Difficile pour l'exportateur marocain de pénétrer le marché japonais, tant celui-ci est exigeant sur le critère de la qualité. C'est pourtant la mission que s'est donnée Maroc Export (ex-Centre marocain de promotion des exportations) à travers l'accompagnement au Japon de 18 entrepreneurs nationaux, depuis le 26 février jusqu'au 3 mars, avant une dernière étape en Corée du Sud jusqu'au 6 mars. Seul l'agroalimentaire est représenté, mais les segments sont des plus variés, entre les produits de la mer, les céréales ou les huiles (argan et olive). Des visites de sites ainsi que des rencontres B2B sont au programme. Celles-ci ont eu lieu hier, lundi, avec des hommes d'affaires nippons, mais au regard de la spécificité de la mentalité locale, une séance de «briefing» s'imposait. À cet égard, des représentants de la Mipro (Manufactured imports and investment promotion organization) ont donné aux conquistadores marocains un aperçu du marché japonais, ainsi que de ses caractéristiques notamment en matière d'importation. Autant dire que le chantier s'annonce ardu, car non seulement la réglementation est des plus intransigeantes, mais encore «les businessmen japonais essayent d'imposer leur propre manière de voir. Nous avons quelques habitudes en affaires qui peuvent poser problème avec nos partenaires», comme on l'explique à la Mipro. Le discours avait le mérite d'être réaliste et honnête. «Les Japonais insistent tellement sur la qualité qu'un importateur pourrait renvoyer toute sa marchandise à l'exportateur s'il constate ne serait-ce qu'une éraflure sur l'emballage du produit. En outre, la mentalité japonaise en affaires est difficilement traduisible», souligne l'expert de la Mipro. La tâche s'annonce donc difficile mais pas impossible pour les représentants de la délégation marocaine. Celle-ci compte heureusement des précurseurs sur le marché nippon, tel l'Omnium marocain des pêches (OMP), qui exporte vers le Japon depuis des années. Cinq membres de la délégation (Agro-Nafiss, Atlas Olive Oil, Kraima Homhamed, Tajini et Alili Morocco) attendent également beaucoup de leur présence au Foodex Japan, le plus grand salon alimentaire et de boissons en Asie, qui ouvrira demain ses portes jusqu'au 5 mars. Le Maroc y aura un stand de 200 m2, à côté de celui de l'Espagne, grand rival. Le ghassoul, une success story La mission actuelle de Maroc Export est la résultante d'un processus entamé depuis mars 2009, date de la première mission diligentée par Maroc Export au pays du Soleil Levant. Il s'agissait alors de prospecter le terrain, en ciblant des niches spécifiques, auparavant déterminées par les équipes de l'ambassade du Maroc à Tokyo. «Notre tâche a été surtout de baliser le terrain pour que Maroc Export prenne le relais en tant qu'intermédiaire auprès des entreprises marocaines concernées», souligne Saïd Ait Taleb-Ali, conseiller économique auprès de l'ambassade. Le travail effectué en amont était considérable, puisqu'il s'agissait d'identifier avec précision les secteurs dans lesquels le Maroc pouvait être compétitif, en sachant qu'il se heurtait à une forte concurrence européenne et asiatique. «Les produits de la mer ainsi que le textile et cuir ont de fortes chances de s'installer sur le marché nippon. L'huile d'argan ainsi que l'huile d'olive présentent également un fort potentiel, mais plutôt en tant que produits cosmétiques que produits alimentaires», souligne Ait Taleb-Ali. Mais ce n'est pas gagné d'avance. Notamment pour l'huile d'olive, qui reste essentiellement rattachée à l'Italie dans l'esprit du consommateur japonais. Le tableau n'est heureusement pas si sombre. Certains produits marocains ont connu de véritables success stories au niveau du créneau cosmétique. En effet, le ghassoul, produit si cher à nos contrées, connaît ici un fort engouement depuis des années. Les rapports commerciaux avec les businessmen japonais étant grandement tributaires de la confiance ainsi que de la continuité de la relation installée, une autre mission a eu lieu en décembre dernier, avant celle se déroulant actuellement. Des échanges en progression depuis 2004 Le Maroc bénéficie d'une aide japonaise non remboursable d'un montant de 18,06 milliards de yens (près de 1,6 milliard de DH). Le Royaume fait également partie des 11 pays bénéficiant des programmes annuels de coopération financière avec le Japon.Le volume des échanges commerciaux entre le Maroc et le pays du Soleil Levant a progressé en moyenne de 18,2% par an depuis 2004, et a atteint 7,3 milliards en 2008, ce qui fait presque le double du volume enregistré en 2004, soit 3,8 milliards de DH. Les exportations marocaines vers le Japon ont connu une progression annuelle de 28,65%. Les principaux produits envoyés à destinations de l'archipel nippon sont les crustacés et mollusques, les poissons, les demi-produits et les phosphates. Quant aux importations marocaines en provenance du Japon, elles concernent essentiellement des véhicules industriels, des voitures particulières, et divers machines et équipements industriels. Masayuki Shibata,Conseiller en commerce et investissement au sein de la Mipro Les Echos : Quels sont les produits marocains les plus demandés au Japon ? Masayuki Shibata : Les produits de la mer en provenance du Maroc sont très connus ici. Les produits artisanaux et pouvant apporter une touche «arabe» le sont également, mais dans une moindre mesure. Pour ce qui est de l'agroalimentaire en général, la pénétration du marché est difficile. Nous avons une réglementation stricte, car nous sommes très pointilleux sur la qualité des produits alimentaires en particulier. Il m'arrive d'avoir le sentiment que notre système d'importation soit trop strict, mais les Etats-Unis, l'Australie ou les pays européens sont également très méticuleux à ce sujet. Au Japon, l'importation de produits agroalimentaires est rigoureuse surtout pour les produits de la mer et ce, pour protéger l'industrie de la pêche locale. Quels pays pourraient être de sérieux concurrents pour le Maroc au Japon ? Question difficile. Plusieurs autres pays d'Afrique peuvent concurrencer le Maroc, comme le Kenya ou l'Egypte. Chaque pays a ses atouts en matière d'exportation. Je conseillerais les entreprises marocaines de bien cibler les niches qu'elles projettent d'investir si elles veulent se démarquer sur le marché japonais. La barrière de la langue ressurgit souvent, du fait que les entrepreneurs ne sont pas très ouverts aux autres langues. La situation a-t-elle changé ? Certainement. De plus en plus, au niveau des grandes entreprises, vous avez davantage de gens qui parlent un très bon anglais. Ce qui est moins courant chez les PME. Mais la jeune génération est en train de changer cela, puisqu'elle est beaucoup plus portée sur les langues étrangères.