La montagne a accouché d'une souris. L'adage, colporté par les centrales syndicales les plus représentatives depuis hier matin, s'appliquerait parfaitement, toujours selon elles, au dernier communiqué de la Primature, rendu public lundi soir et relatif aux mesures arrêtées par le gouvernement dans le cadre du dialogue social pour l'année 2008-2009. Cette sortie médiatique, annoncée avant le dernier round prévu entre le Premier ministre et les centrales début janvier, est considérée par les uns comme une fuite en avant. «Nous estimons que les mesures entreprises par le gouvernement émanent d'une décision unilatérale. Ceci démontre d'abord que la question du dialogue social est prise à la légère par le gouvernement», tonne Ali Lotfi, le secrétaire général de l'ODT (Organisation démocratique du travail). Abbas El Fassi ne l'entend pas de cette oreille. Pour lui, «les débats, qui ont permis de traiter les différentes revendications présentées par les centrales syndicales, ont été empreints de sérieux, de responsabilité et d'un haut niveau d'engagement», indiquait un communiqué de la Primature. Le quotidien istiqlalien expliquait, lui aussi, dans son éditorial du week-end dernier, que «les mesures annoncées sont de nature à «améliorer le revenu des travailleurs et à augmenter leur pouvoir d'achat». Pourtant, tout le monde, et en premier lieu les syndicats, sait que le pouvoir d'achat se détériore et que les systèmes de protection sociale sont quasi inexistants pour plus de 50% des personnes en activité et pour plus de 7 millions de retraités, dont la pension mensuelle ne dépasse guère les 600 DH. «Cette situation s'aggrave, au moment où les disparités des salaires se multiplient et les écarts deviennent inquiétants», explique Ali Lotfi. Institutionnaliser le dialogue Une des revendications des syndicats actuellement est l'institutionnalisation du dialogue social pour qu'il soit un mécanisme permanent. Selon Ali Lotfi, «le gouvernement n'ouvre le dialogue avec les syndicats que si une grève sectorielle ou générale est annoncée». Pour sa part, Hamid Chabat, SG de l'UGTM (Union générale des travailleurs au Maroc), estime qu'«il est nécessaire de trouver d'autres formes de gestion des conflits sociaux, le dialogue social doit être institutionnalisé avec un cadre juridique. Actuellement il y a absence d'une loi sur les syndicats et le droit de grève». Si les syndicats appellent à encadrer le dialogue social, l'institution qui sera en charge de la résolution des conflits sociaux ne peut être que le CES (Conseil économique et social). Dans les années 90, pour préparer l'alternance consensuelle, Hassan II avait demandé aux syndicats quatre ans de paix sociale. Cette demande avait été formulée après la grève générale de 1990, qui avait fait plus de 100 morts à Fès. À cet effet, Hassan II avait mis en place en 1994 le Conseil consultatif en charge du suivi du dialogue social, calqué sur le modèle du CCDH. Ce conseil n'a fonctionné que durant deux ans. Cette expérience avait démontré ses limites. Aujourd'hui, le futur Conseil économique et social sera l'interlocuteur des syndicats et des acteurs sociaux en termes de médiations. Mais déjà, cette option est critiquée par plusieurs acteurs de la vie publique, dont le PAM (Parti authenticité et modernité) ou le FMAS (Forum des alternatives Maroc). Ce dernier avance que «les Conseils consultatifs font l'objet de deux blocages : la propension à multiplier les effets d'annonce, d'une part, et celle à créer des organes sans réflexion préalable et sans moyen adéquat à une mise en œuvre effective, d'autre part». Les promesses de Abbas El Fassi Les mesures entreprises par le gouvernement, suite au dialogue social engagé avec les centrales syndicales les plus représentatives, ont été dès le lendemain contestées par ces dernières. Pour le gouvernement, la série de réunions tenues avec les syndicats ont abouti à une batterie de mesures «destinées à améliorer les revenus, en accordant la priorité aux bas salaires». Ces mesures, considérées par les centrales comme «émanant d'une décision unilatérale», ont été ventilées par grandes rubriques avec des argumentaires qui expliqueraient leurs tenants et aboutissants. Pour le secteur public, par exemple, le salaire mensuel minimum dans la fonction publique passera de 1.560 à quelque 2.400 DH, à travers la suppression des échelles de rémunération de 1 à 4, à partir du 1er janvier 2010, avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2008. Cette mesure bénéficiera à quelque 47.500 fonctionnaires. Néanmoins, elle profitera, dans une première étape, aux fonctionnaires concernés relevant des départements de l'Education et de la Santé, avec effet rétroactif à compter du 1er septembre 2009. Cette mesure devrait profiter à plus de 35.000 fonctionnaires. Pour l'ensemble des mesures arrêtées par le gouvernement, dans le cadre du dialogue social au titre des années 2008 et 2009, l'enveloppe budgétaire allouée a atteint quelque 20 milliards de DH. Ces mesures concernent, notamment, la revalorisation des salaires, la réforme de l'IR, l'augmentation des allocations familiales, la suppression des échelles de rémunération de 1 à 4 et l'augmentation du quota de la promotion interne. Pour le gouvernement de Abbas El Fassi, «cet important effort budgétaire consenti par le gouvernement permet de revaloriser les revenus des fonctionnaires d'au moins 500 DH mensuels, en plus de l'exonération de l'IR au profit de 53% des fonctionnaires et de 95% des retraités».