Le Directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, vient de déclarer que l'économie mondiale avait accompli des progrès remarquables et qu'elle s'engageait sur la voie de la reprise, mais qu'elle demeurait éminemment vulnérable aux chocs et aux revers de politique économique. Un communiqué de presse du FMI indique que dans un discours prononcé à la conférence annuelle de la Confédération of British Industries (CBI) à Londres, M. Strauss-Kahn a déclaré que les décideurs se trouvaient à un tournant, car la viabilité de la reprise mondiale dépendra des choix qu'ils feront au cours des mois à venir. «La tempête est désormais passée. Le pire a été évité. Et pourtant, force est de constater que l'économie est en quelque sorte en phase d'observation : elle est stable, s'améliore mais reste fort vulnérable», a dit M. Strauss-Kahn. Pour les gouvernements, «les défis sont de taille. Pendant la crise, tout le monde était uni par un dessein commun. Dans les mois à venir, cette cohésion pourrait se dissiper. Le chemin à parcourir ne sera donc pas aussi clairement balisé. Il nous faudra faire preuve d'habileté et, peut-être, oser sortir un peu des sentiers battus. En tout cas, une chose est certaine, l'esprit de collaboration restera indispensable», a-t-il ajouté. Quatre grands défis Les dirigeants devront affronter quatre grands défis : l'abandon progressif des politiques d'accompagnement, l'adaptation à l'augmentation des flux de capitaux en direction des pays émergents, la mise au point d'un nouveau modèle de croissance mondiale et enfin l'élaboration et la mise en œuvre de réformes dans le secteur financier. En ce qui concerne les stratégies de sortie, M. Strauss-Kahn a souligné qu'il importait d'attendre une reprise soutenue de la demande privée et des signes clairs de stabilité financière avant de mettre fin aux politiques d'accompagnement. «Une sortie généralisée serait prématurée. Nous recommandons de pécher plutôt par excès de prudence, car nous avons plus à perdre à agir trop tôt qu'à agir trop tard», a-t-il déclaré. La priorité absolue doit aller à l'élaboration de plans de rééquilibrage des finances publiques, en particulier dans les pays avancés. Quant à la politique monétaire, elle peut rester accommodante pendant quelque temps encore, car il n'y a guère de signes d'inflation à l'horizon. Les stratégies de sortie s'accompagnent aussi d'un autre défi : la gestion des flux de capitaux vers les pays émergents. «Dans un grand nombre de pays, l'appréciation de la monnaie devrait être la principale riposte, mais d'autres instruments sont également disponibles, dont la baisse des taux d'intérêt, l'accumulation de réserves, le resserrement de la politique budgétaire et les mesures prudentielles dans le secteur financier. Les contrôles de capitaux peuvent aussi faire partie de la panoplie», a précisé M. Strauss-Kahn. «Mais nous devons être conscients que tous ces instruments ont leurs limites. Il faut faire preuve de pragmatisme». S'agissant de la création d'un nouveau modèle de croissance mondiale, M. Strauss-Kahn a déclaré que le vieux modèle d'une croissance fondée sur la consommation des ménages américains avait vécu. «Pour assurer une croissance soutenue de l'économie mondiale, il faut que quelqu'un d'autre prenne la relève. Pour ce faire, on pense en premier lieu aux pays excédentaires. Et on perçoit déjà une évolution dans le bon sens. En Chine et dans d'autres pays émergents d'Asie les exportations commencent à céder le pas à la demande intérieure. Mais ces pays ont encore fort à faire». Enfin, M. Strauss-Kahn a rappelé qu'il importait de maintenir le cap des réformes pour stabiliser le secteur financier. Il a souligné la difficulté que pose aux décideurs la prise de risque accrue dans ce secteur alors que les établissements financiers sont encore fragiles et que les instances de réglementation s'efforcent d'imposer de nouvelles normes plus rigoureuses qui pourraient compromettre la reprise. «C'est la quadrature du cercle. Comment s'en sortir? Une solution possible consisterait à réduire l'incertitude réglementaire. Elle fait naître des incitations perverses et encourage peut-être une culture de prise de risque», a-t-il dit. Toujours en ce qui concerne la gestion des risques dans le secteur financier, M. Strauss-Kahn a ajouté qu'il était indispensable de rompre le lien entre les comportements à risque et les rémunérations. «À cet égard, le G-20 nous a demandé de réfléchir à la taxation du secteur financier. Il y a diverses manières d'aborder ce dossier, aussi entendons-nous considérer cette question sous plusieurs angles et examiner toutes les propositions», a déclaré M. Strauss-Kahn.