La situation des migrants marocains d'Espagne et l'Italie, pays frappés de plein fouet par la crise financière depuis 2008, a été au cœur d'une table ronde jeudi dernier à Rabat. Organisée par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), la rencontre a porté sur les défis de la crise pour les Marocains établis dans ces deux pays européens. [migration] En Espagne, où le taux de chômage atteint 24%, les Marocains sont les premières victimes des effets de la crise à travers l'exclusion ou la xénophobie.. Dans une Europe frappée par la crise depuis 2008, la situation des travailleurs, et plus particulièrement celle des travailleurs migrants, suscite une grande inquiétude. Dans des pays plus que dans d'autres. L'Espagne et l'Italie, considérées par plusieurs comme la future Grèce du Vieux continent, émergent comme parmi les plus vulnérables. Qu'en est-il de la situation des Marocains établis dans ces pays ? Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) est à l'origine d'un séminaire qui a permis de répondre en grande partie à cette question. Organisée jeudi dernier à la Bibliothèque nationale de Rabat, la rencontre a réuni des experts de la question, tout droit venus d'Italie et d'Espagne. Des pays qui comptabilisent pas moins de 600.000 Marocains pour le premier, et 800.000 dans le second.Une conclusion ressort : l'inquiétude est fondée ! Les Marocains résidant dans ces pays ont été malmenés par la crise, et continuent de pâtir de ses répercussions même à moyen terme. En Espagne, où le taux de chômage atteint 24% aujourd'hui, contre 8% en 2008, les Marocains sont au premier front pour recevoir les effets de la crise nommés « xénophobie », « exclusion », et « islamophobie ». L'image du migrant qui vole l'emploi de l'autochtone n'est plus réservée aux partisans des partis d'extrême droite. « Même les Marocains nés en Espagne souffrent des mêmes problèmes que ceux qui sont arrivés plus tard », explique le sociologue Walter Actis, du collectif Ioé (groupe de recherche spécialisé sur la question migratoire en Espagne). Même s'il reste prouvé que les Marocains qui ne maîtrisent pas la langue de Cervantès pâtissent plus que les autres de cette exclusion. Femmes et migrantes : le double handicap En temps de crise, il ne fait donc pas bon être migrant. Et encore moins migrante ! Les femmes migrantes apparaissent ainsi comme portant un double handicap : sexe et origine. « Certains vont jusqu'à leur conseiller de rester chez elles, pour libérer des emplois », illustre Angela Ramirez, de l'Université autonome de Madrid. Pourtant, les Marocaines d'Espagne étaient bien parties. Une étude récente du collectif Ioé démontre que la plupart d'entre elles, pourtant sans activité au Maroc, ont réussi à trouver un emploi une fois sur le sol espagnol. Et ce quel que soit leur niveau d'instruction. Puis, même en temps de crise, les migrantes marocaines ont été moins inquiétées que les hommes par la perte éventuelle de leur emploi. « La crise a touché des domaines où les hommes sont plus présents, comme les BTP », détaille Walter Actis. Au niveau de l'âge également, la crise n'a pas fait de faveurs, puisque le chômage touche aussi bien les jeunes de moins de 25 ans, que les plus de 40 ans, dans une moindre mesure. « Ceci donne lieu à des foyers où le père et le fils sont sans emploi », précise Walter Actis. Selon les derniers chiffres, plus des deux tiers des jeunes Marocains d'Espagne sont sans emploi. « Je reste ! » Constat étonnant, on remarque que cette mauvaise conjoncture économique n'encourage pas pour autant les Marocains à rentrer. Moins de 5% d'entre eux ont exprimé leur désir de rentrer au bercail. On observe par contre que les nouveaux migrants se font rares. « La crise est devenue un frein et a provoqué une réversion modérée du solde migratoire, principalement chez les hommes jeunes », détaille l'étude d'Ioé. « Le taux d'entrée des femmes se maintient quant à lui, malgré des chiffres décroissants. » Ceux qui restent en paient cependant le prix, acceptant des emplois de plus en plus précaires. Pour d'autres, être prêt à accepter n'importe quel emploi ne suffit pas toujours. Dans le rang des Marocains d'Espagne, plus de la moitié de la population active est sans emploi en 2011. La botte n'est pas tendre avec les migrants Au même titre que l'Espagne, l'Italie a assisté depuis le deuxième semestre de l'année 2008, à une expansion importante du chômage, en particulier chez les migrants. En mai 2012, ce taux de chômage a battu un nouveau record atteignant près de 10% de la population active. Dans le pays de la pizza et de la crème glacée, tout n'est donc pas rose pour les migrants marocains, qui sont 600.000 à être y établis légalement. La communauté marocaine enregistre en effet un taux de chômage supérieur à la moyenne, notamment chez les femmes qui sont à 24,9% au chômage contre 13% chez les autres femmes étrangères. Les entrepreneurs marocains actifs en Italie sont également fortement touchés par la mauvaise conjoncture économique. * Tweet * * *