Transparence, respect des dispositions juridiques, concurrence loyale... Autant de défis pour les partis politiques, lors de la campagne électorale en cours. Les défis sont de taille pour les «grandes» formations politiques qui se disputent la première marche du podium. Analyse.. Les dés sont désormais jetés en termes d'accréditations ! Les partis politiques ont choisi, parfois tant bien que mal, leurs candidats aux élections communales, régionales et législatives qui se dérouleront, cette fois-ci, le même jour. Les défis sont de taille, à commencer par l'enjeu de mener à bien la campagne électorale qui vient de démarrer et qui se déroule dans un contexte inédit, marqué par les restrictions sanitaires. Les dernières consignes du ministère de l'Intérieur sont, en effet, on ne peut plus claires pour éviter la propagation du virus, selon nos sources. Il s'agit notamment de l'interdiction d'organiser de grands rassemblements dans les lieux fermés ou ouverts. Les candidats ne doivent pas dépasser, lors de leurs meetings, une assistance de 25 personnes. Les tournées de terrain doivent se limiter à dix personnes et les caravanes électorales à cinq voitures. Le contact direct avec les électeurs est ainsi -une fois n'est pas coutume- réduit au strict minimum, à la grande déception des dirigeants politiques qui estiment que les réseaux sociaux ne remplaceront jamais l'échange direct avec les citoyens. En tout cas, toutes les formations sont dans le même bateau et doivent faire avec les moyens de bord, tout en évitant tout ce qui pourrait faire l'objet de recours après les élections. Il faut dire que les récents changements législatifs faciliteront la tâche aux candidats. Rappelons à cet égard que les partis politiques sont parvenus, dans le cadre de la réforme électorale, à abroger la disposition interdisant l'utilisation de certains symboles nationaux dans la campagne électorale qui conduit dans certains cas à l'annulation des élections. Il n'est donc plus interdit d'utiliser l'hymne national et le portrait officiel du souverain installé dans les salles accueillant les réunions électorales à l'occasion des campagnes électorales. Cette nouvelle disposition limitera le nombre de recours après les élections. La Cour constitutionnelle avait, par le passé, invalidé l'élection de plusieurs sièges parlementaires à cause de l'utilisation de ces symboles. Toutefois, l'interdiction est maintenue pour les symboles religieux. La plupart des partis politiques sont contre l'exploitation de la religion à des fins politiques au niveau tant du discours lors des campagnes électorales que de l'utilisation des lieux de culte et des symboles dans les tracts électoraux. La transparence, un enjeu fondamental Par ailleurs, la transparence des élections est érigée en tête des défis à relever. Cette responsabilité est partagée par les candidats, les partis, les pouvoirs publics ainsi que les citoyens, de l'avis de plusieurs dirigeants politiques. Toutes les parties concernées sont appelées à respecter les dispositions légales garantissant la transparence et la crédibilité des opérations électorales. A ce titre, quelques chefs de partis politiques saisissent, chaque occasion, pour pointer certaines pratiques négatives qui décrédibilisent l'opération électorale, dont notamment l'utilisation de l'argent pour l'achat des voix. La seule solution pour limiter l'ampleur de cette pratique, selon certains politiciens, est le vote massif des citoyens pour ne pas laisser la corruption dominer dans les élections. Du côté de l'administration, des garanties sont mises en place par l'Etat pour assurer la transparence des élections et leur bon déroulement. Le ministère de l'Intérieur est appelé à davantage de neutralité de la part de certains acteurs politiques pour éviter les pratiques ayant entaché les précédentes élections. Il faut dire qu'en dépit des mesures mises en place pour le renforcement du système d'observation des élections, l'administration a été pointée du doigt en raison des cas constatés d'utilisation des moyens et du matériel publics et d'intervention des représentants des autorités publiques dans le déroulement de la campagne électorale. Mais, force est de constater que ces cas ont été limités lors des précédentes législatives, selon les données du Conseil national des droits de l'Homme. Lors des élections de 2016, le CNDH avait relevé des cas d'utilisation des moyens ou du matériel appartenant à l'administration ou aux autres entités publiques, mais leur nombre ne dépasse pas 0,9% de l'ensemble des cas observés (moyens de transport, des chaises et tapis appartenant aux collectivités territoriales). Les cas d'immixtion des représentants des autorités publiques dans le déroulement de la campagne n'ont pas dépassé aux précédentes législatives 0,3% et sont en général attribués aux auxiliaires d'autorité, et des fonctionnaires communaux. Une rude concurrence L'espoir est de mettre totalement fin à ces pratiques, lors de cette campagne électorale, et de favoriser la concurrence loyale entre les différents partis politiques, notamment les « grandes » formations qui espèrent arriver en tête du peloton. Les enjeux sont en effet stratégiques pour certains partis qui nourrissent l'ambition de diriger la prochaine coalition gouvernementale. D'après les observateurs, si personne ne peut prédire les résultats des prochains scrutins qui pourraient être marquées par de grandes surprises, il n'en demeure pas moins que la concurrence sera on ne peut plus rude entre quatre formations partisanes qui se disputeront la première place (le PJD, le PAM, le RNI et l'Istiqlal). Le Parti de la justice et du développement, qui est aux commandes depuis une décennie, émet le souhait de briguer un troisième mandat à la tête du gouvernement. Un objectif qui est jugé accessible selon les frères de Saad Dine El Otmani, malgré les critiques acerbes à l'égard de la gestion du gouvernement et de la coalition gouvernementale. Néanmoins, d'après certains analystes politiques, les chances du PJD d'occuper la première marche du podium seraient, cette fois-ci, limitées, d'autant plus que plusieurs ténors du parti ont préféré se mettre en retrait lors de ces élections. En tout cas, il est certain que son score chutera aux élections législatives à cause du nouveau quotient électoral qui réduira les écarts entre les grands partis politiques. La première formation politique ne dépassera pas 85 sièges aux législatives, selon les pronostics. Tout comme le PJD, le PAM aura moins de sièges à la Chambre basse. L'objectif affiché par le parti du tracteur est d'occuper la première place aux élections législatives. Une ambition affichée, à plusieurs reprises, par le secrétaire général du parti, Abdellatif Ouahbi. En 2016, le parti du tracteur est arrivé second avec 102 sièges, mais dans un contexte différent et avec une équipe différente. L'enjeu pour cette formation qui a décidé de tourner la page de son passé et de sa création, est de pouvoir garder la même position au sein de l'échiquier politique ou de faire mieux. Quant au Rassemblement national des indépendants, il semble déterminé à reproduire le scénario des élections professionnelles même si l'expérience démontre que ces élections ne sont pas un indicateur pour les législatives en raison de la nature des candidats et des électeurs. Le RNI ambitionne de détrôner le PJD en vue de diriger le prochain gouvernement. Un scénario qui reste plausible, d'après les observateurs. Pour sa part, le parti de l'Istiqlal n'est pas moins ambitieux. Il espère reconquérir les grandes villes qu'il a perdues aux dernières élections et retourner en force aux commandes des instances élues, en vue de mettre sur les rails son programme électoral. Les héritiers de Allal El Fassi voient en leur chef de file, Nizar Baraka, un futur chef de gouvernement. S'agit-il d'un vœu pieux en raison de la concurrence acharnée entre les partis ou d'un objectif réalisable ? Il reste moins de deux semaines pour découvrir qui des grands partis dirigera la prochaine équipe gouvernementale. Ces quatre formations pourront sceller une alliance post-électorale. Aucune d'elle n'a en effet de lignes rouges en matière de coalitions, malgré les passe d'armes entre certains de leurs membres. D'autres partis pourront compléter l'alliance gouvernementale. Il s'agit notamment de l'USFP qui espère renaitre de ces cendres lors des prochaines élections. Le premier secrétaire du parti de la rose, Driss Lachguer a même affiché l'ambition d'arriver premier aux élections. Le PPS souhaite, lui aussi, améliorer son score, tout en restant réaliste quant à son positionnement aux législatives. Quant au Mouvement populaire, il espère faire mieux aux élections de 2021 et retrouver son poids électoral d'avant 2007. Jihane Gattioui / Les Inspirations ECO