Les ouvrières agricoles œuvrant dans les exploitations agricoles espagnoles lancent un appel aux autorités marocaines afin que celles-ci procèdent à leur rapatriement. Les autorités régionales craignent une fugue massive des saisonnières en cas de longue attente. L'attente n'a que trop duré, estiment les saisonnières marocaines recrutées dans les champs de fraise à Huelva, en Espagne. La joie qui s'est emparée d'elles à l'annonce d'un prochain rapatriement par les autorités marocaines a cédé la place au désarroi et à l'incompréhension. Depuis une semaine, les 7.200 saisonnières attendent impatiemment des nouvelles de Rabat quant à la date de leur retour auprès de leurs familles, familles qu'elles ont quittées début décembre dans certains cas. L'Espagne a demandé la mise en place d'un couloir sanitaire pour rapatrier ces travailleuses, et la filière s'est montrée disposée à collaborer étroitement avec les autorités marocaines afin de garantir le retour de ce contingent de journalières agricoles. Mais face à ces requêtes, Rabat s'est murée dans le silence. «Nous avons mené une expérience similaire avec les ouvrières originaires de Roumanie et de Bulgarie à l'issue de la campagne, et cela a été un succès. Nous sommes rompus à ce genre d'exercice, et nous souhaitons que les autorités marocaines autorisent ce transfert dans les plus brefs délais car la situation devient anxiogène dans les exploitations», souligne cette source autorisée au sein de la filière andalouse des fruits rouges. Une source consultée auprès des autorités régionales de Huelva ne cache pas sa crainte de voir certaines ouvrières profiter de ce flou total pour s'évaporer dans la nature, comme cela a été le cas durant la campagne agricole qui a connu un fort remue-ménage suite aux accusations de harcèlement sexuel. «Si les ressources viennent à leur manquer, il est clair que certaines abandonneront les fermes agricoles et nous ne pourrons pas les en empêcher, c'est contraire à la loi», ajoute cette porte-parole du secteur. Techniquement, leurs contrats de travail ont été prorogés jusqu'au 30 septembre. Or, depuis quelques semaines, l'activité tourne au ralenti, et nombreuses sont celles qui ne se rendent plus aux champs. «Nous n'avons plus de quoi subsister car nous envoyons l'intégralité de nos salaires au Maroc, à nos familles au fur et à mesure que nous les recevons, gardant le strict minimum pour subvenir à nos besoins. Nos familles dépendent de nous et nous vivons en communauté; nous ne pouvons donc pas garder notre argent sur place», confie cette ouvrière originaire de Chaouia. Les centrales syndicales et les associations agricoles ont toutes lancé un appel au rapatriement des ouvrières, qui sont en situation de précarité en attendant leur rapatriement. C'est le cas du syndicat Commissions ouvrières. (CCOO), l'une des principales centrales syndicales espagnoles, laquelle a appelé les patrons des exploitations à se montrer solidaires avec leurs employées en attendant qu'elles rejoignent leur pays, et à ce que la convention régissant leur contrat soit respectée tant qu'elles sont sur le sol espagnol. Lasse, la filière a appelé la maison royale à la rescousse, le gouvernement espagnol n'était pas en mesure d'apporter des solutions aux patrons espagnols. «Personne ne se soucie de nous. Nous sommes de pauvres femmes analphabètes et notre sort ne préoccupe guère les autorités, qu'elles soient marocaines ou espagnoles. Nous sommes disposées à tout faire, mais que cette attente prenne fin car nous n'en pouvons plus», implore Hayat au bout du fil, la voix nouée. La joie et l'allégresse qu'exprimaient par téléphone les saisonnières la semaine dernière, suite à l'annonce d'un prochain rapatriement, ont cédé la place à l'abattement. Avides d'informations croustillantes écorchant l'image du royaume, les chaînes de télévision espagnoles ont trouvé dans le malheur et le désespoir des travailleuses agricoles marocaines de quoi meubler meubler leurs programmes. Les déclarations des ouvrières agricoles, au bord des larmes et implorant une solution, tranchent avec ce regard admiratif qu'a porté le pays voisin sur le Maroc pour sa gestion exemplaire de la pandémie.