Bank Al-Maghrib impose un cadre plus strict aux banques pour évaluer l'exposition des grands emprunteurs aux risques financiers liés au changement climatique. Ces nouvelles exigences de reporting, mises en place par la Banque centrale, marquent un tournant dans la supervision bancaire. Depuis plusieurs années, Bank Al-Maghrib multiplie les directives sur la prise en compte des risques climatiques dans la gestion des actifs bancaires. Mais devant l'inefficacité des engagements des opérateurs, la Banque centrale serre la vis sur le risque climatique. Une directive, datée du 24 janvier 2025, oblige désormais les établissements financiers à collecter des données détaillées sur l'impact environnemental de leurs principaux emprunteurs. Objectif recherché : mieux encadrer les expositions aux risques physiques et «de transition» liés au climat. Reporting périodique Les banques devront ainsi établir un diagnostic précis de leurs clients à travers plusieurs paramètres avec, entre autres, la localisation et la vulnérabilité de leurs actifs physiques, en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi que leurs stratégies d'adaptation à la transition énergétique. Elles devront aussi transmettre un reporting périodique à la Banque centrale, détaillant leur exposition et les mesures mises en place pour atténuer les risques. Ce cadre réglementaire s'aligne sur les standards internationaux qui poussent les banques à évaluer la variable climatique au même titre que les autres risques financiers. «Il ne s'agit plus d'un simple exercice de transparence, mais d'une intégration directe dans la gestion des risques bancaires», commente un expert du secteur. Si la directive n'impose pas de sanctions immédiates, elle contraint néanmoins les banques à adopter une posture plus proactive. Un délai de mise en conformité de 24 mois est prévu, porté à 48 mois pour les filiales basées à l'étranger. Ce calendrier laisse le temps aux banques d'adapter leurs outils de collecte de données et leurs méthodologies d'évaluation. L'autorité monétaire insiste aussi sur l'importance d'une coopération entre banques et entreprises. Celles-ci devront fournir des informations fiables sur leur exposition aux risques climatiques, notamment via des indicateurs normalisés. Un enjeu de taille, tant le reporting extra-financier demeure encore peu adopté. Approche progressive Dans un contexte où le Maroc accélère sa transition vers une économie plus verte, cette directive s'inscrit dans une volonté affirmée d'alignement avec les standards internationaux. La pression réglementaire pourrait inciter les banques à revoir leur allocation de crédits en faveur de projets moins exposés aux risques climatiques. Une tendance déjà observée en Europe, où certaines institutions financières tentent de rendre plus contraignant le financement des industries polluantes. C'est le propre de la démarche entreprise par la Banque centrale européenne (BCE), qui a durci le ton face aux banques commerciales du Vieux continent tardant à intégrer le risque climatique dans leur gestion des actifs. Après avoir longtemps misé sur l'incitation et les engagements volontaires, la BCE a fini par brandir la menace de sanctions financières. Celles-ci peuvent aller jusqu'à 5% du revenu journalier des établissements non conformes. Une pression destinée à éviter que le secteur bancaire ne minimise l'impact du changement climatique sur la stabilité financière. En imposant la collecte et le reporting sans prévoir de sanctions immédiates, Bank Al-Maghrib jette ainsi les bases d'un contrôle renforcé. Reste à voir comment les établissements bancaires réagiront face à ces nouvelles exigences. Entre contraintes réglementaires et nécessité de financer la transition énergétique, les banques devront désormais montrer patte blanche en matière de conformité aux mesures adoptées face aux enjeux climatiques. Un exercice délicat dans un pays où l'équilibre entre développement économique et impératif environnemental demeure un défi permanent. ESG, entre vertu affichée et engagement flou Au cœur du récit climatique, l'ESG s'impose comme un standard des stratégies d'entreprise. Pourtant, aucune obligation légale contraignante ne force réellement les entreprises à réduire leur empreinte carbone ou à repenser leur impact sur leur écosystème. En Europe, la loi Pacte de 2019 a introduit dans le Code civil la notion de «raison d'être», élargissant ainsi la mission de l'entreprise au-delà de la pure poursuite de profits. Désormais, une société peut inscrire dans ses statuts un engagement social, sociétal ou environnemental. Mais dans les faits, cette démarche reste largement volontaire et encore peu contraignante. «Chaque entreprise doit y réfléchir. L'enjeu ne se limite pas aux émissions de carbone. Il s'agit aussi de déterminer quel impact elle souhaite avoir sur son environnement», souligne un expert du secteur. Si certaines grandes entreprises s'en emparent, notamment sous la pression des investisseurs et des consommateurs, la transformation reste inégale. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO