Il est temps de partager des idées, des convictions et de débattre les éventuelles pistes possibles pour orienter le marché boursier vers une croissance solide. On parle en effet désormais de réformer la réforme de 1993. C'est que depuis cette date, aucune nouveauté permettant de donner une réelle impulsion au marché boursier n'a été réalisée, si on exclut bien sûr la refonte du système de négociation, qui a migré vers une plateforme électronique. Face à cette situation, comme tout marché financier, il y a des cycles haussiers et d'autres baissiers qui se suivent dans le temps. Aujourd'hui, le cycle baissier bat son plein, mais les conjonctures nationale et internationale ont changé de visage. On parle davantage de positionner la «City de Casablanca» comme un hub régional performant. Or, les ambitions ne suffisent pas, car il faut encore déployer des mesures concrètes pour relever le défi du rayonnement et de l'attractivité. En effet, la volonté de créer Casablanca Finance City (CFC) s'inscrit dans le cadre de l'accompagnement du processus de développement économique et industriel du royaume, dans un monde ouvert et en pleine mutation dans un contexte de mondialisation. À cet effet, les opérateurs financiers, réunis cette semaine pour débattre de la relance de la Bourse et l'essor du marché des capitaux (www.lesechos.ma) sont unanimes quant à cette question de réforme. Dans le cas contraire, tous les efforts entrepris ou à entreprendre seraient voués à l'échec. Dans cette logique, chacun devrait assumer pleinement sa nouvelle mission. Un constat est sûr, les idées et les propositions ne manquent pas, mais il s'agit surtout de s'assurer de leur faisabilité. L'Association professionnelle des sociétés de Bourse (APSB), au nom des 17 sociétés de Bourse de la place, déplore la situation actuelle du marché boursier, en l'assimilant à une carence du marché. Dans ce sens, l'Exécutif devrait, selon l'APSB, dresser des mesures concrètes au cœur de son agenda politique. Ceci dit, il faut reformuler les fondamentaux et la mission de la Bourse de Casablanca, selon Youssef Benkirane, président de l'APSB. Au regard de la cherté du marché, indique ainsi Benkirane, il est souhaitable d'instaurer une valorisation attrayante et «honnête». Un avis qui rejoint celui de Karim Hajji, directeur général de la Bourse de Casablanca, qui avance que «le niveau de valorisation est exorbitant». Or, ce qu'il conviendrait de dire réellement, c'est que les opérateurs et conseillers financiers du marché ont tendance à vouloir satisfaire d'abord leurs clients (les émetteurs), qui bien sûr s'attendent à la valorisation la plus élevée possible, au détriment de l'investisseur (l'épargnant). À ce titre, Karim Hajji invite les conseillers financiers à travailler de façon plus professionnelle, en dépassant l'esprit concurrentiel en matière de valorisation des sociétés. Pour certains professionnels, la question est beaucoup plus technique et traite des aspects de règlement et de gestion courants du marché boursier. À ce niveau, le président de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance (FMSAR), Mohamed Hassan Bensalah, souhaite voir les seuils de variation des valeurs cotées revisés à la hausse, actuellement à +/- 6% et de les fixer à +/- 10%. Cela permettrait aux actions d'être cotées plus librement et de réagir correctement face à un mouvement boursier. Pas grand monde... Dans ce contexte, un fait bien indiscutable se dresse devant les professionnels: le nombre des sociétés cotées (à 77 aujourd'hui) est trop faible. D'où la nécessité de papier neuf pour constituer une profondeur conséquente du marché, à même d'offrir une vision claire sur un secteur coté. Dans la foulée, la Bourse de Casablanca œuvre pour attirer de nouvelles recrues à la cote, or, les entreprises «séduites» ne se bousculent pas au portillon. D'ailleurs, dans le cadre de sa mission de sensibilisation, 160 visites sont prévues pour l'année 2012, dont 60 ont été réalisées à date d'aujourd'hui, souligne Karim Hajji. À ce titre, l'intérêt est davantage accordé aux PME, à travers la création à court terme d'un marché alternatif qui leur serait dédié. Notons par ailleurs que 95% de notre tissu économique est composé de PME. Ces dernières constitueraient le principal relais de croissance en matière de l'offre de la cote. Ouverture du capital de la société gestionnaire L'autre aspect important du débat, est celui du capital social. Détenu à parts égales entre les 17 sociétés de Bourse de la place, le capital de la Bourse des valeurs de Casablanca est au cœur des débats entre les différents intervenants pour une ouverture et une démutualisation. Ainsi, il a été préconisé que d'autres investisseurs, notamment les compagnies d'assurance et les banques, pourraient faire partie du tour de table de la Bourse. Ceci permettrait d'influencer les orientations stratégiques de la Bourse et d'instaurer un système de gouvernance plus souple. Invité d'honneur de cette rencontre, le ministre de l'Economie et des finances a souligné que la prochaine étape de ce projet sera consacrée à l'adoption des statuts qui devraient définir la composition de l'actionnariat et du Conseil d'administration. Notons par ailleurs que la démutualisation est un compromis entre la motivation du profit, le développement et la régulation du marché, dans une optique non lucrative et de bien public. Parce qu'ils constituent d'importants services publics, sur de petits marchés, comme celui du Maroc, les Bourses de valeurs pourraient facilement devenir des monopoles tournés vers le profit et négligeant leur rôle de régulateur. Vers une désintermédiation bancaire Et un autre dossier chaud, a été évoqué lors de ce débat de loin plus riche que ses précédents autour de la thématique de la santé du marché boursier national. En effet, l président de l'APSB a insisté sur l'impérieux besoin d'une désintermédiation bancaire, pour redynamiser le marché boursier et accroître la notoriété des intermédiaires en Bourse. L'objectif est d'aboutir à un partenariat «win-win» entre les membres de l'APSB et ceux du GBPM. Aujourd'hui, l'investisseur a le choix de passer son ordre boursier chez sa société de Bourse ou via un réseau d'agences bancaires. Par conséquent, le flux transigé via les réseaux bancaires se révèle important- en lien avec le critère de la confiance peut-être- alors que les sociétés de Bourse sont plus spécialisées en matière de conseil. ...Et le CDVM Le projet de loi portant sur la création de l'Autorité marocaine des marchés de capitaux (AMMC) s'est également invité au débat. Cette entité aura en charge de contrôler l'ensemble du marché et non plus seulement les valeurs mobilières. L'AMMC sera non plus présidée par le président du Conseil de surveillance, mais par un président nommé par le roi ou son délégué pour quatre ans et dont le mandat sera renouvelable une seule fois. De même, l'AMMC habilitera le contrôleur interne, le négociateur, le gestionnaire de portefeuille et l'analyste financier. L'autorité aura un pouvoir d'investigation et de sanction renforcé. À cet effet, le projet prévoit la mise en place d'un collège des sanctions et d'une procédure collégiale. En attendant, le ministre a profité de la rencontre de mercredi pour lancer un appel au CDVM pour engager des concertations avec les professionnels, pour une meilleure gouvernance au sein des sociétés cotées. Dixit Il n'y a pas de sujet tabou dans le cadre du développement de la Bourse. Il nous faut une convergence réglementaire dans le cadre du statut avancé avec l'Union européenne. Aujourd'hui, le statut de la société gestionnaire ne permet pas d'accéder à l'industrialisation boursière. Faouzia Zaaboul, Directrice du Trésor et des finances extérieurs Je reviens dernièrement de Dubaï qui impressionne de par la qualité et la diversité de ses infrastructures qui ont nécessité des investissements colossaux. Son centre financier est extrêmement dynamique, 14.000 personnes y travaillent au quotidien. Malgré l'abondance des capitaux dans les pays du golfe, Dubaï n'est pas encore considérée comme une place financière car il lui manque ce lieu de rencontres entre détenteurs et demandeurs de capitaux. C'est pourquoi, il est primordial que notre Bourse retrouve le dynamisme qu'elle a perdu ces dernières années, et soit adaptée à l'ambition nationale de faire émerger une place financière régionale. Said Ibrahimi, Directeur général du Moroccan Financial Board