«Les Marocains en Espagne et en Italie et les défis de la crise», c'est sous ce thème que s'est tenu hier à Rabat, un séminaire organisé à l'initiative du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME). Ayant réuni un parterre de spécialistes des deux rives de la Méditerranée, la rencontre visait, entre autres objectifs, à dresser un état des lieux «des conséquences sociales et économiques de la crise sur les migrants et de tenter d'élaborer une vision concertée sur les éventuels mécanismes et stratégies à adopter». Il faut dire que face aux répercussions de la crise économique et financière que vivent les pays européens depuis 2008, la situation des travailleurs marocains n'a cessé de se détériorer, d'année en année, impactant lourdement leur contribution au développement du pays, à travers une baisse du volume des transferts de devises, une des mamelles importantes de l'économie marocaine. Si le Maroc a jusque-là, pu relativement limiter la casse, la mise en œuvre des mesures annoncées comme sortie de crise, risque de dramatiser davantage la situation fragile des migrants marocains, en plus d'affecter considérablement leurs conditions de vie et de travail. C'est la raison pour laquelle le Maroc se mobilise pour essayer de chercher les voies et moyens permettant d'assurer un soutien adéquat aux MRE, principalement en Espagne et en Italie, pays où la crise frappe de plein fouet. Situation de plus en plus alarmante Selon les experts, «l'aggravation, à partir du deuxième semestre de l'année 2008, de la crise financière globale a entraîné des conséquences économiques et sociales très graves avec notamment une expansion importante du chômage». Entre 2007 et 2011, l'Espagne a perdu 2,2 millions de postes d'emploi et le nombre de chômeurs est passé de 3,1 millions à plus de 5 millions alors que sur la même période, l'Italie connaît, pour sa part, une forte progression du taux de chômage, qui a atteint un nouveau record en mai 2012 et touche près de 9,8% de la population active. Les migrants semblent être les plus affectés par la crise et par l'accroissement du taux de chômage, comme l'illustre le taux de chômage des migrants dans ces pays. Selon le point de la situation dressée par le CCME, «les jeunes d'origine étrangère, âgés de 15 à 24 ans ont été très sévèrement touchés par la crise». En moyenne, 24,5% de ces jeunes étaient sans emploi dans les pays européens en 2010, et depuis, la situation ne s'est pas améliorée. De l'avis de plusieurs experts participants à la rencontre, «le fort taux de chômage des migrants s'explique en grande partie par le fait qu'ils sont nombreux à occuper des emplois peu qualifiés, souvent à caractère manuel et temporaire». BTP, bâtiment, hôtellerie, restauration et les secteurs agricole et manufacturier, sont les secteurs les plus touchés et fragilisés par la crise financière, et où on retrouve la majorité des travailleurs étrangers. Selon le CCME, il est une chose qui est largement connue de tous, les Marocains constituent l'une des communautés étrangères les plus importantes en Espagne et en Italie, avec plus de 800.000 personnes légalement établies en Espagne, et 600.000 en Italie. En Espagne, en 2011, le taux de chômage des Marocains (50,7%) a été le plus élevé parmi les communautés étrangères. En 2007, le nombre de chômeurs marocains se chiffrait à 42.600 hommes et 31.300 femmes, et en 2011 ce chiffre a atteint 183.200 hommes et 99.400 femmes. En 2011, 123.000 hommes et 65.000 femmes sont en chômage depuis plus d'un an et ils sont en 2010, 133.000 chômeurs à ne plus toucher aucune prestation sociale. Quant aux transferts en provenance d'Espagne, ils ont connu une baisse de 33% entre 2007 et 2010, selon les données de la Banque d'Espagne. Une situation assez alarmante qu'on retrouve, également en Italie, dans des proportions différentes. Dans ce pays, la communauté marocaine a été fortement touchée par la crise économique en comparaison des autres communautés étrangères. Le taux d'activité chez les hommes est ainsi passé de 79,3% en 2008 à 75,2% en 2009. Pour les femmes, de 27,8% en 2008, il a baissé à 23,7% en 2009. La communauté marocaine connaît un taux de chômage supérieur à la moyenne, notamment chez les femmes qui sont à 24,9% au chômage contre 13% chez les autres femmes étrangères selon les chiffres de l'Institut national de la prévoyance sociale d'Italie. «Très actifs dans le secteur de l'entrepreneuriat, avec un effectif de 50.767 entreprises qui contribuent à hauteur de 10% du PIB italien, à en croire le Conseil national de l'économie et du travail. Dans les deux pays, la conjoncture affecte, donc, lourdement les travailleurs marocains. «L'emploi précaire, les restrictions économiques et budgétaires, la révision des politiques migratoires sont des éléments qui accentuent la vulnérabilité des migrants, jusqu'à parfois, leur faire perdre leur acquis et les faire basculer dans l'irrégularité, et les exposer aussi à des pratiques discriminatoires et xénophobes», liste le CCME. Pour faire face à cette situation qui risque de se répercuter au niveau national avec d'autres impacts, les autorités marocaines se penche, désormais, sur les mesures visant à atténuer l'effet de la crise sur les migrants marocains notamment «les répercussions politiques, économiques, sociales et humaines, les mesures gouvernementales et les initiatives privées entreprises pour en atténuer les effets sur l'ensemble des travailleurs, dont les migrants». Une stratégie qui pourrait servir de feuille de route pour le ministre en charge de cette communauté, Abdellatif Maazouz.