Si les Marocains peuvent parfois penser que les Espagnols ont une fausse image du Maroc, ils se trompent. La preuve ? Ils sont arrivés à faire de notre pays leur 3e marché international. Juste après l'UE et les Etats-Unis, mais bien avant la Chine, l'Inde et le Brésil !Les missions d'hommes d'affaires s'enchaînent en direction de Casablanca, Tanger ou Agadir comme l'ont illustré la foire Andalucia Expo en septembre 2009 à Casablanca, les visites des Canariens à Agadir et plus récemment à Tanger, la tenue d'un séminaire du San Telmo International Institute de Séville et la 11e édition du ECOP, une rencontre maroco-espagnole des secteurs du bâtiment et de la construction.Le San Telmo Institute qui devrait ouvrir une antenne permanente à Tanger d'ici 2011 vient de tenir un séminaire pour dirigeants d'entreprises. Il y a là le directeur marketing d'un fabricant de panneaux solaires comme il y a le chef d'une entreprise de construction au carnet de commandes désespérément vide ; et pour le remplir, il compte sur le marché marocain. Rien ne bat plus ! Thème de la rencontre de 2 jours avec conférenciers de haut vol et visites des infrastructures régionales : «Le Maroc aujourd'hui ; une perspective globale pour les nouvelles opportunités d'affaires». La phrase qui reviendra le plus souvent dans la bouche du vice-doyen du San Telmo Institute, Julio Audican, ou celle du sous-directeur général du Corte Ingles et conseiller de Label Vie José Maria Folache : «Es el momento de Marruecos», c'est le moment du Maroc. Et quand vous demandez à José Miguel Zaldo ce que signifie pour lui «es el momento de Marruecos» et s'il approuve cette manière «lyrique» d'analyser une situation, sa réponse est limpide : «Pour moi, c'est le moment du Maroc depuis 21 ans». Comme quoi, même entre ce qui se dit parfois en public et ce que vivent certains investisseurs, il peut y avoir de la marge ! Zaldo, qui préside le Comité hispano-marocain du patronat espagnol (CEOE) depuis 17 ans, a vu la place du Maroc comme marché d'exportation pour l'Espagne passer de «rien à numéro 3». Nous vendons plus aux Etats-Unis qu'au Maroc, mais plus au Maroc qu'en Chine, au Mexique ou au Brésil. Cela, les Espagnols ne le savent pas, alors il faut leur dire».Zaldo est notamment l'un des promoteurs de la success story de Settavex avec l'actuel ministre des Finances Salaheddine Mezouar, il y a une quinzaine d'années quand Settat était à la mode. Alors quand J.-M. Zaldo, Mohamed Arif Hassani de TMSA ou Jelloul Samsseme du CRI de Tanger-Tétouan parlent, les investisseurs espagnols écoutent. Ces derniers comptent pour 18% du total et le pays est le 2e partenaire économique du Maroc avec plus de 700 entreprises présentes, un gros bureau commercial à Casablanca et à Rabat, sans compter les représentations économiques andalouse, catalane ou valencienne et deux Chambres de commerce à Tanger et Casablanca avec une antenne à Agadir. La proximité, un atout de taille Les investisseurs semblent avoir compris aujourd'hui la «proposition de valeur» que leur fait le Maroc : la proximité géographique et logistique, les ressources humaines et la formation, la qualité des infrastructures, les incitations fiscales, les accords de libre-échange avec les Etats-Unis et plusieurs pays arabes. Une évolution symbolisée par le Centre régional d'investissement, «un interlocuteur unique avec un centre administratif unique » pour l'investisseur.Il est aussi clair qu'en revoyant le contenu de certains de ces accords et en étudiant la manière de réduire les coûts d'énergie, le Maroc ferait un important saut qualitatif.Néanmoins, les Espagnols savent qu'avec les zones industrielles au Nord, la zone industrielle dédiée Ditema dans la Chaouia, les champs agricoles du Souss et du Loukkos, l'infrastructure en consolidation, les accords Union européenne-Maroc et les aides publiques à l'acquisition du foncier ou à la formation professionnelle, il y a de quoi faire de ce côté-ci du détroit de Gibraltar. Prochain rendez-vous le 6 mars à Grenade pour la réunion des patronats européens et marocain à l'invitation des patronats andalou et espagnol. Statut avancé : un atout de taille pour les entreprises et la diplomatie du Maroc Paraphé à Bruxelles en octobre 2009, le statut de partenariat avancé entre le Maroc et l'Union européenne vise à créer les conditions d'une importante convergence entre les deux parties en matière de politique extérieure, de sécurité, de coopération judiciaire, d'énergie ou d'agriculture.Le sommet prévu ce 7 mars à Grenade constitue le premier acte et la première rencontre au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.La veille se tiendra un forum économique UE-Maroc regroupant les représentants des patronats des 27 et la CGEM. Le Statut avancé définit 7 domaines de coopération étroite entre les deux parties, 4 domaines relevant du politique et 3 relevant du domaine économique. Les domaines d'intervention sont ceux, d'une part, de la politique étrangère, de la coopération parlementaire, de la sécurité et de la coopération judiciaire ; et d'autre part, de l'énergie, de la justice et de la mise en place d'un espace économique commun. Entre le 13 octobre dernier et la tenue du sommet de Grenade, les échanges et les critiques entre les deux parties ont déjà débuté sur tel ou tel point du partenariat bilatéral. Ainsi, dans le domaine politique, Bruxelles a déjà exprimé le souhait de voir s'accélérer les réformes engagées par Rabat dans le domaine de la justice ; côté médias, l'ambassadeur de l'UE à Rabat a publiquement regretté la faible participation officielle marocaine à la dernière réunion euro-marocaine sur le sujet à Marrakech, début février. Enfin, sur le dossier agricole, si Bruxelles et Rabat n'ont pas de divergences, en revanche, ils doivent faire face à certains secteurs de la profession en France et en Espagne. Météo stable Mais globalement, le ciel maroco-européen est très dégagé. L'UE est le premier partenaire économique et financier du Maroc tandis que notre pays constitue l'un des premiers débouchés pour les économies de l'Espagne ou de la France. Quelques chiffres : les 2/3 du commerce extérieur du Maroc se font avec les 27,3 millions de Marocains vivant en France, en Espagne, en Italie et au Benelux, 5 à 6 millions d'Européens passent leurs vacances au Maroc chaque année, 1.200 entreprises françaises et 700 entreprises espagnoles y sont installées. L'interdépendance entre les deux parties est forte au moment où le Maroc doit relever de lourds défis sociaux et sécuritaires tandis que l'Europe doit bien contrôler son flanc sud et rester informée sur les mouvements armés autonomes dans la zone du Sahel. Des relations approfondies Dans le cadre du statut avancé, le domaine sécuritaire doit connaître un fort développement. Dans le domaine des affaires, l'année 2012 verra un large régime de libre-échange s'instaurer entre les deux parties, une perspective qui commence à faire craindre le pire pour l'industrie marocaine et pour la balance des comptes extérieurs. Toutefois, la conclusion d'un accord de libre-échange approfondi entre l'UE et le Maroc sera poursuivie ainsi que le soutien à la compétitivité des PME. Là, comme ailleurs, les contraintes budgétaires resteront fortes au moins jusqu'en 2012. Mais les domaines de coopération et d'investissement restent très nombreux, vastes. Les Echos : Cette expression «es el momento de Marruecos», est-ce un slogan ? Jose miguel zaldo : Je ne le dis pas seulement, je le fais depuis 20 ans. Je viens de compiler quelques chiffres sur les exportations espagnoles : après l'UE et les Etats-Unis, le Maroc constitue le 3e débouché des entreprises espagnoles, avant la Chine ou le Mexique ! Pourtant, l'Espagne fait plus d'efforts de promotion vers la Chine, l'Inde ou le Brésil. L'Espagne obtient ses meilleurs résultats au Maroc. À fin novembre 2009, l'Espagne a vendu pour 2,8 milliards d'euros au Maroc, 2,2 au Mexique, 1,8 à la Chine, 1,2 au Brésil et 700 millions d'euros à l'Inde. Quelles perspectives donc pour 2010 ? Nos relations sont très bonnes, elles sont «blindées». Depuis la création du comité hispano-marocain il y a 21 ans, nous avons l'esprit clair : nous séparons le politique de l'économique ; si la politique va bien, tant mieux, c'est ce que nous préférons. Nos relations d'affaires restent indépendantes des relations politiques. Quels secteurs se développeront le plus ? Je ne vois pas de secteur où l'on ne peut rien faire. Mais s'il faut souligner quelques secteurs, je citerais les énergies renouvelables, l'automobile, l'aéronautique, la logistique et l'agro-industrie lorsque le dossier du foncier sera encore plus clair. Le futur du tourisme, de la confection ? Le tourisme, bien sûr, cela va continuer et les chaînes espagnoles viennent de plus en plus. Pour la confection, la situation est critique, mais une solution rapide aux coûts du transport à travers le détroit résoudra beaucoup de problèmes. La confection au Maroc peut encore doubler de taille. Avec le démantèlement douanier, ne craignez-vous pas des conséquences négatives sur le tissu économique marocain? Dans une première étape, nous allons voir une augmentation des exportations européennes vers le Maroc mais le Maroc devrait rapidement voir ses entreprises améliorer leur compétitivité. La balance commerciale est déjà déséquilibrée avec un taux de couverture d'environ 50%... Ce n'est pas grave à court terme, car les fondamentaux marocains sont solides. Beaucoup d'entreprises ont fait leur mise à niveau ou sont en vue de le faire, d'autres attendent d'être confrontées aux problèmes pour cela. Il s'est passé la même chose en Espagne. Le Statut avancé va-t-il booster les relations économiques entre le Maroc et l'Europe ? Le Statut, c'est un document qui ouvre plus de possibilités, ça aide; mais ce qui importe le plus, ce sont les actions. Nous travaillons beaucoup avec Fathallah Sijelmassi et les ministres Ahmed Réda Chami et Salaheddine Mezouar pour passer à l'action. Nous devons pouvoir agir et pleinement tirer profit des documents signés.