C'est une première pour l'actuel ministre de l'Economie et des finances que d'intervenir à la Bourse de Casablanca et sur la houleuse question du développement du marché des capitaux. C'était lors de la conférence organisée, hier, conjointement entre le ministère de tutelle, Casablanca Finance City (CFC) et la Bourse de Casablanca, sur le thème : «Relance de la Bourse et essor du marché des capitaux». Le moins que l'on puisse en dire, c'est que cette rencontre a tenu ses promesses en termes de présence de tous les professionnels de la sphère financière. Il lui reste maintenant à tenir ces promesses justement en matière d'application et de mise en place des différentes mesures et plans d'action qui en sont ressortis. En clair, l'objectif est selon les dires de Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des finances, «l'amélioration de l'inclusion financière et de l'accès au financement, aussi bien pour les entreprises, notamment les PME, que pour les particuliers, la diversification des instruments et produits financiers à la disposition des émetteurs et des investisseurs, ainsi que le renforcement de la supervision du secteur financier». Actuellement, notre Bourse n'est pas à envier comparativement aux autres places financières, notamment celles des pays émergents. Le contexte du marché est caractérisé par une crise de confiance, au-delà d'une crise purement financière, comme le souligne Youssef Benkirane, président de l'Association professionnelle des sociétés de Bourse (APSB). Cette crise peut être reliée notamment au manque de volume et d'attractivité de la Bourse et aux niveaux de valorisation élevés. Or, le directeur général de la Bourse de Casablanca, Karim Hajji, a attiré l'attention de tous les opérateurs sur le risque de perdre le statut de marché émergent dans l'indice (MSCI). À ce titre, il ajoute qu'il ne reste que 3 valeurs marocaines dans l'indice au lieu de 5, il y a trois ans. Par ailleurs, le constat est unanime chez les professionnels de la place (sociétés de Bourse, sociétés de gestion, la Bourse de Casablanca, le CDVM): il faut accélérer le rythme d'application des différentes réformes lancées. C'est dire que le retard pris par le Maroc dans ce domaine permettra à d'autres places financières de se positionner comme des hubs financiers régionaux plus performants. Cela dit, à travers la création de Casablanca Finance City, les autorités veulent donner une réelle impulsion à la Bourse de Casablanca et la projeter dans une tendance de croissance réelle, afin de la positionner comme un hub financier vers l'Afrique. Saïd Ibrahimi, directeur général du Moroccan Financial Board, ne cache pas son enthousiasme sur ce sujet, en se félicitant de la stabilité politique du royaume, du système bancaire efficace et même de de l'existence des infrastructures nécessaires pour relever ce défi. Ce sont là des atouts indéniables dont dispose le pays pour renforcer davantage l'offre sur le marché, en stimulant en parallèle la demande et en améliorant le cadre législatif et réglementaire. Concrètement, la volonté du gouvernement est bien là, soulignant son fort engagement à accélérer les réformes et travailler en concertation avec tous les opérateurs du marché, pour atteindre le big bang financier. À cet effet, une série de mesures a été prise et leur réalisation s'étalera dans le temps (du court au moyen et long terme). À court terme, le gouvernement s'engage à améliorer le dispositif réglementaire et législatif, à travers l'accélération du rythme d'adoption des réformes, notamment celles relatives à l'Autorité marocaine des marchés de capitaux (AMMC) et la diversification des instruments financiers offerts sur le marché. Notons à ce sujet, que la mise en place des prêts-emprunts des titres permettrait d'améliorer inéluctablement la liquidité de la Bourse. De plus, l'Exécutif actuel vise à relancer dans les plus brefs délais le processus d'introduction en Bourse, via la reconduction dans le cadre de la loi de finances 2013, des incitations fiscales destinées aux émetteurs. Dans la foulée, le ministre de tutelle assure que la liste des sociétés privatisables a atteint ses limites, avant d'ajouter «Il y a différentes manières de financer l'Etat à travers la Bourse et de lancer des instruments qui permettraient d'y parvenir. On ne peut d'aucune manière s'appuyer sur l'Etat pour animer la Bourse de Casablanca, car c'est essentiellement le rôle du privé». Le marché marocain dispose d'un énorme potentiel d'entreprises privées et même familiales qui seraient des candidates sûres pour accéder à la cote casablancaise. Ceci nous pousse à évoquer la création du marché alternatif destiné aux PME désirant se financer via le marché boursier, qui fait partie des priorités du gouvernement à court terme. Quant à l'ouverture du capital de la société gestionnaire de la Bourse de Casablanca, c'est le point délicat dans l'agenda à court terme du ministère de l'Economie et des finances. Cette opération permettra une meilleure gouvernance de la société. C'est une opération à suivre de très près, puisque la prochaine étape portera sur l'adoption des statuts de la nouvelle société, son nouvel actionnariat et la nouvelle composition de son conseil d'administration. Au final, il convient de dire que c'est une responsabilité commune de la part de tous les intervenants. De facto, le rôle de la Bourse comme acteur principal au financement de l'économie a tendance a être oublié de la part des investisseurs. Les sociétés de Bourse sont prêtes à reconnaître leurs erreurs en la matière. Toutefois, le plus important est de pouvoir capitaliser sur les erreurs et actions passées pour pourvoir avancer à très grands pas dans le futur proche.