C'est à Casablanca qu'Eneko Landaburu, ambassadeur et chef de la délégation de l'Union européenne à Rabat, présentera dans quelques jours, le traditionnel bilan annuel de son institution. Pour le choix de la ville, il est fort probable que le diplomate souhaiterait s'adresser à la communauté des affaires et au monde économique. Cela se comprend quand on sait que l'année 2010 a été charnière pour le projet du statut avancé, ce même dossier qui implique grandement le gotha économique national. Aujourd'hui, il est déjà aisé de s'avancer en statuant que si certains volets de la coopération ont connu des avancées, d'autres sont plutôt dans une sorte de statu quo alors que certains enregistrent des retards de concrétisation. Il était un jour, Grenade Jusqu'ici, le Sommet, tenu à Grenade le 8 mars 2010, qui avait réuni les représentants de différentes composantes européennes et marocaines a été le premier haut sommet politique entre les deux parties. Certes, l'économique prend souvent le dessus sur le politique, mais l'actualité chaude de la région de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient risque de changer cette donne. Par ailleurs, le Maroc est jusque-là le seul pays ayant reçu l'aval pour le statut avancé dans sa relation avec l'UE. Seul du moins, jusqu'à ce que la Tunisie entre en jeu. Si la démocratisation de la Tunisie se réalise et qu'elle obtient le statut avancé, le Maroc sera peut être relégué au second rang, craignent certains observateurs. Sur le volet des négociations, l'année 2010 a été celle de la signature de l'accord agricole par les deux parties, malgré les réticences de lobbies agricoles européens. En attendant la dernière étape de son adoption, concrétisée par la validation du texte au Parlement européen, Eneko Landaburu affiche un air plutôt serein à ce sujet. «Je crois que cet accord est suffisamment important et équilibré pour recevoir la ratification du Parlement. Il y a un certain nombre d'avantages pour le Maroc et pour l'UE qui doivent être pris en compte et le Parlement européen doit prendre sa responsabilité au service de l'Europe», a-t-il précisé aux Echos quotidien. L'accord de pêche semble également aller dans le sens de sa reconduction à la fin de ce mois, suite à des négociations de coulisses, d'associations de professionnels, ainsi que du lobbying intensif de part et d'autre. L'UE a également financé un certain nombre d'activités et d'investissements du gouvernement marocain cette année, notamment en matière d'électrification rurale, d'infrastructures routières et, récemment, un jumelage a été conclu avec le Maroc en matière de sécurité routière. Dans ce cadre, faut-il le rappeler, l'Union a déployé 1,4 million d'euros dans une opération de mise à niveau réglementaire, technique et humaine des dispositifs de la sécurité routière. Cependant, certains hics subsistent encore, bloquant avec eux l'avancement d'un nombre de dossiers. Au niveau de l'échange de services, les deux parties ont perdu du temps dans leur mode de négociations et promettent de changer de méthode. Proposition devrait ainsi être faite d'une nouvelle méthode de travail censée être prête et présentée par l'ambassadeur Landaburu incessamment. La réforme de la justice est, dans ce cadre, l'autre bémol. L'Union européenne refuse de parler financement et demande à en reparler au début 2012. De sources proches, l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), dans sa première tranche, dans laquelle a contribué l'UE, a présenté des résultats qui sont en deçà de ceux escomptés par les Européens. De même, l'harmonisation des réglementations est également dans le collimateur. Presque tous les secteurs sont en retard, à l'exception du département de Zouheïr Chorfi qui, lors d'une récente déclaration a affirmé que l'administration des Douanes avait mis en place des équipes de travail, afin de rapprocher les règlementations marocaines à celles de l'UE, et passer de l'accord de libre échange à l'accord de libre échange global et élargi (ALEGE). Sur ce volet, les observateurs rappellent toujours que le Maroc n'a pas fourni le programme de convergence réglementaire (PCR) demandé dès le début du processus, qui aurait méthodologiquement facilité l'évolution du processus, sa non-élaboration reste dommageable, quoique Landaburu préfère nuancer et affirmer que le travail bipartite pourrait se passer d'un tel document. Cela dit, le programme indicatif national, soulignant les priorités stratégiques et les engagements financiers vis-à-vis des réformes au Maroc, a été signé et couvrira la période 2011-2013. Différents modes de partenariat soutiendront des projets dans l'agriculture, la santé, sur le volet de l'égalité hommes/femmes, ainsi que l'accès au logement. Les deux parties croient de plus en plus en la nécessité d'un appui institutionnel au projet du statut avancé, en lançant le programme «réussir le statut avancé». O.R Politiquement parlant... Après plusieurs années de réticence du Maroc quant à l'adoption des accords de réadmission d'immigrés ayant transité par le royaume, l'Europe a promis de changer les termes de son offre. En effet, le Vieux continent vient de proposer un nouveau «package» au Maroc comprenant les dispositions en matière de réadmission et, en contrepartie, l'allègement des barrières à la circulation des personnes et la facilitation d'obtention de visas Schengen. Le Maroc n'a pas encore donné sa réponse, et le deal pourrait faire couler de l'encre chez les associations de défense et d'accompagnement des immigrés. L'année 2010 a également connu l'organisation par l'UE d'un séminaire sur les médias à Rabat. Des voix marocaines se sont élevées pour crier à l'ingérence dans les affaires marocaines. Landaburu ne le voyait pas de cet œil : «Par rapport à il y a un an, des évènements se sont passés dans le domaine de la limitation de la liberté de la presse qui nous posent face à des interrogations. Quand on a un dialogue entre gens de confiance et entre amis, on peut discuter d'un certain nombre de choses». Le Maroc a également vécu en 2010 une grave dégradation de ses relations avec l'Espagne. Selon Landaburu, «nos relations sont suffisamment matures pour que sur l'un ou l'autre point on puisse ne pas être complètement d'accord. Il faut qu'on puisse arriver à vivre avec certains différends».