Quand le ministre de la Santé décide de faire un bilan d'étape, cela prend des allures de satisfecit. «77 % du plan d'urgence réalisé en l'espace de six mois», a déclaré El Ouardi qui présentait le bilan de son département, mercredi à Rabat. Les avancées opérées dans ce département, pour ce premier semestre, sont certes importantes mais restent encore insuffisantes. Plus concrètement, il s'agit de la publication de 8 décrets adoptés durant ce semestre et qui répondraient aux engagements pris par le gouvernement lors du dialogue social, de l'élargissement de la prise en charge gratuite de l'accouchement, des complications de grossesse, des analyses prescrites aux femmes enceintes, de l'adoption de la stratégie nationale de lutte contre le Sida et de la généralisation du RAMED. Des engagements et des mesures Pour ce régime qui, selon le ministre de tutelle, «fait l'exception dans la région», il s'inscrit dans le cadre des objectifs visant à garantir l'accès aux soins pour tous. Dans une approche chiffrée, permettant d'évaluer la mise en œuvre de cette politique, sur 1,2 million de dossiers présentés pour bénéficier de ce régime, 160.000 ont été jugés recevables. 53.000 patients bénéficiant du Ramed ont été soignés dans les différents hôpitaux du royaume et 7.500 cas d'hospitalisations ont été enregistrés. En ce qui concerne la prise en charge des maladies chroniques, 6.037 cas ont été inscrits sur la liste des bénéficiaires en l'espace de 3 mois. Mais ce dont le ministre El Hossein El Ouardi reste le plus fier, ce sont les «3 opérations de greffe de rein et de moelle effectués sur des patients couverts par le Ramed». Ce cas particulier de mise en œuvre du Ramed traduit clairement le constat énoncé plus haut et qui évalue l'adéquation du rythme de mise en œuvre des mesures et l'urgence du terrain. Toujours dans les mesures d'urgence, l'application de la politique de protection et de prise en charge de la santé de la mère et de l'enfant. Cette dernière vise dans un premier temps à garantir la gratuité des services d'accouchement, des soins en cas de complications, ainsi que des analyses médicales prescrites. Dans le cadre de la prise en charge gratuite, celle-ci s'étend également à d'autres catégories, à savoir les personnes atteintes de maladies chroniques, qui peuvent désormais bénéficier d'un certain nombre de prestations entièrement gratuites. Afin que cela se fasse dans les meilleures conditions, le ministre se réjouit du «renforcement des opérations d'achat de matériel de dialyse pour des dépenses totale de près de 308 millions de DH, contre 141 MDH en 2011», mais également de l'organisation de visites médicales hebdomadaires au profit des patients souffrant de diabète et d'hypertension. Toutes ces réalisations laissent entendre en effet un mouvement de réforme enclenché et qui prévoit à long terme la remise à niveau du secteur de la santé. Toutefois, il serait intéressant d'envisager les réelles conditions de mise en œuvre de ces mesures sur le terrain, à l'origine même des différents blocages. Parmi les mesures sur lesquelles a porté la présentation du ministre de la santé, la politique du médicament, qui connaît aujourd'hui de nombreuses difficultés. La récente montée au créneau des professionnels du secteur qui réagissaient à la baisse des prix des médicaments reste une manifestation claire des blocages que le ministère de tutelle rencontre actuellement (ww.lesechos.ma). Dans la série de mesures qui entrent dans le cadre de cette politique, la révision de la liste des médicaments de base et l'élaboration d'une liste nationale des besoins médicaux sont aujourd'hui en cours, ignorant encore les détails de leur application concrète sur le terrain. Ce point estd'ailleurs largement reproché par les professionnels du secteur, qui déplorent «l'absence d'approche prévisionnelle», grâce à laquelle des politiques d'accompagnement pourraient être adoptées. Le manque de méthodologie du département n'est pas uniquement relevé par les pharmaciens, puisque dans le même temps, les médecins de la santé publique ont emboîté le pas pour relever les dysfonctionnements du travail du département. Ceci reste notamment lié à l'application des accords préalablement conclus avec la tutelle, ainsi que des règlementations nouvellement adoptées et désormais en vigueur. Plus globalement, ce point précis sur lequel la stratégie du département d'El Ouardi semble caler reste intimement lié à la politique de gestion des ressources, qui doit déterminer clairement les postes budgétaires de l'année et les prévisions des années suivantes. À juste titre, parmi les bémols du bilan d'El Ouardi, il y a lieu de relever que sur 4.300 ressources attendues, seulement 200 postes budgétaires ont été octroyés. Sur le volet formation, la machine peine également à fonctionner, dans la mesure où elle doit faire l'objet d'un travail concerté avec différents ministères. El Hossein El Ouardi, Ministre de la Santé. «Nous envisageons des partenariats publics-privés» Les Echos quotidien : Quels sont aujourd'hui les effets immédiats des mesures d'urgence ? El Hossein El Ouardi : Les effets immédiats des mesures d'urgence peuvent être clairement recensés. La mise en place du Ramed a permis à 3 cas de bénéficier d'une greffe de rein et de moelle, qui sont des opérations très lourdes et très coûteuses au Maroc. Voilà là un impact direct sur le patient au Maroc et sur un court terme qui ne dépasse pas les 6 mois. Dans les hôpitaux universitaires, nous avons mis en place un système de dons de prothèses qui ne coûte pas moins de 8.000 DH. À titre d'exemple également, les augmentations de salaires opérées au profit des fonctionnaires de la santé publique font également partie des effets immédiats dont vous parlez. Quant au reste, le travail doit être réalisé sur le long terme, 6 mois étant un délai très court dans la mise en œuvre d'une stratégie d'envergure. À mon sens, les réels résultats des réformes entamées ne seront visibles sur le terrain qu'à partir de fin 2012. Que répondez-vous aux différentes affaires médiatisées et montrant des femmes accouchant dans les rues, des malades laissés à l'abandon ? Je tiens à dire que ce sont des réalités du terrain que je ne peux absolument pas nier. Cependant une partie de ce qui est justement relayé par les médias et les réseaux sociaux n'est pas forcément vrai et il convient donc d'être vigilant. Notre objectif reste bien entendu de faire en sorte que ce genre de choses ne se reproduise plus au Maroc, de la même façon que nous redoublons d'efforts pour éviter toute sorte de désinformation qui pourrait nuire au travail de réformes que nous avons entamées. Aujourd'hui, la mauvaise gestion des ressources ainsi que leur manque dans certaines spécialités est relevé. Que répondez-vous à cela ? Nous mettons en oeuvre, à l'heure actuelle, un débat national qui fera l'objet de concertations avec les différentes parties, à savoir les professionnels du secteur ainsi que des représentants de la société civile pour déterminer les mesures qui restent à suivre et la méthodologie la plus adéquate à adapter. Le travail est en cours et nous envisageons même pour redoubler d'efficacité, des partenariats publics-privés qui permettront par là d'améliorer nos moyens financiers. De là même manière, le ministère de la Santé s'est exprimé de manière favorable à l'entrée du privé dans le capital de certains établissements publics à condition de placer l'intérêt du citoyen en tête des priorités.