Jamais la figue de barbarie n'a atteint des niveaux de prix aussi élevés. À ce stade, elle ne saurait être encore qualifiée de «fruit du pauvre». Devenue inaccessible, elle en a vu des vertes et des pas mûres en raison de la cochenille, un redoutable parasite. Mais tout porte à croire que le Maroc est sur le bon chemin pour limiter les dégâts, même si la période de froid s'annonce corsée. La figue de barbarie n'est plus le fruit du pauvre, loin s'en faut ! Au prix auquel elle est vendue actuellement, elle n'est en effet plus aussi accessible que d'ordinaire. Si jadis, le prix à l'unité ne dépassait pas 1 dirham, aujourd'hui, une seule pièce peut atteindre 5 à 10 DH sur le marché. Mais cette ascension fulgurante des prix n'est pas le fruit du hasard. Elle est allée crescendo, au fil des ans. En effet, tout a commencé lorsque la cochenille a infesté, il y a quelques années, les vergers de cactus de différentes régions, impactant ainsi de plein fouet la production de figues de barbarie. «La cochenille qui provient d'Amérique latine a touché le Maroc, il y a plus de six ans. Les ravages étaient tels que certaines régions ont vu la totalité de leurs plantations détruites. L'insecte a attaqué la zone de Doukkala avant de se propager par la suite à grande vitesse à d'autres régions. Car, il faut le signaler, le taux de contamination de la cochenille est très élevée», explique Lahbib Bentaleb, président de la Fédération des chambres d'agriculture au Maroc (FCAM). Selon l'Institut national de la recherche agronomique, 120.000 ha ont été détruits au niveau national par la cochenille sauvage. La dévastatrice cochenille Toutefois, les régions du sud ont été légèrement épargnées puisqu'un suivi permanent y a été instauré pour séparer les plantations contaminées des autres. Le professionnel nous explique que dès l'apparition des premiers symptômes, les producteurs ont immédiatement brûlé les plantes infectées en vue de limiter les dégâts. Pour ce faire, le gouvernement s'est mobilisé afin de trouver les solutions appropriées. Ainsi, les recherches ont été favorisées pour aboutir à des variétés résistantes à la cochenille. À ce sujet, l'INRA a pu développer huit variétés de plantes résistantes à cet insecte. D'ailleurs, l'expérience est d'ores et déjà lancée, avec cette nouvelle génération de graines, dans les régions de Rhamna et Laklaâ, où ce sont, respectivement, 3.000 et 2.000 ha qui ont été plantés, et ce, il y a plus d'un an. Les effets bénéfiques devraient commencer à se faire sentir dans deux ans. «Le Maroc a opté pour la multiplication des plantations pour répondre aux besoins du marché local, surtout que le fruit compte d'innombrables vertus, à telle enseigne qu'il a beaucoup gagné en valeur. Je tiens à préciser que notre pays est le premier pays à avoir développé des variétés résistantes à la cochenille. Ces efforts permettront ainsi de retrouver les prix d'antan», rassure le président de la FCAM. En outre, la rude vague de sécheresse qui a frappé le pays a également contribué à une diminution drastique des récoltes. S'ajoute à cela le coût du transport. Pour le professionnel, les récoltes issues des régions lointaines, telles que Sidi Ifni, reviennent plus chères. D'ailleurs, il faut s'attendre à ce que les prix grimpent davantage, dès le mois prochain, puisque l'offre aura tendance à se raréfier. L'offre d'olives réduite Et ce n'est pas que la figue de barbarie qui deviendra une denrée rare lors de la saison prochaine (à partir du mois d'octobre). Les olives et les agrumes atteindront des niveaux de prix faramineux, à en croire Lahbib Bentaleb. Le manque de pluviométrie a lourdement impacté les productions. Et conformément à la loi du marché, lorsque la demande dépasse l'offre, les prix de vente augmentent. «La prochaine saison s'annonce délicate. Pour que les prix se stabilisent – notamment en période de froid où plusieurs cultures sont impactées, en dehors des produits sous serres -, il faut fournir en eau les zones irriguées. Ce qui permettra d'équilibrer entre la demande locale et externe. Certes, le dessalement de l'eau de mer va venir en aide à plusieurs cultures maraîchères, mais pour l'heure, le zonage est limité en attendant que les autres chantiers s'achèvent. Ceci dit, nous espérons que la saison connaîtra des pluies salvatrices», déclare-t-il. En revanche, il n'y a aucune inquiétude à avoir quant aux fruits de la prochaine saison, selon le président de la FCAM qui certifie que le marché sera suffisamment approvisionné. Qui vivra verra ! Par ailleurs, la période actuelle est marquée par la disponibilité de l'offre sur le marché local, tant pour les légumes que pour les fruits. Même le niveau des prix reste abordable sauf pour les oranges à jus et… les figues de barbarie ! Maryam Ouazani / Les Inspirations ECO