Salaheddine Mezouar, Président du RNI Les Echos quotidien : Le gouvernement vient présenter son projet de loi de finances 2013. Comment jugez-vous ce projet dans sa globalité ? Salaheddine Mezouar : C'est un projet qui en a déçu plus d'un. La majorité elle-même, avant l'opposition. Mais avant tout, il a déçu le peuple marocain, parce que c'est un projet de loi de finances qui ne traduit rien étant donné qu'il n'a pas de cohérence et ne donne pas de visibilité. C'est un projet qui manque d'imagination. Il ne cadre pas avec les attentes des citoyens et les priorités du pays. Forcément, il y a un sentiment de déception profond, mais c'est également le reflet du fait que le gouvernement n'a ni stratégie, ni programme, ni vision. En somme, un gouvernement qui n'a de cela que le nom et encore... Nous l'avions déjà dit quand ce gouvernement a présenté son soi-disant programme et sa déclaration. Il faut un programme, il faut une priorité. Quelles sont selon vous les difficultés que le gouvernement a rencontrées lors de l'élaboration de ce projet ? Les premières difficultés rencontrées lors de l'élaboration de ce projet de loi de finances, surtout que le gouvernement n'a pas de stratégie ni de priorités, sont l'incapacité à donner une cohérence et à insuffler une sérénité nécessaires dans un contexte comme celui-ci. De plus, l'aspect budgétaire a prévalu sur l'ambition et la vision économique. On a beaucoup plus cherché à atteindre l'équilibre économique par des taxations et des mesures économiques sans cohérence. Cela montre plutôt une cacophonie et un amateurisme dans la manière de faire. Le gouvernement a essayé de passer tout cela sous la couverture de la solidarité, mais personne n'est dupe. Ainsi, il est incapable de réduire les dépenses, le gouvernement a plutôt cherché du côté des recettes, mais il lui fallait les justifier. Sa justification était donc la solidarité. Personne n'est contre la solidarité, mais «charité bien ordonnée commence par soi-même». Le gouvernent devrait réduire le salaire des ministres de 30 % et on lui a même demandé une baisse de 30 % des indemnités des parlementaires. Ce sont les signaux que nous devons donner au peuple si nous voulons que ce dernier croit à ce principe de solidarité avancé dans le cadre la loi de finances. C'est un ratage qui va coûter très cher au pays. Certains estiment que les indicateurs avancés laissent entrevoir une certaine lueur d'optimisme. Qu'en pensez-vous ? Au vu de la substance de cette loi de finance, tout peut arriver. Elle n'amène pas une réponse au problème de l'emploi. En outre, il y a le problème du financement de l'économie, mais ce texte ne donne pas de réponses, ni de mesures claires. Notons également qu'il existe une fragilité territoriale des régions les moins développées et qu'aucune stratégie n'est mise en place par rapport à cela. Le déficit extérieur pour sa part ne dispose pas non plus de mesures innovantes ou d'initiatives. Au vu de tous, grâce à la pluie, on peut sauver l'année. Néanmoins, avec une économie fluctuante et un manque de confiance des opérateurs, le circuit économique ne retrouvera pas la dynamique nécessaire. Je pense donc que nous allons vivre encore une année 2013 très difficile. Le gouvernement compte opérer une sortie sur le marché financier international. Est-ce que le contexte mondial actuel est favorable pour une telle sortie ? Le gouvernement n'a pas le choix. Il doit recourir à l'emprunt à l'international, en raison de la pression sur les liquidités et du ralentissement de l'économie. Mais il faut faire attention car la baisse de la notation est un signe sérieux. Cependant, il ne présente pas de perspectives comme on l'a fait en 2010. En 2010, nous avions donné de la visibilité et de la confiance et grâce à cela, nous avons pu lever facilement des fonds d'un milliard d'euros sans difficulté avec un taux faible de l'ordre de 4,5 %. J'espère que le recours à la «zone dollar» permettra d'arriver à avoir un certain nombre de soutiens et à obtenir un financement à des conditions correctes.