Depuis le début de cette année, les contrats de prêt signés entre le ministère des Finances et des institutions financières internationales fusent. Au point que des inquiétudes commencent à poindre sur la soutenabilité des finances publiques. Cette notion s'intéresse d'ailleurs à la capacité de l'Etat marocain à rester solvable, c'est-à-dire à conserver des marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour honorer ses engagements. Cette question s'impose d'une manière pressante au regard des indicateurs affichés. D'abord, au niveau de la dette actuelle (extérieure surtout) qui selon des économistes, risque de contraindre fortement la conduite de la politique économique. En d'autres mots, le risque que la montée de l'endettement finisse par peser sur la croissance de l'économie marocaine serait nettement accru. D'autre part, le MAVT (Marché d'adjudication des valeurs du Trésor) introduit en 1989 comme étant un mécanisme qui permet à l'Etat de mobiliser des ressources financières à moindre coût et de dynamiser le marché monétaire est susceptible d'être affecté par la crise des sous-liquidités du marché bancaire. C'est ce qui a d'ailleurs poussé le Maroc vers la fin de l'année dernière à recourir à l'endettement sur le marché international. Cette levée 1,5 milliard de dollars a renforcé malgré les remboursements l'encours de la dette extérieure de 16% à 115,6 MMDH, soit 13,6% du PIB. À noter que la dette extérieure du royaume est contractée pour plus de 50% de son stock auprès des institutions internationales à des conditions globalement avantageuses. Le reste étant constitué de dettes bilatérales (environ 30% du stock) notamment auprès des pays de l'UE et de dettes contractées auprès des marchés financiers internationaux (environ 15% du stock). Par rapport à ce type d'emprunts dédiés à résoudre des problématiques d'équilibre des finances publiques, les économistes sont unanimes. Dilemne La dette publique ne saurait être limitée à une composante de la contrainte budgétaire de l'Etat. En considérant ses effets sur la constitution et la distribution des revenus, le gouvernement ne devrait pas en fixer une approche quantitative au titre d'une règle de gestion des soldes budgétaires. L'évolution de l'encours de la dette devrait être plutôt déterminée en fonction des objectifs de la politique économique. «L'endettement pour le financement de l'investissement et des projets sociaux est acceptable, mais il n'est plus question de contracter des emprunts pour la couverture des dépenses de fonctionnement par exemple», a tenu à préciser Mohamed Berrada, président du centre Links. Toute l'importance aujourd'hui est de résoudre de manière structurelle la problématique du déficit public qui a atteint 7,1% en 2012, contre 6,2% un an plus tôt. Cette situation risque de s'aggraver dans le futur. Même le recours au marché international ne permettrait pas de la contenir. Idriss El Azami El Idrissi, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des finances, chargé du budget, temporise, «la dette du Maroc est principalement intérieure, nous sommes dans une logique de 80% de dettes d'origine interne et 20% d'origine externe. Tout ce qui est mobilisé depuis le début de l'année s'inscrit dans le cadre de l'autorisation parlementaire. Il s'agit d'un plafond pour le financement des infrastructures socio-économiques que ne nous pouvons pas dépasser», a-t-il rétorqué. Ceci laisse entendre que les contrats de prêt signés depuis le début de l'année s'inscrivent dans le cadre de la programmation des budgets des différents départements ministériels au niveau de la loi de finances 2013. Il n'en demeure pas moins que la dette extérieure publique marocaine est en hausse. Les institutions internationales de développement constituent le groupe de créanciers le plus important, avec une part de 51,8% de cette dette. Dans ces conditions, les économistes ne cessent de tirer la sonnette d'alarme. «Les déséquilibres financiers externes sont liés aux déséquilibres internes. Sans réformes structurelles courageuses, sans réduction rapide des charges de compensation, ne serait ce qu'au niveau des produits pétroliers, on risque de voir notre endettement intérieur et extérieur s'envoler et revenir peu à peu à une situation économique et financière similaire à celle que nous avions connue dans le passé», avertit Mohamed Berrada. Mohamed Berrada, Président du Centre Links et ex-ministre des Finances «Si un système économique est malade, cette maladie est à traiter en profondeur» Les ECO : La dette extérieure du Maroc demeure à des niveaux tolérables, mais ces derniers mois sont marqués par la multiplication des emprunts accordés au Maroc par les institutions financières internationales. Comment voyez-vous l'accélération du rythme d'endettement du Maroc ? Mohamed Berrada : Par rapport à l'endettement extérieur du Maroc, il y a lieu de faire la distinction entre deux types d'institutions internationales. D'abord, celles qui accordent des prêts dédiés au financement du développement telles la Banque mondiale, la BERD, la BID ainsi que les institutions régionales arabes telle la FADES. Si les prêts sont orientés vers le développement des projets économiques et sociaux, il n'y aura pas de danger sur les finances publiques. En d'autres termes, si ces dettes sont dédiées au financement de l'infrastructure et des secteurs comme l'agriculture ou la santé, le recours à ces emprunts est louable, sachant que cette dynamique fait jouer l'effet de levier. Le deuxième type d'endettement porte sur les prêts qui ne sont pas directement affectés au développement de l'économie, mais qui permettent de procéder à des ajustements en cas de problème de trésorerie. À ce niveau, le Maroc, après avoir obtenu une ligne de crédit de 6,2 milliards de dollars auprès du FMI, a pris des précautions. Ainsi, en cas de problèmes de réserves de change, le Maroc peut y recourir. Il est à préciser que ce type de lignes de précaution et de liquidité est accordé aux pays menant de bonnes politiques économiques mais qui peuvent être confrontés à un contrecoup de tensions économiques et financières au niveau régional ou mondial contre lequel ils souhaitent être protégés. À quel moment l'endettement peut-il représenter un risque pour les finances publiques ? Le risque d'aggravation de l'endettement du Maroc augmente lorsqu'on recourt au FMI ou à des banques internationales pour renflouer les caisses et gérer temporairement la problématique des réserves de change. Si un système économique est malade, cette maladie est à traiter en profondeur. Le Maroc a intérêt à trouver des solutions structurelles au déficit du Trésor et au déficit de la balance des paiements. Comment jugez-vous le niveau actuel de la dette extérieure du Maroc ? La dette extérieure du Maroc demeure à des niveaux tolérables. Dans les années 80, elle a atteint des records en frisant les 130% du PIB contre près de 30% aujourd'hui. Pour dire que la dette n'est pas élevée. Le Maroc a toujours une marge de manœuvre en matière d'endettement.