La campagne électorale qui tire vers sa fin est rythmée par des accusations d'achat de voix et des actes de violence... Les principaux partis en lice misent autant que faire se peut sur la proximité, mais aussi sur les réseaux sociaux. Le compte à rebours est enclenché pour les élections législatives, régionales et communales, organisées dans un contexte particulier qui a déteint sur la campagne électorale. Fini les grands meetings électoraux à cause des mesures sanitaires contre la Covid-19. Le ministère de l'Intérieur a été on ne peut plus clair sur cette question, avant même le lancement de la campagne électorale. Or, force est de constater que les consignes de ce département qui supervise les élections n'ont pas été respectées à la lettre par certains partis et candidats qui ont largement dépassé 25 personnes dans leurs rassemblements et 10 dans leurs tournées de terrain. Les caravanes électorales ont aussi parfois dépassé cinq véhicules. Il s'avère, en effet, difficile pour les partis de limiter les contacts directs et l'action de proximité au cours de cette période décisive, d'après plusieurs acteurs politiques. Chaque formation partisane essaie autant que faire se peut de favoriser la proximité en contactant la population tant dans le milieu urbain que rural. Les chefs des principales formations politiques en lice pour les premières places ont pris leur bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole auprès des électeurs dans diverses régions et circonscriptions, à commencer par celles où ils sont candidats. Ils ont aussi marqué leur présence dans différents supports médiatiques pour non seulement expliquer la vision et les engagements de leurs partis mais aussi pointer du doigt certaines pratiques qui entachent la campagne électorale en cours. Il s'agit notamment d'accusations d'achat de voix. Le Chef de gouvernement et secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Saad Dine El Otmani, a dénoncé le recours à « une pluie d'argent » dans plusieurs circonscriptions pour attirer les électeurs, mettant en garde contre l'utilisation massive de l'argent sale. Même son de cloche auprès du numéro 1 du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Nabil Benabdellah. A peine la campagne électorale entamée, le patron des progressistes n'a pas hésité à indiquer que l'utilisation de l'argent et la corruption sont sans précédent dans les circonscriptions, précisant qu'il s'agit « d'une dérive inquiétante pour le processus démocratique ». Abondant dans la même veine, le Parti authenticité et modernité a également dénoncé « le recours massif » à l'argent durant la campagne électorale. Suite à ces accusations, une plainte contre X a été déposée par l'Association marocaine de protection des biens publics auprès du président du Ministère public pour que la justice entende Saad Dine El Otmani ainsi que les secrétaires généraux du PAM et du PPS. L'AMPBP estime que de telles déclarations portent atteinte à l'intégrité et à la crédibilité des élections et aux principes constitutionnels liés à la transparence, à la concurrence et à l'égalité, d'autant plus qu'elles ont été émises par le Chef de gouvernement. L'expérience montre qu'au lendemain des élections, la justice fait tomber quelques élus ayant recouru à l'argent pour l'achat des voix des électeurs. Rappelons que le juge d'instruction peut ordonner la mise sur écoute des appels et télécommunications dans le cadre d'affaires liées aux élections. Cette procédure a déjà fait ses preuves durant les expériences électorales précédentes. Toutefois, à elle seule, cette mesure ne permet pas de détecter une grande partie des cas de corruption, de l'avis de certains acteurs politiques qui précisent que le recours à l'argent sale échappe même au système d'observation des élections. En 2016, les observateurs du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) ont pu détecter 37 cas seulement d'utilisation de dons et libéralités en vue d'influencer le vote dont 22 cas concernent la distribution des dons en argent et 15 en nature. Selon le CNDH, les dons et les libéralités en nature se ramènent à des promesses d'emploi, à l'achat de médicaments, à la distribution de sacs de blé et d'orge, à des bons d'achat de fournitures scolaires, ainsi que des montants variant entre 300 et 500 dirhams. Ce sont des infractions sévèrement punies par la loi. L'article 100 du Code électoral est très clair en la matière : «Est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 50.000 à 100.000 dirhams quiconque a obtenu ou tenté d'obtenir le suffrage d'un ou de plusieurs électeurs par des dons ou libéralités, en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs d'emplois publics ou privés, ou d'autres avantages, en vue d'influencer leur vote, soit directement soit par l'entremise d'un tiers, ou ayant usé des mêmes moyens pour amener ou tenter d'amener un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter». Ces peines s'appliquent aussi à ceux qui ont accepté ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses ainsi qu'à ceux qui y ont servi d'intermédiaire ou y ont participé. En effet, la transparence des élections est une responsabilité partagée entre le candidat et l'électeur. A ce titre, nombreux sont les appels qui sont lancés durant cette campagne pour sensibiliser les citoyens au danger de la corruption dans les élections. Le changement de la culture électorale s'impose en effet. Certains candidats se sont plaints du fait que ce sont les électeurs qui leur demandent de l'argent pour voter pour eux. Par ailleurs, la campagne électorale en cours n'a pas dérogé à la règle en matière de recours à la violence. On peut citer notamment les scènes de violence qui se sont déroulées à Ouled Azzouz, dans la province de Nouaceur, entre des partisans du Rassemblement national des indépendants et ceux du PAM, qui ont causé des pertes matérielles. D'autres actes de violence ont éclaté dans plusieurs circonscriptions. D'aucuns soulignent que cette situation est due au recours aux services payants de personnes qui n'ont rien à voir avec le militantisme dans les tournées électorales. Aucune exigence ne semble être requise pour les recrues durant la campagne électorale. Certains candidats n'hésitent pas à recourir aux enfants dans leur campagne même si cette pratique est éthiquement inacceptable et devra être interdite, selon le CNDH. Publicité digitale : le RNI en tête Compte tenu des restrictions dues à la crise sanitaire, les principales formations partisanes ont misé sur le digital. Vidéos de promotion, diffusion en direct des meetings, conférences à distance… Tous les moyens numériques sont bons pour atteindre les électeurs. Certains partis politiques sont plus présents que d'autres sur les réseaux sociaux. La concurrence en ligne est rude particulièrement entre le RNI, le PJD, l'Istiqlal et le PPS. Le financement de la campagne digitale varie d'un parti à l'autre. Selon les données officielles du Facebook, le RNI arrive de loin en tête des formations politiques en termes de publicité ( y compris Instagram) avec 34.878 dollars américains du 25 août au 31 août, suivi du parti de l'Istiqlal qui a dépensé quelque 6.007 dollars, puis du PPS ( 2.000 dollars) et de l'Union constitutionnelle ( 712 dollars). Le PJD arrive en cinquième position sur cette même période avec 438 dollars en une semaine, talonné de près par l'USFP (347 dollars). Si on prend en considération les données publicitaires de Facebook pendant un mois (du 2 au 31 août), il parait clairement que le parti de la colombe mise beaucoup sur les réseaux sociaux. Les dépenses publicitaires du RNI sur Facebook durant cette période sont de 104.040 dollars contre 11.091 dollars pour l'Istiqlal, le second parti en termes de dépenses publicitaires sur ce réseau. Quant au PAM, il n'accorde visiblement aucun intérêt à la publicité sur Facebook. Jihane Gattioui / Les Inspirations ECO