La Bourse de Casablanca est convalescente. Le malaise de la Place s'est aggravé avec les difficultés engendrées par la crise de confiance des investisseurs et la morosité des marchés. Pour la première fois, les acteurs financiers de la Place, fortement interpellés, se sont réunis, mercredi, au siège de la Bourse, pour dire leur volonté de participer à la concrétisation du « Plan de relance du marché des capitaux », tel qu'il a été présenté par le ministre de l'Economie et des Finances Nizar Baraka. Au fond, le ministre de tutelle a réuni cette agora pour examiner un peu les dysfonctionnements de la Bourse, mais surtout, proposer des mesures de court et de moyen-long termes propres à booster la Place de Casablanca et donner du sens à l'ambition du Maroc d'être un hub financier dans la région nord-ouest africaine. Pour rompre avec cette fâcheuse habitude qui limite la Bourse au rôle de « casino », d'importantes réformes réglementaires sont indispensables pour réhabiliter la mission du marché boursier, en tant que canal de financement de la croissance des PME. Le ministre a parlé notamment de 8 projets de lois, qui sont déjà dans le circuit et qui, en principe, doivent être adoptés d'ici à la fin de l'année 2012. Entres autres projets, on citera la création de l'Autorité marocaine du marché des capitaux ; de l'Autorité de contrôle des assurances ; la révision du statut de la banque centrale ; la réforme de la loi sur la titrisation ; la création des instruments financiers à termes et les sukuks ; la refonte du statut de la Bourse de Casablanca... D'autres idées mûrissent également en matière d'amélioration de la protection de l'épargne, de l'information financière des investisseurs et de la modernisation des infrastructures de marché... Bref, il s'agit là d'une réelle mise à plat de tout le dispositif réglementaire qui régit la Place financière de Casablanca, en parfaite concertation avec tous les intervenants (banques, assurances, sociétés de bourse, analystes financiers, Trésor public, Banque centrale, CDVM, Maroclear, ainsi que Casablanca Finance City. L'esprit qui anime le staff de Nizar Baraka vise à introduire des innovations majeures en vue de donner plus de profondeur au marché casablancais (plus de papiers et davantage de liquidité) et accroître l'attractivité de la Place de Casablanca (transparence des opérations, rigueur disciplinaire en matière de régulation des offres publiques et de bon fonctionnement du marché), etc. Le séminaire, organisé à l'initiative conjointe du ministère de l'Economie et des Finances et de Casablanca Finance City, en partenariat avec la Société gestionnaire de la Bourse de Casablanca, sous le thème : « relance de la Bourse et essor du marché des capitaux », fut, de l'avis général des intervenants, une rencontre d'une grande importance. Car il y a un réel besoin de sortir la place de sa léthargie. Mais, au-delà de la Bourse dont la situation devient inquiétante, la « réflexion, dira M. Baraka, doit être plus large pour englober l'ensemble du marché des capitaux. Elle ne doit pas non plus être une simple réponse à une conjoncture particulière, mais une réflexion de fond ciblant le court, moyen et long termes, dans le cadre d'une vision stratégique prenant en considération la nécessité de l'articulation entre le financier et l'économique, et entre l'impératif du développement local et l'ambition du rayonnement à l'international ». Une autre initiative menée par les autorités de tutelle, dans le cadre de cette nouvelle génération des réformes, concerne l'intégration du corpus juridique du secteur financier marocain dans un texte unique. Ce code monétaire et financier, couplé à la mise en place de l'Autorité du marché des capitaux, offrira, selon M. Baraka, une meilleure lisibilité du cadre législatif marocain pour l'ensemble des opérateurs aussi bien nationaux qu'étrangers. Pour l'instant, le marché boursier casablancais poursuit sa correction. L'annonce de ce train de mesures n'a, semble-t-il, pas pu sauver la corbeille de la déprime. Cette mauvaise posture du marché casablancais risque de durer, du moins d'ici la fin de l'année, tant que l'ambiance générale au plan macroéconomique reste tendue, affectée par la crise financière chez nos voisins européens. Il y a une autre question, qui a échappé au débat des faiseurs de marchés, celle du gouvernement d'entreprises. Pour nombre d'observateurs, l'admission à la cote des entreprises doit être conditionnée aussi -c'est primordial- par l'amélioration des conditions de fonctionnement des assemblées générales des actionnaires, la systématisation des comités d'audit et de rémunération, la responsabilité sociale de l'entreprise et l'accès facilité aux informations indispensables. Reconquérir la confiance des investisseurs et des épargnants est à ce prix. Pour s'assurer que l'information circule, devienne fluide et à portée de mains, les autorités de contrôle doivent disposer d'un réel pouvoir d'investigation et de sanction. De même, la société gestionnaire de la Bourse de Casablanca a le devoir d'aller sur le terrain recruter le maximum de PME cotables, disposant d'un réel potentiel de croissance, et ayant grand besoin de financer leur croissance en dehors du crédit bancaire. A aujourd'hui, le nombre de sociétés cotées reste presque invariable depuis le début des années 90 du siècle dernier. Le nombre des sociétés radiées, en termes de capitalisation et de notoriété, dépasse celui des nouvelles recrues. Sur ce point, capital par ailleurs, on a échoué à étoffer la cote et à élargir ses compartiments. La Bourse de Casablanca se meurt dans le confort de sa paresse ?