derniers avancent qu'ils ont peu de chance de faire de la concurrence au Maroc, dont les coûts de production sont largement plus bas. Le président de cette organisation se dit préoccupé par l'affaissement de la demande et appelle les autorités à la rescousse. Des allégations sans fondement, que les officiels espagnols n'hésitent pas à appuyer... Période électorale oblige ! Une chose est sûre, le Maroc est devenu le bouc émissaire des producteurs espagnols. Ces derniers font feu de tout bois afin de s'attirer le soutien des officiels de la Commission européenne (CE) ou des eurodéputés. À cet égard, la coordination des organisations d'agriculteurs et d'éleveurs COAG a déposé, officiellement, auprès du Parlement européen une demande formelle, dans laquelle elle sollicite l'Union européenne de suspendre l'application de l'accord d'association Maroc-UE. Motif évoqué : «vulnération des droits des citoyens européens». Dans sa protestation, au ton alarmiste, COAG a diligenté les instances européennes à agir, à toute vitesse, pour la défense et la protection des consommateurs européens. Plusieurs eurodéputés ont exprimé leur soutien à l'association, en grande partie des espagnols comme le vice-président de la commission des pétitions Willy Meyer, connu pour ses positions hostiles au Maroc ou le français José Bové, vice-président de la Commission de l'agriculture, Coag, qui surfe sur la fibre communautaire et appelle la UE à remplir «son devoir de protéger les droits fondamentaux des citoyens vulnérables de la communauté». Le prétendu préjudice auquel il fait allusion porte sur «la véracité» des informations portées sur les étiquettes des produits. À ce propos, le secrétaire provincial de COAG Almeria, Andres Gongora a déclaré que la législation européenne préconise que l'étiquetage des produits frais, devait mentionner le pays d'origine. Selon lui, ce critère n'est pas rempli dans le cas des produits en provenance du Maroc et que certaines marchandises peuvent provenir des provinces du sud sans que le consommateur européen soit incapable de faire la distinction. Après l'échec de la stratégie basée sur l'agitation de l'épouvantail de la salubrité et la prise de position favorable au Maroc de la part des membres de la CE, les Espagnols explorent, à présent, la brèche politique. De leur part, les conseillers d'agriculture des régions autonomes multiplient les rencontres avec les eurodéputés espagnols. Suite à une rencontre avec la responsable de l'Agriculture de la communauté de Valence, la parlementaire européenne Esther Hernandez a appelé la Commission européenne à agir d'une manière décidée contre les importations frauduleuses de la tomate marocaine et ce avant de conclure le nouvel accord agricole. L'eurodéputée a parlé, sans ambage, de la détermination du Parlement européen de ne pas donner son feu vert, si des garanties n'étaient pas présentées aux producteurs ibères. La CE avait affirmé, lors d'une rencontre la semaine dernière, que «jusqu'à présent, elle n'a aucune preuve de fraude systématique ou d'échec du système de contrôle mis en place». La Commission reste de marbre devant les menaces et les allégations du lobby des producteurs. Piqués au vif, les agriculteurs espagnols peinent à admettre la justesse des déclarations des membres de la CE sur l'équilibre de l'accord. Ils préfèrent, en guise de revanche, adresser des lettres au vitriol à des membres de la CE comme John Clarke, de la direction générale de l'agriculture, qui a affirmé que la tomate marocaine est tout... sauf contaminée.