C'est la fin des taux négatifs en Europe. La Banque centrale européenne a fini par rejoindre le peloton des autres banques centrales, comme la Fed américaine, en relevant ses trois taux directeurs de 0,5 point, pour la première fois depuis 2011. D'autres hausses pourraient suivre. L'institution se montre clairement plus agressive que prévu. Cette hausse d'un demi-point décidée par la BCE est, certes, plus élevée que prévu, mais pas trop. La BCE veut contrer l'inflation sans mettre en danger la croissance, toujours fragile. Prise dans un arbitrage complexe entre hausse des prix et craintes pour la croissance, l'institution de Francfort a choisi l'audace : elle relève ses trois taux directeurs de 50 points de base après avoir préparé les esprits à une hausse de 25 points seulement. Le principal taux d'intérêt passe ainsi de zéro, niveau où il campait depuis 2016, à 0,50%, tandis que celui taxant une partie des liquidités bancaires non distribuées en crédit, remonte de -0,50%, à zéro. De futures hausses à prévoir «Quand les taux d'intérêt sont plus élevés, tous les emprunteurs, que ce soient les ménages, les entreprises ou les Etats paient plus cher lorsqu'ils veulent emprunter, donc l'investissement ou la consommation à crédit est plus onéreux, analyse Sylvain Bersinger, économiste au sein du cabinet Asterès. Si tous les agents économiques freinent leurs dépenses et leurs investissements, ça entrave l'activité économique et les embauches. Un tel comportement casse la croissance, en asphyxiant en quelque sorte l'économie. Les banques centrales essaient de freiner l'inflation pour la ramener à des niveaux plus acceptables, autour de 2%».Difficile de dire si cela sera suffisant. Les gardiens de l'euro indiquent avoir pris d'autres mesures pour s'assurer que l'inflation retourne à son objectif de 2%. Ils s'accordent, par ailleurs, sur la possibilité d'ajuster le tir lors de prochaines réunions. «Pour l'instant, la BCE reste prudente. On est sur une hausse de taux qui ne sera très certainement pas suffisante pour casser l'inflation. Il y aura certainement à l'automne, à l'hiver ou courant 2023, d'autres hausses qui seront nécessaires si l'on veut casser l'inflation et revenir à 2% d'inflation, ce qui est la cible de la BCE», poursuit Bersinger. Inflation record dans la zone euro Ce resserrement de la politique monétaire a déjà été amorcé en juillet avec l'arrêt des nouveaux rachats de dettes sur les marchés. L'objectif est de réduire la masse monétaire en circulation et freiner l'inflation qui a battu, le mois dernier, un nouveau record dans la zone euro, à 8,6% sur un an. Un autre danger fragilise cette zone. Les écarts entre les taux des différents pays sont trop grands et sujets aux attaques spéculatives. Les marchés ont notamment en ligne de mire l'Italie où s'ouvre une période d'instabilité politique. Pour éloigner le spectre d'une nouvelle crise des dettes souveraines, la Banque centrale européenne a ainsi annoncé, jeudi dernier, un nouvel instrument pour protéger les Etats les plus fragiles contre des attaques spéculatives. La BCE ajoute à sa boîte à outils l'instrument de protection de la transmission, le TPI. Une nouvelle arme qui pourra être activée pour contrer ces attaques. Ce nouvel instrument permettra, en effet, à l'institution de Francfort d'acheter des obligations lorsqu'elle constatera des signes de fragmentation financière, c'est-à-dire une divergence injustifiée et désordonnée des coûts d'emprunt entre les dix-neuf pays de la zone euro. L'ampleur de ces achats dépendra de la gravité de la situation. Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ECO