Nouveau rebondissement dans le dossier des saisonnières marocaines. Alors que la filière espagnole de fruits rouges promettait mont et merveilles, il y a à peine quelques semaines aux travailleuses agricoles qui se sont déplacées à Huelva dans le cadre de la saison agricole dédiée aux fruits rouges, celle-ci exigent à présent leur départ et dans l'immédiat. Par conséquent, une épée de Damoclès plane sur la tête de ces femmes dont l'avenir dépend désormais des grands agriculteurs espagnols. De fait, la filière des fruits rouges à Huelva a lancé un appel aux autorités espagnoles afin que les saisonnières marocaines plient bagages, illico presto. Selon un communiqué de l'Association agricole des jeunes agricoles, ASAJA, celle-ci a enjoint les autorités espagnoles de mettre en place un plan de rapatriement avec le concours des autorités marocaines. Selon le document de l'organisation, cette mesure concerne 7.000 ouvrières agricoles marocaines. «La décision doit être appliquée au plus tard début juin», réclame la filière. Celle-ci estime que la saison est arrivée à sa fin et qu'il est primordial de coordonner cette opération de rapatriement afin que les ouvrières agricoles ne soient pas abandonnées à leur sort. Le secteur justifie cette mise à l'arrêt prématurée de l'activité par la chute des prix et de la demande à cause de la crise sanitaire. Crise qui a provoqué un effondrement du marché des fruits rouges, poussant de la sorte les opérateurs à mettre fin à leur activité, se justifie le secteur. Or, quelques semaines auparavant, Interfresa, l'association des producteurs des fruits rouges en Andalousie a rassuré sur le devenir de la saison et s'est engagée à garantir aux journalières des revenus et l'hébergement, quitte à les réorienter vers d'autres exploitations si l'activité venait à diminuer. Pourquoi ce volte-face ? Contactée, la filière dit exprimer sa posture seulement par communiqués. Etrange attitude alors que le secteur a fait preuve de disponibilité voire de prise d'initiative depuis le début de cette crise. De son côté, les services consulaires marocains à Séville, dont relève le dossier des saisonnières marocaines, assurent être en contact permanent avec les autorités espagnoles. Il est question aussi d'évaluer cette nouvelle donne et voir les prochaines actions à entreprendre. Toutefois, à y regarder de plus près, cet appel de la filière andalouse des fruits rouges laisse entrevoir un perfide jeu politique. De prime abord, son timing. Il survient à peine quelques jours après la proposition parlementaire déposée par le parti d'extrême droite Vox à la Chambre basse espagnole où il appelle le gouvernement à «relocaliser» les saisonnières marocaines. Comme nous l'avions publié, Vox a présenté une proposition appelant à «réquisitionner» en quelque sorte les saisonnières marocaines pour les réorienter vers des secteurs et activités en manque de bras durant cette crise. L'on calcule que l'agriculture espagnole a besoin urgemment de pas moins de 80.000 ouvriers pour prêter main forte au secteur. Or, les Espagnols ne se bousculent pas au portillon des exploitations agricoles malgré les besoins croissants de la filière agricole. D'où cette initiative de la formation ultra-nationaliste de rediriger ses tirs vers le collectif le plus vulnérable, à savoir les saisonnières marocaines. Celles-ci sont menacées d'expulsion si elles s'aventurent à décliner l'offre de Vox, comme l'a bien mentionné ce parti anti-migration. Vox serait-il de mèche avec les patrons agricoles andalous ? Tout porte à le croire vu que la formation puise sa popularité et sa force électorale dans les milieux dits agricoles. Cette connivence entre les deux acolytes sert aussi à embarrasser le gouvernement espagnol, taxé d'être «très ami» avec le Maroc !