Alors qu'approche le premier mai, les centrales syndicales affichent un discours pessimiste sur l'aboutissement du dialogue social. Mais, si la cause est la même pour l'ensemble des travailleurs, les syndicats agissent en ordre dispersé pour faire valoir leur cahier revendicatif, presque le même. La pression est au maximum sur le gouvernement qui n'a plus de temps pour désamorcer la crise. L'heure est au bilan. Le premier mai a toujours été une étape pour évaluer les acquis de la classe ouvrière. Au Maroc, le bilan est mitigé. Les centrales syndicales s'accordent pour le juger très insuffisant au moment où le gouvernement parle d'acquis consistants. Ainsi, du côté des syndicats, le ras le bol est le même chez l'Union marocaine de travail (UMT), qui a le credo d'être un syndicat indépendant, mais aussi chez les syndicats proches de l'opposition, à l'instar de la Confédération démocratique du travail (CDT) et de l'Organisation démocratique du travail (ODT), mais aussi de l'UNMT, syndicat proche du PJD. Pour l'UMT, la fête du 1er mai a été placée sous le slogan des revendications. Le fer de lance de la centrale syndicale de Mahjoub Benseddiq n'est autre que l'amélioration du pouvoir d'achat qui a subi des pertes conséquentes ces dernières années. L'UMT revendique ainsi la hausse du SMIG à 3000 DH, la réforme du régime général des salaires et l'application de l'échelle mobile. Le ras le bol de l'Organisation démocratique du travail est encore plus grave. L'Odt estime que le dialogue social se trouve dans l'impasse et préfère recourir à l'arrêt du travail pour faire valoir les droits de la classe ouvrière. La date de cette grève générale a été fixée pour le 14 mai. Cette décision annonce que l'été social sera chaud cette année. La Centrale syndicale de Noubir Amaoui a opté, elle aussi, pour l'escalade. Le dernier conseil national de la CDT a, effectivement, décidé d'organiser des marches de contestation pour protester contre ce qu'elle appelle le laxisme du gouvernement dans la conduite du dialogue social. Les prérogatives de fixer la date de ces marches ont été laissées aux soins du bureau exécutif. Les critiques des centrales syndicales, proches des partis politiques de la majorité gouvernementale, ne sont pas moins virulentes quant aux résultats du dialogue social. Le conseil général de l'UGTM, syndicat du premier ministre Abbas El Fassi, est allé jusqu'à annoncer le boycott des festivités du premier mai pour protester contre les réalisations du dialogue social. Mais, venant d'un Hamid Chabat, s'assimilant, lui-même, plus à un patron plus qu'à un travailleur, s'abstenir de participer à la fête internationale des travailleurs a un goût de provocation idéologique. Mais, on ne peut savoir s'il est destiné à l'adresse des festivités du premier mai ou à Abbas El Fassi, patron de l'Istiqlal. Quant à l'autre grand syndicat proche de la majorité gouvernementale, à savoir la Fédération démocratique du travail (FDT), elle met en doute même la question de l'institutionnalisation du dialogue social. Dans une question orale adressée à la Chambre des conseillers, le groupe de la FDT fustige l'absence de volonté d'assainir le climat social, matériel et moral des travailleurs. «Nous attendions que la session d'avril du dialogue social, convenue en accord entre le gouvernement et les centrales syndicales, permette l'institutionnalisation du dialogue social», souligne les Fdtistes qui rappellent qu'une seule cession consultative méthodologique a eu lieu au mois d'avril. Même l'annonce d'organiser une nouvelle session de dialogue dès le début du mois de mai donne l'impression que le gouvernement n'a rien à donner à la classe ouvrière, apprend-on du côté du syndicat de Abderrahmane El Azzouzi. Mais, la situation est plus grave encore. C'est la confiance entre les centrales syndicales et le gouvernement qui a été entamée. En annonçant les résultats du dialogue social de façon unilatérale, le gouvernement a essayé de mettre les syndicats devant le fait accompli. Les résultats sont positifs. Effectivement, le principal acquis reste la suppression des échelles de renumérotation de 1 à 4 qui concernent aussi bien les fonctionnaires du secteur public que ceux des collectivités locales. Le salaire minimum est, ainsi, passé de 1.560 Dirhams à près 2.400 dirhams à partir du premier janvier 2010, avec effet rétroactif à compter du premier janvier 2008. Cette mesure a bénéficié à 47.500 fonctionnaires. Parallèlement, le gouvernement avait adopté une indemnité mensuelle nette de 700 DH pour l'affectation dans les zones éloignées et difficiles et du relèvement du quota de la promotion interne des fonctionnaires de 22 % à 28%. Ces mesures ont été jugées insuffisantes par les centrales syndicales qui mobilisent leurs adhérents pour faire du premier mai une journée revendicative au lieu d'être une journée de fête pour des acquis déjà réalisés. Le gouvernement a toujours attendu le premier mai pour annoncer de nouvelles mesures. Mais encore, ce sera également des annonces unilatérales qui ne rentrent pas dans le cadre du dialogue social. Le cap restera, ainsi, maintenu vers l'escalade.