Si la croissance n'est pas encore au rendez-vous et que la crise économique et financière mondiale persiste toujours, «c'est qu'il y a un problème de gouvernance». C'est ici le diagnostic livré par l'ex-patron du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn. L'économiste introduisait en effet un cycle de conférences qu'il compte animer à l'Université privée de Marrakech (UPM) tout au long de cette année universitaire, par la thématique des «pays émergents dans la gouvernance mondiale». Selon Strauss-Kahn, la question de la gouvernance est «centrale» et ce «thème est aussi pertinent que complexe, notamment devant les changements profonds que connaît le contexte économique et financier actuel, la morosité qui marque l'économie mondiale et le risque d'effritement dans la zone euro». Aux yeux de Strauss-Kahn, il serait plus approprié de parler d'économies émergentes que de pays émergents, «une très mauvaise formule» qu'il rejette, dit-il, rappelant que ces pays aux économies émergentes sont actuellement une réalité qui a changé la donne, compte tenu de leur contribution à la croissance mondiale, d'où la nécessité d'une refonte du système économique et financier mondial, de manière à prendre en considération ces nouveaux acteurs. «Ces pays, explique-il, méritent d'avoir une plus grande représentativité dans les mécanismes de la bonne gouvernance mondiale et ceci ne sera possible qu'à travers le renforcement de leur rôle au sein des organisations internationales. Les revendications des pays aux économies émergentes sont légitimes et au sein de ces institutions internationales, il ne suffit pas de changer les pourcentages des voix mais plutôt de lâcher des sièges, ce qui n'est pas toujours une entreprise aisée et évidente», déplore-t-il en faisant allusion à l'opposition pouvant être exprimée par les grandes puissances économiques mondiales. Strauss-Kahn a cité certaines démarches adoptées par certains pays aux économies émergentes dans l'espoir de se constituer en bloc de pression, par référence aux «BRIC : Brésil, Russie, Inde et la Chine». «Néanmoins, ce sont des tentatives qui, à plusieurs reprises, ont démontré leur limite en raison des intérêts divergents de chaque pays», rappelle-t-il. Evoquant les turbulences dans la zone euro et la crise en Grèce, Strauss-Kahn estime qu'il s'agit là d'un problème de gouvernance et que les dirigeants européens ont une part de responsabilité en étant incapables de prendre «les bonnes décisions», tirant la sonnette d'alarme sur le fait que la persistance de la crise dans cette zone pourrait peser lourdement sur les autres économies dans la région, notamment dans les pays qui sont très liés économiquement à l'UE. Une telle situation se traduirait, sur le plan interne, par des conséquences politiques lourdes, dont la persistance du chômage et des pertes d'emplois, l'absence de la croissance économique et la montée en flèche des revendications sociales. Abondant toujours dans son raisonnement, Strauss-Kahn, en se rappelant de certains moments à la tête du FMI ou en racontant des anecdotes, s'est dit peu optimiste face à cette tendance à se retirer du multipartisme, par référence à certains essais de répondre à la crise économique mondiale par la recherche de solutions nationales. «J'estime qu'il est nécessaire que la volonté de coopération renaisse et perdure. Nous sommes actuellement dans une économie mondiale et il n'y aura pas de place pour les solutions nationales», dit-il, avant de poursuivre : «Il faut faire survivre le multipartisme, ce n'est pas facile mais il nous appartient d'adapter nos moyens d'agir à la réalité de l'économie mondiale». Quel positionnement pour le Maroc ? Invité à donner son point de vue sur l'économie marocaine, Strauss-Kahn estime que l'économie marocaine a pu supporter la crise économique et qu'il appartient, désormais, au Maroc de diversifier ses partenaires, en renouvelant ses rapports avec ses partenaires classiques et en l'étendant à d'autres notamment africains. Il a affirmé qu'il continue toujours de croire que la présence marocaine dans la zone de l'Afrique subsaharienne à travers la finance, les banques et l'aérien, le place pour mieux entretenir des relations privilégiées de partenariat et de coopération avec les pays du Sud, se disant que le développement de l'Afrique ne peut se faire que par le développement de ses deux extrêmes, à savoir le Maroc et l'Afrique du sud.