Réduction de la participation des ménages aux frais de soins, amélioration spectaculaire des urgences, respect de l'action syndicale, régionalisation de la santé, révision du code du médicament et de la pharmacie…Le nouveau ministre de la Santé, El Hossein El Ouardi, promet des mesures fortes pour l'amélioration du secteur. Entretien. Le nouveau ministre de la Santé, El Hossein El Ouardi, a du pain sur la planche. Vous avez pendant de longues années critiqué la gestion de la Santé et dénoncé ses dysfonctionnements. Aujourd'hui, vous tenez les rênes de ce secteur. Quelles sont les actions prioritaires que vous mettriez en œuvre pour améliorer la situation ? Tout est prioritaire dans la santé. Mais il devra faire la priorité des priorités. A mon avis, il faut d'abord revoir le système lui-même car sa réactivité est jugée par l'Organisation mondiale de la santé de très faible. Je m'explique. En cas d'épidémie, la réaction du Maroc pour y faire face est très très lente. Et cela est dû à trois raisons. La première raison est liée à la complexité du système de la santé hérité du protectorat. Aucun changement n'a été opéré depuis cette période pour l'adopter aux spécificités marocaines. De nombreux intervenants agissent sans coordination ni concertation. Le deuxième problème a trait au financement qui est faible et fragmenté. On note plusieurs couvertures médicales AMO, Ramed, Inaya, couverture pour les étudiants…je pense qu'il faut unifier les systèmes de couverture de santé avec la création d'une seule caisse. Concernant le Ramed, nous sommes en train de travailler sur ce chantier pour une généralisation rapide. Comme vous savez, ce régime a trois composantes à savoir l'éligibilité, l'immatriculation et l'offre de soins. Le ministère de l'Intérieur se charge du premier volet, l'ANAM du deuxième et le ministère de la Santé du troisième à savoir l'offre de soins. Nous voulons que le patient ayant une carte RAMED bénéficie gratuitement des soins de santé. L'expérience pilote à Tadla -Azilal a révélé certains dysfonctionnements. Simple exemple : 40% des patients ayant des cartes RAMED ont dû payer pour accéder aux soins dans l'hôpital de la région. Le troisième problème est l'absence d'une politique agressive et cohérente de la santé. Certes, beaucoup de choses ont été faites notamment la réduction de la mortalité maternelle et la mise en place de la carte sanitaire mais des insuffisances persistent avec des indicateurs alarmants. Quelques exemples : 20% de la population la plus riche consomment 56% des soins alors que 20% de la population la plus pauvre ne bénéficient que de 3% des soins de santé. C'est une inégalité sociale choquante. Pis encore. 31% de la population rurale est loin de 10 km d'un centre de santé. Autre exemple éloquent : le manque criant des professionnels de santé. Le Maroc compte 5,4 médecins pour 10 000 habitants alors que la moyenne en Tunisie est de 13 médecins pour 10 000 habitants. En Europe, c'est 30 médecins pour 10 000 habitants. L'écart est grand. Le troisième problème est l'absence d'une politique agressive et cohérente de la santé. Certes, beaucoup de choses ont été faites, notamment la réduction de la mortalité maternelle et la mise en place de la carte sanitaire, mais des insuffisances persistent avec des indicateurs alarmants. Que comptez-vous faire alors pour rétablir ce déséquilibre ? Nous allons engagé plusieurs actions. A commencer par capitaliser les acquis et faire aboutir les chantiers entamés par mes prédécesseurs. La première action à mener est de restaurer la confiance des patients-citoyens envers notre système de santé en facilitant l'accès à l'information, la propreté et par la moralisation du secteur. A ce sujet, nous allons poursuivre le partenariat avec l'Instance centrale de prévention de la corruption. Il faut également mettre à la disposition du patient les médicaments nécessaires. Le budget consacré à l'achat du médicament a été multiplié par 4, cependant, il ne profite pas aux patients. La raison est simple. Elle est due à une mauvaise gestion. La deuxième action à engager est la régionalisation du système de santé. Il faut donner plus de prérogatives à la direction régionale qui doit participer à la planification des actions à mener au niveau régional, à la gestion de ses ressources humaines, à la gestion financière et matérielle. Actuellement, toutes les décisions sont prises au niveau central. A quoi servent donc les directions régionales ? Pour une gestion efficiente et pour réussir la décentralisation, la direction régionale doit jouir de plus de pouvoirs, de responsabilité et d'autonomie locale. La troisième action à mener est la réduction de la participation des ménages au financement de santé. Actuellement, les ménages participent à hauteur de 58%. Ce n'est pas normal. Le quatrième point qui me tient à cœur concerne les urgences puisque je suis médecin- urgentiste. Aucun pays ne peut prétendre résoudre le problème des urgences et moi je ne suis pas un homme prétentieux. Mais, je promets une amélioration spectaculaire notamment en médecine préhospitalière. 63% des décès en cas d'accident surviennent sur le lieu du drame ou pendant le transport vers l'hôpital. Ce sont des morts évitables. c'est aberrant qu'un pays comme le Maroc ne dispose pas de SAMU. Nous allons créer des SAMU dans deux ou trois villes avant de les généraliser dans toutes les villes du pays. Une plate-forme préparée par mes prédécesseurs existe déjà. Mon équipe et moi allons poursuivre le travail entamé en le concrétisant sur le terrain selon notre vision. Parmi les priorités du nouveau ministre: la lutte contre la corruption dans le secteur et la mise en place d'un système de santé « régionalisé ». La santé mentale a été toujours le parent pauvre de notre système de santé. Quelle place lui accordez – vous dans votre plan d'action pour les cinq prochaines années ? Nous allons engager une véritable politique en santé mentale. La situation est dramatique et appelée à changer. Le Maroc compte à peine 2500 psychiatres et une dizaine de psychologues. La cherté du médicament a suscité une vive polémique ces dernières années. Peut-on s'attendre à une baisse significative du prix du médicament ? La procédure de fixation du prix du médicament sera revue en concertation avec les industriels pharmaceutiques et les syndicats. Le but étant d'aboutir à un accord gagnant-gagnant. Je les contacterai moi-même très prochainement pour fixer un rendez-vous et en discuter. Par ailleurs, le code du médicament et de la pharmacie doit également être revu car il contient plusieurs aberrations. La première action à mener est de restaurer la confiance des patients-citoyens envers notre système de santé en facilitant l'accèsà l'information, la propreté et par la moralisation du secteur. Ces dernières années ont été ponctuées par une série de mouvements de grève dans le secteur de la santé. Quelles mesures prendriez-vous pour calmer les tensions ? Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que l'action syndicale soit respectée. Le personnel de la santé a tout à fait raison de faire grève. Il souffre. Je comprends ses doléances. Je vais appeler moi-même les syndicats pour trouver un terrain d'entente. Le problème actuel est le manque de confiance du personnel envers le ministère. Il faut rétablir cette confiance. L'une des actions urgentes à concrétiser dans l'immédiat est la valorisation du personnel de la santé. Aucune stratégie ne peut réussir sans l'adhésion de l'élément humain. Il faut associer le personnel de santé dans toutes les décisions. Il faut également développer cette fibre sociale. Nous allons tout mettre en œuvre pour que la Fondation Hassan II des œuvres sociales, créée au profit du personnel de la Santé publique, soit opérationnelle dans les plus brefs délais. La formation continue est l'une des mesures à développer pour valoriser le personnel de Santé. Elles doivent profiter non seulement aux médecins mais également aux infirmiers. La procédure de fixation du prix du médicament sera revue en concertation avec les industriels pharmaceutiques et les syndicats. Le but étant d'aboutir à un accord gagnant-gagnant. Que prévoyez-vous pour le secteur privé ? Il est temps de développer un partenariat public/privé. Le ministère de la Santé n'est pas un ministère de la Santé publique. Il est également ministère de la sSanté privée. Nous allons travailler dans la complémentarité. Yasmina Baddou a été tout au long de son mandat critiquée sur le fait de nommer des istiqlaliens dans son cabinet et à la tête des grandes directions. Peut-on s'attendre à une révision des effectifs ? Certes, il y aura quelques nouvelles nominations mais je ne procéderai à aucun licenciement. Cependant, le système de nomination sera revu. Je ne tolère pas le fait que la décision de nomination soit détenue uniquement par le ministre. Nous allons instaurer un système d'appel d'offres pour le recrutement. En somme, toutes les actions et les mesures que je souhaite mettre en place seront discutées avec tous les partenaires lors d'un colloque national de la santé pour faire aboutir celles qui bénéficient de l'unanimité. Les excuses du PPS « Je présente mes excuses aux femmes de ce pays dont je ne doute pas de leurs compétences. La présence d'une seule femme au sein du gouvernement est à mon avis une régression et un retour en arrière ». Les propos sont du Pr. El Hossein El Ouardi, membre du bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui a tenu lors de cet entretien à exprimer son mécontentement vis- à -vis de la réduction du nombre des femmes au gouvernement. « Il est vrai ce qui est fait est fait mais cette question préoccupe notre parti et je crois de même que tous les membres du gouvernement ».