Directeur général adjoint de CFAO mobility La mobilité durable peine à s'imposer au Maroc. Pourtant, le pays ne manque pas d'atouts stratégiques, estime Laurent Genet, directeur général adjoint de CFAO mobility. À la veille du Green expo, il décrypte les leviers indispensables au développement de la voiture électrique et les enjeux industriels sous-jacents. Quel regard portez-vous sur l'état de la mobilité durable au Maroc ? Il est encore tôt pour formuler une appréciation tranchée, mais le Green expo, prévu courant février, permettra déjà d'identifier les dynamiques en cours. Ce que je constate, c'est une volonté d'investir dans les technologies durables. Le dessalement de l'eau de mer, le développement massif du solaire, l'essor de l'éolien... Peu de pays bénéficient d'un tel potentiel combinant ensoleillement abondant et vents réguliers. Le Maroc a une belle carte à jouer, mais cela implique des investissements lourds et un accompagnement étatique, notamment sur le plan fiscal. Le marché local semble encore en retard sur le volet électrification des transports. Est-ce un frein ou une phase transitoire ? Tout est relatif. J'ai observé le même phénomène au Vietnam, où j'ai opéré pendant près de deux décennies, et ailleurs en Asie. L'adoption suit en général une courbe progressive, un peu timide au début puis la tendance s'accélère au fil des années. Mais cela ne fonctionne que si le cadre est incitatif. Il faut à la fois des infrastructures – bornes de recharge, centres de maintenance formés à la haute tension – et un environnement économique propice aux investissements. L'enjeu du recyclage est également crucial. Une fois sur place, les batteries ne peuvent être facilement transportées. Elles restent donc sur le territoire et peuvent être revalorisées, à l'image de ce qu'a fait Tesla avec le stockage d'énergie. Ce sont des défis techniques, mais aussi humains, de taille. Le marché des véhicules électriques en est encore à ses balbutiements. Qu'est-ce qui freine, selon vous, son développement ? Il faut un mécanisme de soutien au départ. Installer des bornes de recharge pour un parc encore limité est un pari économique risqué. C'est comme un arbre, au début, il a besoin d'un appui, mais une fois enraciné, il pousse seul. Lorsque le nombre d'utilisateurs devient suffisant, l'écosystème s'autorégule. Le Maroc doit-il maîtriser toute la chaîne de valeur pour réussir cette transition ? Idéalement, oui, mais en pratique, la production des matériaux stratégiques – cobalt, lithium – échappe en grande partie aux Etats. Le marché est soumis à des cycles de forte volatilité. Les fluctuations des prix des minerais rendent l'investissement incertain. On retrouve cette problématique dans d'autres secteurs stratégiques où la souveraineté sur des matières premières critiques est aussi essentielle que celle des médicaments ou de l'énergie. Quel rôle peuvent jouer les industriels d'une part, et les pouvoirs publics, de l'autre ? Les industriels doivent anticiper les évolutions réglementaires et intégrer les impératifs environnementaux. Quant aux pouvoirs publics, ils doivent poser un cadre stable, incitatif et accompagner la montée en charge. Le Maroc dispose des ressources et des conditions favorables. La question est désormais de savoir comment structurer cet écosystème et créer un environnement où l'investissement dans la mobilité durable devient un choix évident. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO