Un véritable appel de détresse a été lancé, jeudi à Rabat, pour venir en aide aux milliers de Marocains, ruinés par la crise économique et financière en Espagne et en Italie, à l'issue d'un séminaire, organisé par le Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger (CCME). Selon des études sur la situation des Marocains légalement établis en Espagne et en Italie et à l'exclusion de la communauté des clandestins, des milliers de Marocains durement affectés avec leurs familles par la crise sont dans un état de détresse sans ressources aucune, sans emploi et sans prestations sociales. Ils sont de plus en plus nombreux à être exclus de la société et pris pour bouc émissaire de la crise qui secoue toute l'Europe mais surtout l'Espagne et l'Italie, sans oublier la Grèce et le Portugal. Ils sont devenus des proies faciles de la xénophobie et de pratiques discriminatoires, mais également d'islamophobie. L'emploi précaire, les restrictions économiques et budgétaires, la révision des politiques migratoires sont des éléments qui ont accentué la vulnérabilité des migrants, jusqu'à leur faire endosser la crise, leur faire perdre leurs acquis et les faire basculer dans l'irrégularité en les exposant à toutes les humiliations et à toutes sortes de pratiques discriminatoires et xénophobes. L'état des Marocains et familles marocaines sans ressources aucunes en Espagne et en Italie requiert l'intervention des autorités marocaines et de la diplomatie de leur pays pour leur venir en aide et en particulier à leurs enfants, ont recommandé les auteurs des études présentées au cours de ce séminaire. Pris dans le piège de la crise, ils éprouvent de grandes difficultés pour rentrer définitivement dans leur pays ou trouver un emploi stable en Espagne, en Italie et ailleurs en Europe. Certains d'entre eux préfèrent désormais rentrer «en cachette» au Maroc pour «leurs vacances», dira même Mohamed Haidour du CCME. Selon une enquête de l'institut espagnol Colectivo Loé, présentée par le chercheur Walter Actis, sur les 800.000 Marocains légalement établis dans ce pays, 282.600 Marocains sont en chômage depuis au moins un an en 2011 (183 200 hommes et 99 400 femmes), soit 50,7% d'entre eux. Plus grave encore, 133 000 d'entre eux ne touchent plus aucune prestation sociale depuis 2010. Compte tenu de cette situation, les transferts des émigrés marocains en Espagne ont baissé de 33 pc entre 2007 et 2010, d'après des données de la Banque d'Espagne. En Italie, indiquent d'autres études présentées à cette occasion, la communauté marocaine est beaucoup plus touchée par la crise du chômage que les autres communautés étrangères présentes dans le pays. Presque 25% des Marocains sont en chômage en Italie. Le taux d'activité chez les hommes est ainsi passé de 79,3% en 2008 à 75,2% en 2009. Pour les femmes, le taux d'activité a aussi baissé, passant de 27,8% en 2008 à 23,7% en 2009. Très actifs dans le secteur de l'entreprenariat, avec un effectif de 50767 entreprises qui contribuent à hauteur de 10 pc du PIB italien, les entrepreneurs marocains sont fortement touchés par la crise économique. D'après les études présentés au cours de cette rencontre, le fort taux de chômage des migrants s'explique en grande partie par le fait qu'ils sont nombreux à occuper des emplois peu qualifiés, souvent à caractère manuel et temporaire et travaillent en majorité dans des secteurs sensiblement touchés et fragilisés par la crise financière (bâtiment, hôtellerie, restauration, secteur agricole), notamment en Espagne, un des nouveaux des pays d'immigration en Europe où le nombre des chômeurs est passé de 34 millions en 2008 à plus de 44 millions en 2011. Une centaine d'experts issus du Maroc, d'Espagne et d'Italie ont pris part à cette rencontre, organisée par le CCME dans le sillage d'un séminaire international lancé en octobre 2010 en Espagne pour faire le point de la situation de la crise qui secoue l'Espagne et l'Italie et ses répercussions économiques, financières et sociales sur la communauté marocaine dans ces deux pays. Les travaux de cette rencontre devront être sanctionnés par l'élaboration d'une vision concertée sur les éventuels mécanismes et stratégies à adopter pour la survie de la communauté marocaine à l'étranger, qui joue un rôle important qui lui est reconnu par tous aux niveaux culturel, civilisationnel, académique, mais surtout économique dans l'intérêt de leurs familles et de leur pays d'accueil.