La détérioration de l'agriculture porte préjudice à l'économie nationale qui affiche une croissance fragile soutenue par les secteurs non agricoles. Cette dynamique révèle les failles d'un modèle encore sensible aux aléas conjoncturels. Toujours en phase d'adaptation, l'économie nationale continue de traverser une zone de turbulences avec une croissance qui s'établit à 2,4 % au deuxième trimestre 2024, contre 2,5 % l'an passé, note Bank Al-Maghrib dans sa dernière note de conjoncture. Alors que l'agriculture continue de subir les effets des aléas climatiques, les secteurs non agricoles affichent une croissance soutenue, ce qui témoigne, note BAM, de la capacité de l'économie à absorber les chocs structurels. Fragilités structurelles L'agriculture, qui représente encore une part importante du PIB, subit en effet la pression d'une variabilité climatique de plus en plus prononcée. «Le démarrage de la campagne agricole 2024/2025 bénéficie de précipitations globalement favorables», concède Bank Al-Maghrib, avec un cumul pluviométrique en hausse de 11,8% par rapport à l'année précédente et de 134,5% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Cependant, cette embellie reste fragile, le taux de remplissage des barrages se situant à 29,6 %, un niveau qui souligne la vulnérabilité du secteur vis-à-vis d'une pluviométrie jugée encore insuffisante et les faibles réserves hydriques dont dispose le Royaume. En revanche, les secteurs non agricoles semblent capitaliser sur des tendances structurelles. Ainsi, la valeur ajoutée des industries manufacturières a progressé de 2,9% au deuxième trimestre, après un recul de 1,6% en 2023. «La fabrication de matériel de transport» et la «fabrication de produits chimiques» affichent un rebond de 23% et 20%, respectivement dans des segments de haute valeur ajoutée. Cette reprise, portée par une industrie manufacturière diversifiée, est illustrée par un taux d'utilisation des capacités industrielles qui se stabilise autour de 77,1%. Ces indicateurs témoignent d'une volonté manifeste d'asseoir un modèle économique moins dépendant de l'agriculture, mais encore en voie de consolidation. Fin des festivités pour le tourisme L'industrie extractive, avec une hausse de 23,6% de sa valeur ajoutée au deuxième trimestre, complète ce tableau. Cette dynamique est renforcée par une production de phosphate en expansion de 34,4% au cours des mois d'été, soulignant l'importance des ressources minières dans les exportations marocaines. La branche des activités d'hébergement et de restauration, bien que stabilisée après une reprise post-pandémique, enregistre également une croissance solide. La banque centrale relève une hausse des arrivées touristiques de 23,2% et des recettes de voyages de 17,4% au troisième trimestre, confirmant l'attractivité du Maroc comme destination de choix pour les visiteurs étrangers. Pourtant, derrière ces chiffres positifs se dessine une décélération, preuve que le secteur touristique n'échappe pas à une tendance de normalisation attendue après une année de rattrapage exceptionnelle. Sur le marché du travail, l'économie marocaine a généré 213.000 emplois, principalement dans les services, un domaine qui absorbe 258.000 nouveaux postes. Ce dynamisme contraste avec la baisse des effectifs dans l'agriculture, qui a perdu 124.000 emplois, soulignant la précarité de ce secteur face aux crises climatiques. «Le taux d'activité a marqué une hausse de 0,4 point, pour atteindre 43,6%», note la banque centrale, reflétant l'intégration progressive d'une main-d'œuvre active. Par ailleurs, le taux de chômage reste stable à 13,6%, preuve que le marché de l'emploi continue de croître à un rythme modéré. Le commerce extérieur, autre pilier de l'économie, montre une résilience notable. Les exportations ont progressé de 5,3 %, tirées par l'automobile et le phosphate, tandis que les importations augmentent de 4,8%. Cette dynamique contraste cependant avec l'allègement de la facture énergétique, en baisse de 5,9%. La réduction des importations énergétiques représente un soulagement pour la balance commerciale, dans un contexte de prix mondiaux modérés. Parallèlement, les transferts de la diaspora et les recettes de voyages contribuent au maintien des réserves en devises, qui couvrent actuellement 5 mois et 6 jours d'importations, signe de stabilité dans la position extérieure du pays. Face à la stabilité des comptes extérieurs et la résilience des secteurs non agricoles, l'économie parvient ainsi à pérenniser sa croissance. «La poursuite de la croissance dépendra de la capacité du Maroc à stabiliser ses ressources en eau et à soutenir ses secteurs porteurs», souligne la dernière note de conjoncture. À l'évidence, l'avenir économique du pays repose désormais sur sa faculté à limiter sa dépendance aux aléas pour asseoir une trajectoire de croissance solide. Déficit commercial, l'écart se creuse Les échanges commerciaux continuent de croître, avec des exportations en hausse de 5,3% et des importations de 4,8% sur les neuf premiers mois de 2024, selon la dernière note de conjoncture de Bank Al-Maghrib. Ce mouvement alourdit le déficit commercial, désormais porté à 222,6 milliards de dirhams, en hausse de 3,9%. Les exportations s'appuient principalement sur les performances des secteurs automobile et des phosphates. Dans un tel contexte la facture énergétique, en net retrait de 5,9 %, vient apporter un répit face à la pression croissante des importations de biens d'équipement et de produits finis de consommation. Côté services, l'excédent se contracte à 99 milliards, affecté par une hausse des importations. Face aux pressions sur la balance commerciale, les transferts des MRE affichent une appréciation de 5,2 %, apportant un soutien vital dans l'atténuation partiel d'un déficit en perpétuelle expansion. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO