«Le Maroc a fait d'énormes efforts pour améliorer le milieu des affaires». L'assertion est tirée de l'un des innombrables rapports consacrés à l'investissement au Maroc par l'Institut espagnol du commerce extérieur, ICEX. Considéré comme une «solution optimale à l'heure de chercher à faire des investissements», le Maroc, rappelle l'ICEX, s'accapare 52% des investissements espagnols sur le continent africain. Cette consolidation de la présence du capital ibérique au Maroc n'est pas le fruit du hasard. À coups de campagnes médiatiques, de traitements personnalisés, et à cause -ou grâce- à la crise économique, le royaume est parvenu à redorer son blason auprès des hommes d'affaires du voisin européen. Seulement, certains points noirs continuent de noircir le tableau, si l'on se fie aux témoignages des concernés. José Miguel Zaldo, président du comité d'affaires maroco-espagnol, estime qu'il n'existe pas une opinion unanime sur le climat des affaires au Maroc de la part des entrepreneurs espagnols. «Ceux qui se sont installés et dont les affaires tournent généralement bien sont satisfaits et véhiculent une perception positive, alors que ceux qui ont rencontré des difficultés ont un avis peu favorable, voire négatif». Zaldo explique cela par les retombées de quelques litiges qui se sont ébruités, générant, comme dommage collatéral, un soupçon d'insécurité auprès du milieu d'affaires ibérique. De prime abord, les rapports concoctés par les Chambres de commerce et les organismes, qui se dédient à l'appui de l'internationalisation des entreprises ibériques, font les louanges de la nouvelle terre promise des Ibériques, toutefois, ils ne manquent pas de mettre en relief les zones d'ombres qui se font jour durant le processus d'implantation au Maroc. «Les coûts exorbitants dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications, la lenteur des démarches administratives, une approche de court terme dans les affaires, un concept de productivité différent», énumère un rapport de l'ambassade d'Espagne au Maroc. Certes l'on salue, à l'unisson, le rythme des réformes menées jusqu'à présent, cependant le terrain n'est pas encore parfaitement balisé, prônent les documents qui ont épluché la destination Maroc. Dans un rapport, le think thank espagnol Real Instituto Elcano, par le biais de l'un de ses chercheurs, l'économiste Gonzalo Escribano, passe au peigne fin l'économie marocaine. «Le rythme des réformes macro-économiques était graduel et fragmenté en comparaison avec celui de la stabilisation micro-économique», soutient l'analyse. Le rédacteur reconnaît que le Maroc se range parmi les pays les plus réformistes de la zone méditerranéenne, de l'aveu même de la Banque mondiale et des instances de l'Union européenne, mais «les dimensions institutionnelles des réformes restent insuffisantes», juge t-il. Les critiques pointent du doigt la lenteur de la machine institutionnelle, jugée grippée et peu efficace. «Le hic du système marocain est cette dualité entre les niveaux de libéralisation entrepreneuriale, commerciale et financière (reconnus comme très élevés par l'auteur), face à une intervention et un poids de l'Etat considérés comme modérés». L'auteur appuie sa thèse par l'exemple de la réforme du marché du travail, qui s'est avérée être l'une des réformes les plus douloureuses à mettre en place par les gouvernements successifs, car toute tentative de refonte de cette loi menaçait de déchirer la paix sociale. La justice, une tache ! L'étude ne prend pas de gants à l'heure d'analyser le système judiciaire, décrit comme archaïque et où les juristes pèchent par des lacunes en matière de contentieux des affaires. Un avis partagé par Zaldo qui appelle à lever les doutes sur la sécurité juridique au Maroc pour restaurer la confiance effritée de quelques capitaux espagnols. Quoique d'autres relativisent, comme Pedro Verdasco, directeur général de Trade Maroc consulting TMC, une entreprise de consulting basée à Tanger, au service des entreprises espagnoles et étrangères à la recherche de nouveaux débouchés au Maroc. Pour cet inconditionnel du Maroc, si des cas d'échec ou d'insatisfaction existent, c'est essentiellement la faute à ces entrepreneurs désespérés, qui débarquent au pied levé, à la recherche de la poule aux œufs d'or sur le marché marocain. «Sans planification, ni capacité d'investissement, et méconnaissant les particularités du marché et la culture des affaires du pays, l'échec ne peut qu'attendre au tournant», confie Pedro Verdasco. Auprès des chargés de la promotion de la destination nationale, la satisfaction du travail achevé n'y est pas encore, mais ils peuvent se prévaloir d'avoir avancé, à grandes enjambées dans cette opération d'embellissement de l'image du Maroc auprès de sa cible ibérique. «Notre première mission était de corriger ces perceptions. À travers des visites in situ au Maroc, lors desquelles ces intéressés se sont rendus à des installations ou à des centres de formation pour confronter notre discours à la réalité du terrain », expliquent ainsi les responsables de la représentation madrilène de l'AMDI. Une approche qui s'est avérée payante car si au début les investisseurs se montraient réticents à entreprendre ce voyage, une fois de retour, les doutes se dissipent et ils reviennent décidés à faire le saut. «Cette méthode nous a fait gagner beaucoup de temps et nous avons réussi à conclure plusieurs affaires grâce à ces déplacements», dit-il, le verbe fier. Visiblement, le charme marocain ne laisse personne indifférent, et d'ailleurs comme le résume bien le président du comité des affaires, «au Maroc nous nous sentons comme chez nous, c'est un pays agréable pour les Espagnols». Ali Kadiri, Managing Director de la Caixa, succursale au Maroc «En 2011, nous avons doublé le nombre de nos clients» Les Echos quotidien : Est-ce que la Caixa a ressenti durant les deux dernières années, l'afflux massif des investisseurs espagnols au Maroc ? Ali Kadiri : oui, en tant que banque dont la cible prioritaire est constituée des entreprises espagnoles ayant une activité au/ou avec le Maroc, nous avons accueilli à la succursale plus de deux cent entreprises d'origine espagnole, intéressées par le marche marocain. De ce fait, en 2011, nous avons doublé le nombre de nos clients. Comment la Caixa intervient-elle dans le financement des entreprises espagnoles ? Nous accompagnons nos clients avec une large panoplie de produits et services financiers adaptés à l'entreprise (financement à long et court terme, financement du fonds de roulement, escomptes, cautions, project finance...). Nos prestations de services se distinguent par une extrême personnalisation et une fiabilité et rapidité d'exécution incontestables. Quel serait l'impact de cet engouement des investisseurs espagnols au Maroc sur l'activité de la Caixa pour cette année 2012 ? Très positif, sans conteste. Nous poursuivons notre chemin, convaincus de la pertinence de notre vision et encouragés par l'engouement suscité par les multiples opportunités qu'offre le Maroc aux entreprises espagnoles.