Les exportateurs américains surveillent de très près la campagne agricole marocaine et anticipent sur les importations de céréales du Maroc. Pour la deuxième fois de l'année, le département américain en charge de l'Agriculture publie un rapport sur l'état prévisionnel des besoins céréaliers. L'objectif étant de mieux se positionner sur l'approvisionnement du pays, en profitant de l'accord de libre-échange qui lie le Maroc aux USA et des perspectives d'excédent de récoltes attendu cette année. C'est d'ailleurs un des objectifs prioritaires que s'est fixé l'US Grain Export, l'organisme en charge de la promotion des exportations américaines de céréales. À l'issue de leur conclave du mois dernier, les exportateurs américains ont décidé de lancer une véritable offensive destinée à reconquérir leurs parts sur le marché marocain des importations de céréales (www.lesechos.ma). La campagne de commercialisation 2011/2012, qui débute à partir de juillet prochain arrive opportunément, puisque selon les chiffres du département américain, actualisés au mois d'avril, une baise de 53% de la production nationale est attendue. «La production marocaine de l'année devrait chuter à 2,7 millions de tonnes métriques, contre 5,8 millions l'année dernière», établit l'USDA qui se base sur la pluviométrie enregistrée de septembre à avril. Cette dernière est inférieure d'environ 55% comparée à la campagne précédente, «ce qui compromet notablement l'année agricole». C'est ce que confirme d'ailleurs, la dernière note du ministère de l'Agriculture sur les prévisions de la production nationale pour la campagne en cours. Selon les estimations du département d'Aziz Akhannouch, qui fait état d'une «campagne particulière» pour cette année, «la production prévisionnelle des trois céréales principales, au titre de la campagne agricole 2011-2012, s'élève à près de 48 millions de quintaux sur une superficie totale de près de 5 millions d'ha». Ce qui correspond à un rendement moyen de 9.46 quintaux/ha en baisse de 42% par rapport au rendement moyen de la campagne 2010-2011 et de 30% par rapport à la moyenne décennale, allant de 2002 à 2011. Les exportateurs américains de céréales s'attendent donc, à une hausse des importations marocaines de céréales cette année. Une opportunité pour la mise en oeuvre de leur volonté de retour sur un marché à tous points de vue prometteur. Selon les projections de l'USTDA, «les importations de blé du Maroc pour cette année sont estimées à quelque 3,2 millions de tonnes et pourraient atteindre 5 millions de tonnes pour la prochaine année». De quoi attiser les convoitises américaines qui savent pourtant que la tâche ne sera pas facile. En cause, la prépondérance des exportateurs concurrents, notamment la France qui continue de contrôler la plus grande part du marché pour le blé tendre (65% des exportations) et le Canada pour ce qui est du blé dur (51%). Il faut noter que jusqu'à la mi-avril, les importations marocaines de blé étaient moins élevées que leur niveau de l'année dernière, comme le confirment les chiffres de l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL). Selon les exportateurs américains, cela est dû à «la suspension des droits d'importation de blé et au régime de restitution, en matière d'importation, mis en place par le gouvernement pour soutenir les prix du blé importé». Rude concurrence à l'horizon Les exportations américaines de blé en direction du Maroc, pour la campagne 2011/2011 sont encore à un niveau insignifiant. Les Américains espèrent pour le moment se positionner sur les exportations d'orge comme un début, même si l'USDA prévoit une baisse des besoins du Maroc en 2013. De 1 million de tonnes, les importations marocaines ont été ramenées à 850.000 tonnes, «en raison des pluies enregistrées au mois d'avril, qui ont amélioré l'état des pâturages». L'augmentation globale des importations marocaines est due à des achats subventionnés par le gouvernement, à hauteur de 2.000 DH/ MT, «afin de pouvoir venir en aide aux éleveurs dont la production a été impactée par la sécheresse et des conditions météorologiques rudes, notamment le froid, cette année», note le document. Les mesures prises par le gouvernement s'accompagnent également, de la suspension effective des droits à l'importation à compter du 15 mars jusqu'au 31 décembre 2012. À mi-avril dernier, le volume des importations marocaines d'orge a été estimé à 429.000 tonnes, alors qu'une livraison supplémentaire de 50.000 tonnes est attendue pour les prochains mois. Sur ce marché aussi, ce sont les français qui dominent les importations (56%), suivis par les importations en provenance d'Argentine (15%) et les Etats-Unis (6%). En dépit de leur position sur le marché marocain, les exportateurs américains ne désespèrent pas pour autant. En témoignent les moyens dont ils se sont dotés pour suivre avec attention la situation au niveau national. Ce qui confirme leur réelle volonté de bousculer le marché marocain, même si du côté des exportateurs français, on reste serein, comme nous l'a confié Yann Le Beau, représentant de France export céréales. Seule interrogation, pour combien de temps encore si on tient compte du fait que les exportations françaises de céréales, principalement en direction du Maroc, ont baissé sensiblement sur le premier trimestre de l'année, selon les premiers chiffres publiés en début de mois par le ministère français de l'Agriculture. À en croire les chiffres confirmés également par la direction des statistiques économiques, la valeur des exportations françaises de blé tendre a chuté de 202 millions d'euros (-37%) sous l'effet des quantités (-26%) et des prix. «Les envois vers le Maroc expliquent plus des deux tiers de la baisse en volume», a souligné le document. Le début de la campagne de commercialisation démarre en juillet prochain. Ce qui est sûr, la donne ne risque pas de changer, au vu surtout des avantages comparatifs dont jouissent les exportateurs français. Cependant, ils doivent se préparer au retour en force des américains.