Le paiement électronique en tant que solution de lutte contre l'informel et le blanchiment d'argent ! Le point de vue des participants au «Forum de la monnaie et du paiement électronique en Afrique francophone» tenu le 20 mars 2012, semble pour ainsi dire converger. «Quand on parle de la problématique du paiement électronique au Maroc, il serait opportun d'évoquer avant tout les enjeux de notre économie nationale et l'informel notamment», déclare d'emblée Mohamed Horani, président directeur général de HPS, avant d'ajoute: «aujourd'hui, 37% de notre économie est en relation avec l'informel». Ce qui revient à dire que 37% des transactions d'achat de biens et de services se font au niveau des circuits parallèles. D'où l'énorme manque à gagner pour l'Etat et pour les opérateurs économiques. Pour Horani, la formalisation de cette économie s'apparente au premier abord aux prestations électroniques via le mobile. «Il existe aujourd'hui près de 39 millions de mobiles pour seulement près de 34 millions de Marocains», note Horani. Au vu de ce constat, il devient donc plus facile de mettre à disposition de la population qui échappe au circuit formel, des moyens de paiement modernes. «Ce qui va les amener, de surcroît, à se formaliser et à faire évoluer leur commerce», souligne-t-il. La problématique du paiement électronique ne peut donc être dissociée des autres enjeux de l'économie. Encore faut-il savoir adopter une réglementation viable, afin de maîtriser le risque systémique que peuvent causer les transactions électroniques. D'autant plus que ce type de paiement n'est plus du ressort des établissements bancaires. D'où la nécessité de verrouiller la sécurisation des transactions électroniques. «La généralisation de ce type de paiement se concrétise de jour en jour. C'est un processus qui a été enclenché et il est irréversible» soulève Horani. Pour Hakima El Alami, responsable du service de surveillance des moyens de paiement à Bank Al-Maghrib, «les avantages du développement du paiement électronique sur le marché, a été confirmé par le rapport de la commission européenne de 2010, relevant qu'il existe une grande corrélation entre l'informel et le paiement électronique». Plus les transactions de paiement électronique augmentent plus le niveau d'informel baisse significativement. «Bank Al Maghrib œuvre actuellement dans l'optique d'une diminution de la circulation de cash et d'une augmentation des moyens scripturaux», souligne El Alami. Même son de cloche pour Mohamed Touhami Ouazzani, directeur général de Visa Afrique francophone, pour qui l'existence d'une forte corrélation entre la baisse de l'économie informelle et l'augmentation du volume des transactions électroniques est sans équivoque. Preuve en est, cette étude menée durant 5 ans en Roumanie qui confirme le même constat. La culture du cash, véritable frein Pour Bank Al-Maghrib, l'augmentation des moyens scripturaux de paiement fait diminuer de facto la part du cash dans le volume global des transactions. D'autant plus que le cash génère des coûts de gestion relativement importants. «15% des coûts de gestion des moyens de paiement sont alloués au traitement de la monnaie fiduciaire. Ce coût contribue à développer davantage le cash au détriment du paiement électronique», relève El Alami avant d'ajouter que «c'est vrai qu'on constate aujourd'hui une croissance à 2 chiffres concernant le développement des cartes bancaires, mais les transactions qui se font par le biais de ces cartes ne représentent que 10% en nombre, et 16% en volume», révèle Hakima El Alami. Dans ce sens, les cartes bancaires sont davantage utilisées pour le retrait que pour le règlement des différentes opérations monétiques. Parmi les raisons de la faiblesse du paiement électronique dans le volume global des transactions, figure la culture bien encrée du cash chez les Marocains. S'y ajoute le réseau d'acceptation des cartes bancaires qui est relativement réduit. «Notons que le montant élevé des commissions pour les professionnels constitue un frein à l'expansion de ces modes modernes. Certains parmi nous ont d'ailleurs fait parvenir des doléances en rapport avec la cherté des commissions», souligne El Alami. Pour la responsable du service de surveillance des moyens de paiement, il s'agit de développer d'abord le marché du paiement électronique avant d'évoquer la problématique des moyens utilisés pour y parvenir. Pour ce faire, «il est impératif que d'autres acteurs viennent se joindre aux établissement de crédit. Ces acteurs vont permettre d'accentuer la compétitivité entre les opérateurs du marché en terme de coûts et cela profitera au final aux utilisateurs», soulève El Alami. Ainsi, les nouveaux acteurs permettraient d'élargir la gamme de produits offerte et également d'adapter l'offre aux besoins de la clientèle. Il s'agit également d'établir des règles prudentielles adaptées à ces nouveaux intrants, afin de maîtriser le risque généré par les opérations de paiement électronique et d'offrir à la clientèle des moyens de paiement sécurisés et crédibles. Le développement des moyens de paiement électronique va donc de paire avec la vision de Bank Al-Maghrib pour lutter contre le blanchiment d'argent, ainsi que le financement du terrorisme, étant donné que ce type de paiement permet une véritable traçabilité des transactions. Le retrait d'espèces, première utilité des cartes bancaires Selon le rapport annuel de BAM sur les moyens de paiement, la tendance à la hausse du nombre de cartes a été confortée en 2011». L'encours des cartes s'est en effet élevé à plus de 8 millions d'unités, soit une augmentation de 13,6% par rapport à 2010. «Les cartes Visa représentent près des deux tiers de cet encours avec plus de 4,9 millions de cartes, suivies par les cartes CMI et privatives avec respectivement 1,5 million et 1,1 million d'unités en circulation, les cartes MasterCard ne représentant, quant à elles, que 5% de parts de marché en 2011», relève Bank Al-Maghrib. En revanche, les retraits d'espèces ont continué de représenter l'essentiel des opérations effectuées par le biais des cartes bancaires. Le nombre de retraits effectués au Maroc par des cartes émises ou gérées par les établissements de crédit marocains a atteint, en 2011, près de 162 millions d'opérations, correspondant à une valeur cumulée de 138 MMDH, contre 139 millions d'opérations pour une valeur de 117,7 MMDH en 2010.