«Nous sommes les principaux investisseurs sur ce marché et nous ferons tout pour le rester, malgré nos difficultés conjoncturelles». Juan Rosell, le président de la Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales, se veut intransigeant : c'est pour garantir le maintien des investissements espagnols sur le marché marocain - devenu subitement plus stratégique que jamais, pour redonner du souffle à l'offre espagnole - que sa délégation de près d'une centaine d'hommes d'affaires a posé ses valises, hier à Rabat. «Cette crise a poussé nos entreprises à chercher des portes de sortie vers d'autres marchés, et le Maroc présente de grandes opportunités dans ce sens», argue aussitôt, Mariano Rajoy, le chef de gouvernement espagnol. «Nous devons faire très vite et tous les acteurs, institutionnels et opérateurs économiques, devront désormais s'investir dans le développement de nos relations économiques», poursuit le responsable, co-présidant, avec son homologue marocain, les travaux de la dixième édition du sommet de haut niveau entre le Maroc et l'Espagne. Le voisin ibérique a ainsi (re)lancé une offensive renouvelée, remodelée... et les voies de la réussite sont déjà tracées. Elles passeront d'abord par les petites et moyennes entreprises. Selon le patron du privé du voisin ibérique, ces dernières porteront le renouveau de la coopération économique entre l'Espagne et le Maroc, puisque plus flexible que les grands groupes en termes de développement à l'international. Sur le volet des nouveaux secteurs d'activité ciblés, figurent ceux de l'énergie, de la construction, de l'eau et de l'environnnement. «L'augmentation de nos investissements au Maroc est bien sûr liée au développement de notre présence et à la visibilité de l'offre économique espagnole dans les grands projets en cours de développement, dans ces secteurs, au niveau du Maroc». De nouveaux relais de redynamisation des liens commerciaux entre le Maroc et l'Espagne, que le responsable patronal espagnol assujettit toutefois à une amélioration globale du climat des affaires entre les deux pays. Pour ce dernier, il s'agit d'un facteur essentiel pour générer de l'emploi et de la richesse, des deux côtés du détroit. Cela devrait mener directement, selon le responsable espagnol, à des actions concrètes telle qu'une meilleure application de l'accord de double imposition et que les administrations espagnoles et marocaines intensifient les contacts déjà établis à ce propos. Cet appel semble en tout cas avoir trouvé bon entendeur. Pour Miriem Bensalah Chaqroun, la présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc, les enjeux se rejoignent et les ambitions sont énormes. «Cette rencontre intervient dans un contexte régional et international inédit et perturbé, qui exige de nous des approches nouvelles et audacieuses», lâche la patronne des patrons. Joignant l'acte aux beaux discours, toute cette volonté exprimée de renforcement des relations économiques entre les deux pays, devrait se concrétiser à travers la mise en place d'une feuille de route stratégique dédiée. Cette dernière sera constituée d'actions concrètes - en cours de réflexion - qui devraient permettre aux deux parties de se donner mutuellement les moyens de leurs ambitions. Un projet vu d'un très bon œil par certains patrons marocains, et qui devrait - enfin, après une dizaine de sommets - constituer le début du passage des beaux discours aux actes concrets. Il faut dire que la mauvaise conjoncture économique espagnole en a de toute façon créé le besoin. «Nous devons rétablir la confiance pour relancer les relations économiques des deux pays», commente Abdelilah Benkirane, le chef de gouvernement marocain. Des propos qui prouvent que les politiques aideront le business entre les deux pays à reprendre son envol. José Miguel Zaldo, Président du comité hispano-marocain des affaires, CEOE-CGEM. «La crise peut également présenter des opportunités» Les Èchos quotidien : Quelles sont les attentes réelles des entepreneurs espagnols quant à ce 10e sommet d'échanges avec le Maroc ? José Miguel Zaldo : Je constate pour la première fois depuis des années, une prise de conscience unanime du côté des investisseurs espagnols. C'est dire que la majorité des entrepreneurs espagnols commence à comprendre maintenant l'importance de la destination économique marocaine. Cette compréhension était encore très limitée lors des dernières décennies d'échanges commerciaux entre les deux pays. Aujourd'hui, le contraire est en train de se produire. Les entrepreneurs espagnols ont bien perçu les signaux positifs envoyés par l'économie marocaine ces dernières années : la croissance économique est soutenue et le climat des affaires est en amélioration. Le Maroc est l'un de nos premiers partenaires économiques et commerciaux en dehors de l'espace UE et des Etats-Unis. Nous avons donc finalement compris l'importance du royaume pour le développement de notre économie, et je pense que c'est déjà un premier grand pas vers l'accélération des échanges entre les deux pays. Cet aspect marque une différence avec les sommets antérieurs entre les deux royaumes. Cette importance coïncide avec la crise de la dette en Espagne. Devons-nous y trouver un lien ? Non pas forcément. Il est en effet certain que cela gêne la croissance des investissements. Une compagnie espagnole qui souhaite aujourd'hui faire des affaires au Maroc, le fera avec beaucoup de difficultés si l'on sait que cette dernière est confrontée à des réductions de personnel, par exemple, sur le marché espagnol. Cependant, la crise peut également présenter des opportunités. J'espère évidemment aujourd'hui que cette conjoncture difficile passe au plus vite, pour que nous puissions accélérer nos investissements de part et d'autre et développer la coopération de manière globale. Quels secteurs proritaires devraient piloter cette relance ? Je peux citer celui de la logistique, des infrastructures, de l'énergie, particulièrement les énergies renouvelables, les secteurs de l'eau, de l'environnement, mais aussi de la formation et du transfert de savoir-faire. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le royaume est aussi devenu, aux yeux des investisseurs espagnols, une véritable passerelle vers les économies de l'intérieur du continent. Nous sommes aujourd'hui dans cet état d'esprit qui donne un nouvel élan à la perception développée par nos hommes d'affaires vis-à-vis de ce marché.